Les opérations d’abattage de bouquetins dans le massif du Bargy, dans les Alpes, décidées en raison de la brucellose, vont être suspendues en attendant un recours en justice qui doit être examiné le 19 octobre, a affirmé dimanche 11 octobre la Fondation Nicolas Hulot.
« Nous avions beaucoup alerté vendredi et samedi sur ce sujet. La suspension nous a été confirmée samedi par le cabinet » de Mme Royal, a indiqué Matthieu Orphelin, porte-parole de la FNH. Le ministère de l’écologie, ainsi que la préfecture de Haute-Savoie, n’ont ni confirmé ni démenti cette information. (…)
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L’avis de François Moutou sur la question des bouquetins du massif du Bargy
La brucellose est une maladie bactérienne, classique chez les ruminants domestiques. En France elle a fait l’objet d’un programme d’éradication fondé sur des mesures sanitaires (dépistages sérologiques, contrôle des mouvements, abattages) et médicales (vaccination de certains types d’animaux) dans le courant de la seconde moitié du XXème siècle. La France a été reconnue officiellement indemne (Union européenne et OIE [organisation mondiale de la santé animale, organe référent de l’OMC, l’organisation mondiale du commerce]) au tournant du XXIème siècle.
Auparavant la maladie se rencontrait également dans les professions au contact des animaux (éleveurs, vétérinaires, personnels d’abattoir) et chez les consommateurs de certaines catégories de produits laitiers. Tous les cas humains actuels (moins d’une dizaine par en an en moyenne) correspondent soit à des contaminations à l’étranger, soit à la consommation en France de produits à risque importés.
La maladie humaine n’est pas devenue plus grave en devenant plus rare. La conduite à tenir (suspicion, diagnostic, traitement) est claire et connue. Le laboratoire national de référence, également centre national de référence (Anses, Laboratoire de santé animale, Maisons-Alfort) est reconnu internationalement (UE, OIE, FAO).
L’UE et l’OIE (www.oie.int) distinguent le statut sanitaire de l’élevage et celui de la faune sauvage dans les états membres. Dans le contexte actuel, le foyer du Bargy ne remet pas en question le statut de l’élevage français.
L’Europe a déjà connu quelques cas de passage des bactéries des ruminants domestiques aux ruminants sauvages. A ce jour, tous se sont terminés par la mort des animaux sauvages infectés et par l’extinction spontanée et rapide des foyers. Le cas du Bargy est unique et pose au moins deux questions : comment comprendre ce nouveau schéma épidémiologique et comment le maîtriser ? Les réponses aux deux questions sont nécessaires pour protéger environnement et santé publique. Or l’abattage de plus de 200 bouquetins abattus et éliminés sans réalisation du moindre prélèvement effectué en 2013 risque de ne jamais permettre de répondre à la première question. La protection réelle et future de la santé publique en dépend pourtant si ce schéma se renouvelait.
Le foyer du Bargy, probablement présent depuis au moins une quinzaine d’années mais seulement révélé en 2012 ne nécessite aucune mesure d’urgence. Le passage, toujours unique à ce jour, de la bactérie depuis la faune sauvage vers un troupeau bovin, représente un évènement de très faible probabilité d’occurrence. Si d’un côté, il est clair que les animaux malades doivent être éliminés, il est clair également que les méthodes de maîtrise du foyer doivent être adaptées au cas de figure (risque faible, massif alpin, espace ouvert, espèce protégée, maladie connue).
La mauvaise connaissance de l’effectif de la population locale de bouquetins en 2012 et en 2013 illustre les lacunes existant sur certains paramètres de base du foyer. Il s’y ajoute le risque important de voir le foyer s’étendre à d’autres massifs, risque augmenté en cas de dérangements importants dans ce massif. Dans tous les cas de contamination de la faune sauvage, le première règle est d’éviter la dispersion de la population concernée. Comme il est reconnu que certains animaux resteront hors de portée de tir, il est probable que prétendre pouvoir contenir toute la population dans le massif en cas de dérangement brutal est illusoire.
Le rapport de l’Anses, en rappelant l’absence d’urgence, propose d’autres possibilités qu’un abattage massif. Cet abattage ne serait jamais satisfaisant car il laisserait un effectif inconnu au statut sanitaire également inconnu tout en favorisant des mouvements de bouquetins entre massifs. La poursuite de la capture et du testage des animaux non encore examinés, avec élimination des positifs, associé à l’outil vaccinal (voir la fiche technique) parait mieux adapté à ce cas de figure. Même après une campagne massive d’abattage cette dernière option risque de rester indispensable. Or abattre de nombreux animaux négatifs ne peut pas être vu comme une option de nature à améliorer la situation.