Valérie Bertoni ne cherche pas l’esbroufe. Ses toiles à l’huile sont, comme elle les définit elle-même « caractérisées par les regards, ces fenêtres de l’âme qui donnent vie et émotion ». Depuis le début de sa carrière, sa thématique est liée à la fragilité d’une nature menacée par l’Homme. L’artiste peint des portraits de mammifères sauvages (félins, pachydermes, ours polaires, grands singes) et d’hommes(amérindiens par exemple) en tant qu’ethnies.
L’artiste par le velouté de l’huile donne une douceur particulière au chaud comme au froid et à de superbes paysages de mer du Nord qui ne sont pas sans rappeler Hopper. Elle crée une peinture d’une qualité rare et obsessionnelle.
La fusion des couleurs dans leur effet figuratif propose une plongée vers des sources lointaines et crée une ambiance épurée. Tout est assez étrange. Tout pourtant est familier. L’artiste offre des possibles auxquels nous donnons, nous, le nom d’histoires. Chacune de ses toiles devient une fable qui répond aux dynamiques de la nature. Contre le « chaomorphisme » ambiant surgit, par delà un simple appel à la nostalgie, l’attente d’un monde. Mais ses jours sont comptés. L’attente est donc sujet à caution. La pression des contraintes du géopolitique vient la contrarier. Valerie Bertoni veut en témoigner mais sans faire de leçons de morale.
L’implicite seul est aux commandes. L’artiste pense par images dont la solennité de l’éphémère n’est pas absente. Son avancée reste dans l’oeuvre faussement martiale et classique. Sous son aspect « clean » la peinture demeure avant tout décapante. Mais l’artiste se refuse à, comme on dit, « en rajouter une louche » perverse ou cauchemardesque. Elle se contente de montrer un monde sous le sceau du partage. Les peintures peuvent paraître dans un premier regard glaciales, paralysantes. Or il n’en est rien.
Chaque tableau sort du registre de la cérémonie mortuaire pour rappeler à l’existence.
On se laisse emporter dans une forme de poésie aussi immédiate, secrète qu’en voie de disparition. Toute la problématique du devenir de l’être et de sa planète est engagée dans les situations simples. L’artiste les exalte de manière dédoublée, contradictoire. La lumière qu’elle fait jaillir est comme empreinte d’une invisible suie puisque ce qu’elle montre semble en voie d’extinction et de consumation. Mais l’oeuvre affirme aussi la possibilité d’un visible ouvert dans la nuit (où l’on s’enfonce) du présent.
Valérie Bertoni peint pour la victoire de la vie contre sa disparition. Elle n’est pas productrice d’ombres mais de lumière. Elle peut faire sienne la formule d’un autre peintre (Parmiggiani) »ouvrir finalement une fenêtre lumineuse sur le monde »
Que demander de plus à la peinture et à son pouvoir hypnotique ?
Jean-Paul Gavard-Perret
Poète, critique d’art et maître de conférences en communication à l’Université de Savoie. Il poursuit une réflexion littéraire ponctuée déjà d’une vingtaine d’ouvrages et collabore à plusieurs revues artistiques.