Suite au scandale provoqué par l’affaire du safari-chasse de chamois sur le Mont Ventoux (lire notre article), l’ONF tente de justifier la chasse aux chamois sur ce secteur, en prétextant les dégâts que provoqueraient ces animaux sur les « bourgeons des sapins pectinés » (lire l’interview de David Gavalda sur le site de France 3)…
On connaît ce discours bien rodé des forestiers, de mèche avec les chasseurs qui payent le droit de venir chasser dans les forêts domaniales : « sans régulation cynégétique des cervidés, les forêts ne peuvent pas se régénérer ». Concernant le chamois, l’argument ne tient pas : toutes les études montrent que leur impact sur la flore est quasi nulle ! D’ailleurs, dans le contrat qui lie les chasseurs à l’ONF dans la forêt du Mont Ventoux, il est écrit noir sur blanc que le chamois « reste à un niveau de population acceptable et ne génère pas de dégâts forestiers importants ».
Surtout, les experts sylvo-cynégétiques oublient (font exprès d’oublier) un (gros) détail : en présence des grands prédateurs, les ongulés se dispersent, leurs populations sont naturellement régulées, et c’est toute la biodiversité qui en profite.
Encore faut-il accepter la présence de ces prédateurs, qui entrent en concurrence directe avec les chasseurs ! Et qui contraignent les éleveurs à une protection plus efficace de leurs troupeaux. C’est pourtant la solution la plus naturelle et la plus écologique.
Le loup est naturellement revenu sur le Mont Ventoux, où il se nourrit surtout de cerfs et de chevreuils, mais il est moins à l’aise pour chasser les chamois, qui sont plus à même de se réfugier dans des zones escarpées.
Pour contenir les chamois, il est un autre prédateur, plus agile et varappeur que le loup, qui aurait toute sa place dans ce massif : le lynx boréal. Hélas, son retour naturel en Drôme et Vaucluse n’est pas pour tout de suite. Cependant, avec un peu de pédagogie et surtout une forte volonté politique en faveur de la biodiversité, on pourrait tout à fait imaginer un programme de réintroduction du grand félin dans ce secteur.
En effet, on estime qu’un lynx prélève environ 60 ongulés sauvages sur une année, sur un territoire d’environ 10 000 hectares (chevreuil et chamois essentiellement). En prenant en compte les densités de population de grand gibier sur le Mont Ventoux, l’idée d’une réintroduction mériterait une étude et une réflexion approfondie. Même s’il faut s’attendre, à n’en pas douter, à un véto de la part des chasseurs…
N.B : à l’heure où nous écrivons ces lignes, nous apprenons qu’un lynx aurait été abattu dans les Vosges… Malgré les efforts des associations locales, le lynx – victime de nombreux actes de braconnage depuis sa réintroduction au début des années 1980 – n’a malheureusement jamais réussi à se développer correctement dans ce massif.
Cet article Et si on réintroduisait les lynx sur le Mont Ventoux ? est apparu en premier sur ASPAS : Association pour la Protection des Animaux Sauvages.