Braconnés en Afrique, ils sont achetés par de riches habitants des pays du Golfe qui les exhibent sur les réseaux sociaux.
Sur les photos, une femme est allongée dans son lit sous les couvertures, accompagnée d’un couple de guépards. Un homme tient nonchalamment son félin en laisse, joue avec lui sur son sofa ou dans son jardin. Un autre attache le véloce prédateur sur le siège passager de son 4 x 4, avant de l’emmener faire un peu d’exercice dans les dunes.
Ces clichés délirants proviennent tous des pays du Golfe. Aux Emirats, au Qatar, au Koweït, à Bahreïn ou en Arabie saoudite, des guépards capturés en Afrique sont utilisés illégalement comme animaux de compagnie, résultat d’un vaste trafic qui menace la survie de l’espèce.
Chaque année, selon des experts, autour de 300 félins seraient arrachés à la savane pour finir dans des appartements de Riyad ou d’Abou Dhabi – soit 1 200 à 1 500 guépards sur les cinq dernières années. « Ces chiffres peuvent sembler modestes, comparés aux dizaines de milliers d’éléphants abattus tous les ans, mais ils sont en réalité dramatiques », selon William Crosmary, directeur de programme pour Traffic, un réseau de surveillance du commerce de faune sauvage en Afrique de l’Est.
La population du félin, connu pour ses sprints à 120 km/h, s’est effondrée, passant de 100 000 individus au début du XXe siècle à seulement 7 100 aujourd’hui, avec une accélération brutale ces vingt dernières années. Autrefois présent du bassin du Congo jusqu’à l’est de l’Inde, il est maintenant confiné sur à peine 9 % de son territoire originel, essentiellement en Afrique australe et orientale, avec des groupes fragmentés ne comptant souvent plus que quelques dizaines d’individus.
Jusqu’à 15 000 dollars pour un guépard
« La route du guépard, on la connaît bien »,
enchaîne M. Crosmary. Les félins, braconnés dans la Corne de l’Afrique, dans le nord du Kenya et en Ethiopie, « traversent le golfe d’Aden dans des boutres vers le Yémen, avant d’être remis aux commerçants de la péninsule, qui transportent ensuite l’animal vers l’Arabie saoudite » ou le « redistribuent » chez les différents clients de la région, souvent par voie aérienne. « Le trafic passe par beaucoup de zones grises, en proie à la guerre ou à la famine », poursuit M. Crosmary. Autant d’endroits où un « gros chat » passe facilement inaperçu, et peut rapporter gros : jusqu’à 15 000 dollars (13 200 euros) pour un guépard vendu dans le Golfe….
Suite dans Le Monde du 20 janvier / par Bruno Meyerfeld
photo : Une Koweïtienne, allongée dans son lit sous les couvertures, accompagnée d’un couple de guépards, le 30 janvier 2017. SEBASTIAN CASTELIER