En France, le retour du loup se confirme: après l’estimation de 430 individus à la sortie de l’hiver 2018, il est probable que le carnivore ait franchi la barre des 500, avance l’ONCFS dans un bulletinpublié jeudi 6 décembre. Une bonne nouvelle pour les défenseurs du loup, mais qui ravive déjà les tirs.
La présence du loup, revenu en France en 1992, ne cesse de s’accroître: au cours de l’été, l’animal était présent dans 85 zones de présence permanente (ZPP, comptant au moins deux animaux sans antécédent de reproduction connu), dont 72 meutes reproductrices. Soit 11 ZPP et 15 meutes de plus qu’à la sortie de l’hiver 2018!
L’ONCFS dénombre désormais 958 communes françaises où la présence du loup est occasionnelle ou durable, soit une hausse de 13% par rapport à 2017 (+17% pour celles de présence régulière, +9% pour celles de présence irrégulière).
Principale évolution, une densification de la présence sur les massifs alpins et provençaux, une augmentation dans l’Aude, l’Aveyron, le Gard, en Lozère, ainsi que dans «un secteur frontalier entre la Meurthe-et-Moselle et les Vosges». Sans preuve d’installation durable à ce jour, la présence du loup a aussi été observée ponctuellement dans le Cantal, la Corrèze, la Côte-d’Or, la Creuse, le Jura, la Somme et le Tarn.
L’OBJECTIF DU PLAN LOUP ATTEINT?
A la sortie de l’hiver 2018, les estimations s’élevaient à 430 loups. «Au vu de l’évolution des données issues du suivi hivernal (2017/2018) et du suivi estival 2018, il est probable que l’estimation de l’effectif en sortie d’hiver 2018/2019 dépasse les 500 loups», avance l’ONCFS. L’estimation des effectifs en sortie d’hiver est en effet prise comme référence pour évaluer l’évolution de la population, avant que ne surviennent les naissances et après la mortalité juvénile hivernale.
Or le seuil de 500 individus constitue justement l’objectif fixé par le plan loup 2018-2023. «Le gouvernement a pris l’engagement de réexaminer le dispositif de gestion une fois l’objectif atteint. L’ONCFS travaille d’ores et déjà pour être en mesure de nourrir les réflexions pour la révision des modalités de gestion si cette évolution se poursuit cet hiver», indique l’office. Contacté par le JDLE quand à cette révision, l’ONCFS n’a pu être joint.
UN OBJECTIF, MAIS PAS PLUS
Tout porte à croire que le gouvernement ne s’empressera pas d’aller bien au-delà de 500 loups. Pourtant, ce chiffre s’avère déjà très minimaliste. Il provient d’une expertise scientifique publiée en mars 2017 par l’ONCFS et le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN): les deux organismes y indiquent qu’un «seuil minimum de 400 à 500 animaux» permettrait d’éviter un risque d’extinction de 10% à l’horizon de 100 ans.
Le même rapport indique que «pour permettre à la population de s’adapter aux changements futurs et ainsi assurer sa viabilité sur le long terme, un effectif de 2.500 à 5.000 individus adultes constitue le minimum nécessaire». C’est donc un très strict minimum que le gouvernement, écartelé entre les éleveurs et ses obligations de protection de l’espèce, a retenu. Signe que la présence du loup est, dans les faits, plus tolérée qu’encouragée.
DES DÉROGATIONS POUSSÉES À L’EXTRÊME
Côté tirs au loup, la tension ne faiblit pas: l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas) a annoncé lundi 3 décembre qu’elle allait porter plainte contre la France auprès de la Commission européenne, pour manquement à la directive Habitats. En cause, de nouvelles modalités de détermination du nombre d’individus pouvant être abattus chaque année –par dérogation au statut protégé de l’animal-, en partie définies par le plan loup.
Selon un arrêté du 19 février 2018, ce plafond d’animaux pouvant être abattus (par tirs de défense ou de prélèvement, voir encadré) est fixé «par année civile à 10 % de l’effectif moyen de loups estimé annuellement» au printemps par l’ONCFS. Il a ainsi été fixé à 40 pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2018. Ce chiffre sera actualisé chaque printemps pour l’année en cours –jusqu’alors, il était fixé fin juin-début juillet pour la période allant du 1er juillet au 30 juin.
Or un arrêté du 21 septembre est venu durcir ce premier texte: si ce plafond de 10% est atteint avant la fin de l’année, le préfet coordinateur du plan loup (en l’occurrence le préfet de la région Auvergne-Rhône-Alpes, Pascal Mailhos depuis fin octobre) pourra décider de prolonger les abattages, seulement par tirs de défense simple ou renforcée, dans la limite de 2% des effectifs.
Et ce n’est pas fini:une fois ces 2% abattus (soit 12% sur l’année déjà écoulée), il est encore possible de recourir à des tirs simples jusqu’à la fin de l’année… sans aucune limite.
AU DIABLE LES PLAFONDS: DÉCEMBRE, C’EST CADEAU
Or ces deux plafonds consécutifs de 10% et 2% ont été atteints, avec un 51e loup abattu le 27 novembre. La troisième phase a été lancée dans la foulée: jusqu’au 31 décembre, des loups pourront ainsi être abattus par tir de défense simple, sans limite de nombre.
Pour l’ASPAS, «cette disposition est totalement déconnectée des dommages, ou d’une situation exceptionnelle, puisque la mise en œuvre de cette dérogation n’est conditionnée qu’au seul constat de l’atteinte du plafond avant la fin de l’année civile (…) 1.454 tirs de défense simples sont actuellement en vigueur [autorisés par les préfets, ndlr]. Autant dire que la population entière de loups présents en France pourrait être exterminée avant la fin de l’année!». La dérogation, tout un art.
Le Journal de l’Environnement/Romain Loury/6 décembre