Neuf ans après le premier état des lieux, la mise à jour de la Liste rouge des espèces menacées montre une situation toujours préoccupante pour les poissons d’eau douce dans l’Hexagone : sur les 80 espèces de notre territoire, 15 apparaissent menacées de disparition. Le bilan s’aggrave même, puisque 39 % des espèces sont désormais menacées ou quasi menacées contre 30 % en 2010.
La destruction et la dégradation des milieux naturels constituent les principales menaces affectant les poissons d’eau douce. L’assèchement des zones humides et la présence de digues sur les cours d’eau altèrent par exemple l’habitat naturel de la Loche d’étang, classée « En danger », et le drainage agricole des prairies humides diminue la durée des crues et les surfaces inondées, réduisant les conditions favorables à la reproduction du Brochet commun, classé « Vulnérable ». Endémique du sud de la France, le Chabot du Lez est quant à lui affecté par la variation des débits due aux prélèvements d’eau pour les usages urbains et se trouve « En danger critique ». De manière générale, la modification des cours d’eau par le recalibrage ou la canalisation représente aussi une menace importante pour les espèces des eaux courantes.
La qualité de nombreux milieux d’eau douce est également altérée par la pollution, à laquelle les poissons sont souvent très sensibles. L’Anguille européenne, classée « En danger critique », est ainsi exposée à de nombreux polluants et pesticides qui fragilisent ses défenses immunitaires. C’est aussi le cas du Chevesne catalan, un poisson classé « En danger ».
Parmi les espèces évaluées, la situation des poissons migrateurs amphihalins, déjà préoccupante lors de la première évaluation en 2010, est toujours très inquiétante. Ces poissons effectuent une partie de leur cycle de vie en rivière et une autre partie en mer. Au total, 9 des 13 espèces de France sont menacées ou quasi menacées et une autre a disparu. La plupart sont concernées par les menaces citées précédemment, mais elles sont aussi particulièrement affectéespar les barrages qui compromettent leur périple migratoire vers les zones de reproduction. C’est le cas du Saumon atlantique, classé « Quasi menacé », de la Lamproie marine, « En danger », et de l’Esturgeon européen, de la Grande Alose et de l’Anguille européenne, tous trois « En danger critique ».
Pour répondre à cette situation, de multiples actions sont mises en œuvre. Certaines espèces, comme le Saumon atlantique, bénéficient aujourd’hui d’importants efforts de restauration mobilisant de nombreuses associations. D’autres, comme l’Esturgeon européen, font l’objet d’un plan spécifique de conservation. C’est le cas également de l’Apron du Rhône, un poisson endémique du bassin du Rhône et classé « En danger ». D’autres encore tirent avantage de la protection de leurs habitats, comme la Lamproie marine. Enfin, la politique de rétablissement de la continuité écologique des cours d’eau s’efforce de limiter les atteintes aux migrations des poissons amphihalins, qui ont besoin de monter et descendre les rivières pour accomplir leur cycle de vie.
Comme le montrent les nouveaux résultats de la Liste rouge nationale, l’état général des poissons d’eau douce ne s’améliore pas en France métropolitaine. Il est donc urgent de renforcer les actions de conservation pour les espèces les plus menacées et d’œuvrer plus largement à l’amélioration de l’état de nos cours d’eau.
Mené dans le cadre de la Liste rouge des espèces menacées en France, cet état des lieux a été réalisé par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), en partenariat avec la Société française d’ichtyologie (SFI) et l’Agence française pour la biodiversité (AFB).
Publication, résultats détaillés et bilan des évolutions entre 2010 et 2019 disponibles sur :
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