C’est devenu un triste classique du début d’année : nouvelle hécatombe de dauphins sur les côtes françaises. Rien que ce week-end, une centaine de cétacés se sont échoués sur les plages. Depuis le début de l’hiver, plus de 600 carcasses ont été retrouvées. Un chiffre bien plus élevé que l’année dernière à la même époque. Et les échouages ne sont que la partie immergée de l’iceberg ; l’hiver dernier, ce sont au total plus de 11 300 dauphins qui sont morts capturés dans les filets de pêche. Afin de limiter le désastre cette année, France Nature Environnement en appelle une fois de plus au gouvernement français : il faut suspendre en urgence les pêches mortifères jusqu’à la fin de l’hiver.
Une timide avancée : l’interdiction de la pêche au chalut pélagique sur une zone protégée du golfe de Gascogne
On recense des captures de dauphins dans les filets de pêche depuis les années 1990. Mais ces dernières années, les chiffres ont explosé à tel point que les spécialises s’inquiètent pour l’état de conservation de l’espèce1. Le dauphin commun est pourtant protégé2. Ce dernier se reproduit peu (l’intervalle entre deux mises-bas est de 3 à 6 ans en milieu naturel), les captures ont donc un impact considérable.
Deux techniques de pêche sont particulièrement délétères : la pêche au filet maillant et la pêche au chalut pélagique. Jusqu’à récemment, la pêche au chalut pélagique était autorisée dans la zone protégée du Plateau de Rochebonne3, dans le golfe de Gascogne. Au grand soulagement de France Nature Environnement, celle-ci a récemment été interdite. Selon Elodie Martinie-Cousty, pilote du réseau Océans, Mers et Littoraux : « Cette décision est un premier pas, mais cela n’a malheureusement pas empêché les nombreuses captures et les échouages. L’interdiction de pêche devrait concerner tous les sites Natura 2000 du golfe de Gascogne et elle devrait s’appliquer non seulement aux chaluts pélagiques, mais également aux filets maillants, grands responsables des captures de dauphins4. »
En France, des mesures inefficaces et peu respectées
Le gouvernement français a proposé une mesure qui n’a pas permis de réduire ces captures : l’équipement de chalutiers pélagiques en répulsifs acoustiques appelés pingers (balises sonores visant à repousser les dauphins attirés par les la présence de poissons), placés sur les bateaux de pêche. L’efficacité de ces balises est discutée, d’autant plus qu’elles consistent à faire fuir une espèce déjà menacée de son espace d’alimentation et de reproduction.
De plus, les mesures d’amélioration des connaissances (comme l’observation à bord des bateaux, et la déclaration, par les pêcheurs, de leurs captures) ne sont pas opérationnelles. En effet, le taux d’observation est aujourd’hui trop faible pour les chalutiers pélagiques, et presque nul pour les filets maillants, alors que ceux-ci sont responsables d’une proportion élevée des captures. Quant à la déclaration, elle est compliquée (car non instantanée) et les moyens de contrôle en mer étant très limités, cette obligation est aujourd’hui difficile à faire respecter.
A l’échelle européenne, un silence qui dure malgré l’action de 26 ONG
Le problème est européen : dans la mer Baltique et dans les eaux espagnoles par exemple, ce sont les marsouins communs qui sont victimes de captures accidentelles. C’est pourquoi en juin 2019, France Nature Environnement ainsi que 25 ONG européennes ont porté plaintecontre la France et les autres Etats européens qui n’ont pas pris les mesures suffisantes pour éviter les captures de dauphins et de marsouins. Pour la France, les associations demandent à la Commission Européenne une suspension temporaire de l’activité des filets maillants et des chalutiers pélagiques pendant l’hiver dans le golfe de Gascogne. En vain. Depuis le mois de décembre 2019, 600 dauphins se sont déjà échoués sur les plages, et cela ne fait que commencer…
« Nous demandons une fois de plus à la France d’agir sans attendre la sanction de l’Union Européenne : seule une suspension urgente des pêcheries problématiques dans le golfe de Gascogne permettra d’éviter une énième catastrophe. La France peut et doit être le bon élève européen », conclut Elodie Martinie-Cousty.