Quelles que soient leurs divergences, les écolos ne doivent pas viser la fonction suprême mais apporter les preuves qu’ils peuvent changer la vie quotidienne et être le pouvoir qui s’impose et agit progressivement comme une évidence. » Les commentateurs brevetés qui peuplent les médias ont relancé une nouvelle et grande discussion sur les personnalités qui représenteraient les écologistes à la prochaine élection présidentielle. Les «nommés» se prêtent plus ou moins à ces petits jeux. Mais sans se poser, eux non plus, la question la plus importante : «L’écologie a-t-elle besoin de briguer ce poste de direction du pays ?». Les succès que les écologistes ont obtenus, avec ou non l’appui du Parti socialiste et de rassemblements citoyens, devraient les inciter à rester plus modestes, mais surtout plus efficaces. «Plus pragmatiques», comme aiment à dire les marcheurs. Ils doivent donc continuer à viser les exécutifs locaux, départementaux et régionaux. C’est-à-dire le champ de la réalité quotidienne. Ils doivent donc continuer de montrer sur le terrain comment et pourquoi leurs solutions changent la vie et contribuent à améliorer le quotidien des citoyens. Ils doivent continuer à expliquer par les changements visibles et immédiats pourquoi les questions agricoles, les transports, les pollutions des terres et des rivières, les erreurs urbaines, les menaces climatiques, la baisse inquiétante de la biodiversité ne peuvent se résoudre qu’à partir des actions menées par des exécutifs dirigeant des villages, des villes et des régions. Et non depuis le donjon du château. Les écologistes, quelles que soient leurs nuances ou divergences, ne doivent pas viser le pouvoir suprême mais apporter les preuves qu’ils peuvent changer la vie quotidienne et donc être le pouvoir qui s’impose et agit progressivement comme une évidence. Autant la démonstration et les avertissements apportés par la candidature de René Dumont en 1974 étaient nécessaires, autant il est inutile de courir après la «présidence» en multipliant les compromis et les renoncements que nul ne leur demande sur le terrain. Là où les améliorations et les changements sont les plus visibles sans qu’il soit utile qu’un pouvoir présidentiel promulgue encore plus de textes de lois ménageant la chèvre et le chou avec les mots d’une technocratie éloignée du réel. Pendant les périodes de confinement, des millions de citadins, de banlieusards et de ruraux ont trouvé, seuls ou en groupes, des solutions qui ne passaient pas par des achats compulsifs de pâtes et de conserves. Ils ont trouvé, seuls ou avec l’aide des écologistes, à la fois les chemins de l’entraide, des producteurs, d’une alimentation cuisinée à la maison et des jardins où les fleurs ont laissé de la place aux légumes. Ils ont réhabilité le local dont les marcheurs ne savent et ne sauront jamais rien.Les écologistes et ceux qu’ils rassemblent dans les actions territoriales au quotidien n’ont besoin ni de la «planification écologique» prônée par Jean-Luc Mélenchon ni de nouvelles lois pour organiser leurs vies de communes, de départements ou de régions et leurs territoires d’élection, puisqu’elles existent déjà toutes mais sans être vraiment appliquées. Pour économiser la France, nul besoin d’un président vert prisonnier des groupes de pression et seule la contagion lancée par des élus locaux ou régionaux donnant l’exemple peut changer progressivement la gestion du territoire. La mauvaise loi climat vient d’en donner la preuve. Ce qu’un président ligoté ne peut pas faire, les élus verts le font depuis des années. Proclamant qu’ils ne réclament plus le pourvoir suprême, les écologistes gagneraient en crédibilité et en efficacité. » Claude-Marie Vadrot
, Journaliste spécialisé dans les questions environnementales / Libération / 18 mai 2021