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La LPO dresse un état des lieux, Roger Cans s’étonne, Allain Bougrain-Dubourg lui répond

Les éoliennes sont-elles des tueuses d'oiseaux ? La Ligue de protection des oiseaux (LPO) a dévoilé, mardi 20 juin, les conclusions de la première étude approfondie dans ce domaine. L'association a épluché 197 rapports de naturalistes et de bureaux d'études, réalisés entre 1997 à 2015, sur quelques 1 065 éoliennes implantées sur le territoire français (réparties sur 142 parcs) et les 1 102 cadavres d'oiseaux tués par ces machines à pales et à hélices.

Sur France Info, le président de la LPO, Allain Bougrain-Dubourg, a déploré une mortalité accrue près des zones protégées et fait plusieurs recommandations pour les futures implantations de parcs.
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la réaction de Roger Cans

En écoutant France Inter ce dimanche matin 25 juin, j’ai entendu deux bulletins d’information qui m’ont fait dresser l’oreille : dans le premier, on signalait que la LPO vient de publier une étude (NDLR : voir le rapport plus bas) prouvant que les éoliennes ont tué cette année en France un millier d’oiseaux, notamment des rapaces nocturnes.

Dans le deuxième bulletin, on dénonçait une pratique culinaire de l’île de Chypre qui consiste à servir des petits oiseaux à ses hôtes, pratique qui entraîne la mort de deux millions d’oiseaux chaque année dans l’île d’Aphrodite. Un millier d’un côté, deux millions de l’autre.

Ma conclusion, évidente : les éoliennes ont une incidence pelliculaire sur la mortalité de la gent ailée.

Ayant peint des cadavres d’oiseaux depuis ma tendre jeunesse, je sais combien la route et les vitres peuvent être mortelles. Ce ne sont pas un mais des milliers d’oiseaux qui sont tués ou se tuent chaque année de manière courante. Et je ne parle pas des chats, ces féroces prédateurs, ni des poteaux creux, ces redoutables pièges, qui tuent chaque année aussi des milliers d’oiseaux, chauves-souris et petits animaux divers.

Je n’ai jamais trouvé un cadavre sous une éolienne, sinon ma collection de planches peintes serait beaucoup plus riche !

Alors ? La LPO n’aime pas les éoliennes, dont les élégantes palmes évoquent d’immenses ailes et brassent l’air sans bruit pour fournir de l’énergie. Soit. On peut très bien ne pas aimer les éoliennes et les accuser de tous les maux, réels ou supposés, mais les rendre responsables de la mort des oiseaux est une imposture. La LPO, qui connaît pourtant bien les oiseaux, devrait connaître l’échelle de dangerosité qui les menace réellement.

Une étude américaine (Erickson & al.), publiée en 2005, a recensé tous les dégâts provoqués par l’homme sur l’avifaune. Il en ressort que ce qui fait le plus de victimes sont les bâtiments (gratte-ciel ou maison individuelles), puis le réseau électrique (par collision ou électrocution), puis les chats, puis la route et enfin les pesticides. Les éoliennes ne comptent pour rien (une moyenne de deux ou trois oiseaux par mât et par an). Une tour de télévision aux Etats-Unis a tué 12.000 oiseaux en une seule nuit (passereaux surtout). Curieusement, la chasse n’entre pas dans cette étude, parce que Les Américains aiment surtout la chasse au gros. Alors que la chasse au gibier à plume est encore florissante en France, en Italie et en Grèce notamment..

Les Anglais aussi ont fait leurs calculs : tous les six mois, les chats font disparaître chez eux 57 millions de mammifères et 27 millions d’oiseaux. Vous avez bien lu : 27 millions d’oiseaux. En France, le Muséum commence seulement à étudier cette prédation en faisant appel aux propriétaires de chats. Nul doute que, au terme de cette étude, on découvre encore des chiffres accablants. Quant à la route, ceux qui gardent un œil sur le bitume et ses bas-côtés le constatent : le hérisson, le merle et surtout la chouette effraie paient un lourd tribut à la circulation automobile, beaucoup plus lourd que les rares oiseaux tués par les rares éoliennes de nos campagnes.

Paradoxalement, le cri d’alarme poussé par la LPO est un coup d’épée dans l’eau et même plus : la preuve que les éoliennes, en France comme aux Etats-Unis, ne sont pour pratiquement rien dans les hécatombes d’oiseaux constatées ici ou là. Lorsqu’on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage. Lorsqu’on veut tuer les éoliennes, on dit qu’elles tuent les oiseaux. Mais ce n’est pas complètement vrai.

Roger Cans.

Roger Cans est un journaliste et écrivain français. Il est chargé de la rubrique « environnement » au journal Le Monde de 1983 à 1996. Il prend sa retraite de journaliste en 20061. En 2011 il fait partie du conseil d'administration de l'association Journalistes-écrivains pour la nature et l'écologie en tant que secrétaire général2.

Et Allain Bougrain-Dubourg répond à Roger Cans

"Cher Roger, 
Comme toi j'aime les oiseaux et j'aime aussi les éoliennes. C'est pourquoi ton billet d'humeur intitulé un "coup" de la LPO (sic) ne me parait ni fondé, ni argumenté.
J'ai suffisamment plaidé la nécessité de l'éolien, notamment  face à "vent de colère" pour ne pas avoir à subir le doute sur ce sujet. Par ailleurs, la LPO a, dès 2014, pris position officiellement en faveur des énergies renouvelables (dans la ligne de Négawatt bien sûr avec la réduction de la consommation etc.). Je te joins cet avis complété en 2016.
Mais cet a priori favorable interdit il d’avoir la même exigence de prise en compte de la biodiversité que nous l’avons pour n’importe quelle autre activité ?
Les ZPS ont été définies grâce aux données fournies par la LPO. Ce sont des secteurs à fort enjeu pour les oiseaux (ainsi que les ZSC pour les chauves-souris). Nous constatons scientifiquement qu’il y a plus de casse sur les secteurs Natura 2000. A l'heure où de nouveaux projets d'implantations sont prévus sur des zones Natura 2000, il me parait légitime de souhaiter d'autres sites. Par ailleurs, quel mal y a-t-il à faire une étude documentée et objective sur la situation actuelle ? Sommes-nous devenus comme les nucléocrates des années 70 incapables même de discuter ?
Dans son bilan, la LPO souligne que ..." le nombre de cas de collisions constaté apparait faible"... mais montre aussi "l'urgence de disposer d'un protocole de suivi robuste".
Pour étayer le mauvais procès fait aux éoliennes, tu sors le vieil argument (qui m'insupporte !) de situations plus meurtrières. Ainsi donc, parce qu'il y a pire ailleurs, le sujet devient négligeable.
Quoi qu'il en soit, la LPO n'a pas attendu ton jugement pour lancer des campagnes de sensibilisation sur la mortalité due aux collisions sur les baies vitrées. Il suffit d'aller sur le site pour voir les conseils donnés dans le programme "oiseaux en détresse". 
De même, tu sembles mal informé concernant la prédation des oiseaux par les chats : c'est la LPO qui a initié un programme visant à limiter l’impact avec des tests réalisés chez des propriétaires. Cette démarche est soutenue et alimentée par une thèse en cours sur le sujet au Muséum National d'Histoire Naturelle.
En résumé, cher Roger, tu fais un bien triste procès à la LPO ….
Et il me serait agréable que tu fasses suivre la présente réponse aux destinataires de ton mail initial.
Bien à toi, Allain Bougrain Dubourg"
Pour info complémentaire : ​
"Il y a entre 0,3 et 18,3 oiseaux tués par an et par éolienne. Soit une moyenne de 7. Ce qui correspond aux chiffres avancés dans d'autres pays.

A ce jour il y a 6000 éoliennes installées, soit environ 42.000 oiseaux tués par an. Dont la majorité est protégée et certains bénéficient de PNA comme le Crécerellette, en tous cas sur le papier.
Pour 8000 éoliennes projetées en 2023 et 12.000 projetées à terme, on obtiendrait donc les chiffres de 56.000 et 84.000 oiseaux tués par an. Sans compter les chauves-souris.
D'où l'intérêt de rectifier les erreurs du passé. Il ne s'agit évidemment pas de ne plus installer d'éoliennes, mais de les installer hors ZPS et ZSC. Selon le principe éviter, réduire, compenser imposé à tous. C'est ce que font déjà la plupart des pays européens pour l'éolien en mer. Avec un véritable enjeu concernant les premières installations qui arrivent à terme et demandent leur renouvèlement. Car à cette époque pourtant récente on ne ce souciait pas de biodiversité, le croirez-vous !? C'est la condition de la pérennisation de cette légitime industrie." Yves Verilhac, Directeur général de la LPO
Crédit photo LPO

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