Mieux que les drones, les oiseaux sont utilisés pour repérer les navires de pêches non déclarés. Ils participent au projet de recherche baptisé «sentinelle de l’océan».
Les albatros sont de grands oiseaux capables de couvrir de longues distances et particulièrement attirés par les bateaux de pêche, qu’ils peuvent repérer jusqu’à 30 kilomètres de distance. Des chercheurs ont eu l’idée d’avoir recours à leurs services pour estimer l’ampleur de la pêche illégale dans une zone de plus de 47 millions de km2 de l’océan Indien. Ils ont publié leurs résultats dans la revue PNAS en janvier.
L’idée consiste à coller sur le dos de l’animal une balise contenant un système Argos (pour communiquer), un GPS (pour la géolocalisation) et un détecteur de radar miniaturisé pour repérer les bateaux. Ces données sont récupérées sur terre par les autorités maritimes de la zone d’exclusion économique en question, capables de vérifier si le navire repéré utilise un système d’identification automatique (AIS, en anglais), obligatoire. Si un bateau survolé par un oiseau n’utilise pas d’AIS, c’est un navire non déclaré.
Résultat ? «Cela dépend des zones. Autour des îles françaises de Crozet ou Kerguelen, 15% des bateaux n’avaient pas d’AIS. Autour de Saint-Paul ou Amsterdam, nous étions sur 50%. Autour de l’île sud-africaine de Prince-Edouard, c’était la totalité des bateaux», détaille l’auteur de l’article, Henri Weimerskirch, directeur de recherche au CNRS. Au total, sur 353 contacts établis, un tiers n’avaient pas d’AIS. Grâce au système Argos, les autorités ont accès en direct aux données et peuvent intervenir tout de suite pour contrôler le bateau sans AIS.
Le chercheur a équipé 170 oiseaux pour cette étude. Mais ce système n’a pas été développé pour la surveillance de la pêche illégale. «Au début, nous voulions étudier la mortalité des jeunes albatros. En effet, on pense que les bateaux de pêche peuvent augmenter la mortalité de ces oiseaux qui gobent les appâts, se retrouvent ferrés et se noient», témoigne-t-il.
En exploitant les données des premiers tests, les chercheurs se rendent compte du potentiel du dispositif pour la surveillance. La démarche n’est pas passée inaperçue puisque les Etats-Unis vont l’utiliser autour d’Hawaï. La Nouvelle-Zélande aussi est intéressée «pour comprendre les raisons de la forte mortalité de l’espèce d’albatros locale», explique Henri Weimerskirch. La technologie pourrait également être adaptée pour d’autres espèces marines comme les requins ou les tortues de mer.
Olivier Monod/Libération/9 février