Les scientifiques du Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) ont publié hier un avis historique, exhortant la Commission européenne à prendre des mesures d’urgence pour éviter que des milliers de dauphins communs continuent à mourir dans les engins de pêche, comme c’est le cas chaque hiver et depuis 20 ans. En 2019, 11300 dauphins sont morts dans les filets de pêche, et des centaines se sont échoués sur nos plages. Cette saison, malgré le confinement, ce sont déjà 1160 dauphins qui se sont échoués, ce qui signifie que plus de 10 000 dauphins sont morts, pris au piège dans les filets…
Un avis scientifique qui confirme l’alerte lancée par 26 ONG
Les captures dans les filets de pêche constituent la première menace pour les mammifères marins, que ce soit les marsouins communs, en mer Baltique (dont il ne reste plus que quelques centaines d’individus aujourd’hui), ou les dauphins communs s’échouant par milliers sur les plages françaises.
Les mesures mises en place par la France n’ont pas permis de réduire les captures. Les chalutiers pélagiques (une des pêches responsables des captures), ont été équipés en répulsifs acoustiques (appelés pingers), qui n’ont pas apporté de résultats significatifs. Quant aux mesures concernant l’amélioration des connaissances, elles ne sont pas opérationnelles (la présence d’observateurs à bord des bateaux est très faible, les pêcheurs ne déclarent que peu leurs captures et les moyens de contrôle en mer sont très limités).
Face au manque d’ambition des mesures françaises, France Nature Environnement et 25 ONG avaient alerté la Commission européenne en lui demandant de suspendre l’activité des chalutiers pélagiques et des filets maillants pendant l’hiver dans le Golfe de Gascogne. Des demandes similaires ont été faites concernant le marsouin commun en mer Baltique.
La fermeture des pêches concernées : une demande des ONG reprise par les scientifiques du CIEM
Afin d’assurer la survie du dauphin commun, les scientifiques du CIEM ont repris et approuvé les demandes des ONG et ont recommandé à la Commission européenne d’imposer aux Etats membres la fermeture, pendant l’hiver, des pêches responsables des captures de dauphins dans le golfe de Gascogne. En dehors des périodes de fermeture des pêches, ils préconisent le recours aux pingers (répulsifs acoustiques) sur les chalutiers pélagiques et un effort important d’observation en mer. Le CIEM estime également que des mesures sur le long terme sont nécessaires.
« Nous saluons cet avis du CIEM, qui met en avant l’inaction des Etats membres », explique Elodie Martinie-Cousty, pilote du réseau Océans, mers et littoraux de France Nature Environnement. « La France ne doit pas attendre un rappel à l’ordre de la Commission européenne et doit maintenant montrer l’exemple en mettant rapidement en œuvre les fermetures des pêches concernées, dès l’hiver prochain, de décembre à fin avril, tout en renforçant les contrôles dans les zones à risque. Le reste de l’année, l’observation, – soit par observateurs embarqués lorsque c’est possible, soit par l’équipement des bateaux en caméras -, est primordiale, afin de mieux comprendre ce phénomène et sauver la population de dauphins communs dans le golfe de Gascogne, une espèce protégée par la loi ».
Pour en savoir plus
Avis du Conseil international pour l’exploration de la mer :
“EU request on emergency measures to prevent bycatch of common dolphin (Delphinus delphis) and Baltic Proper harbour porpoise (Phocoena phocoena) in the Northeast Atlantic”, ICES Special Request Advice Northeast Atlantic ecoregions, publié le 26 mai 2020.
Disponible ici
Communiqué de la LPO :
« La LPO approuve l’avis des scientifiques visant à stopper le massacre des dauphins par la pêche
« La France doit s’appuyer sur cet avis et interdire la pêche dans les zones concernées de son territoire dès l’hiver prochain.
Selon l’observatoire Pelagis, depuis le 1er janvier 2020, près de 10.000 dauphins ont péri asphyxiés dans les filets de pêche tandis que 1.089 cadavres de ces cétacés se sont échoués sur les côtes françaises du golfe de Gascogne, dont 88% portaient des marques flagrantes de capture comme l’ont constaté de nombreux bénévoles de la LPO. L’immense majorité (90%) des victimes appartient à l’espèce Dauphin commun (Delphinus delphis), menacée et théoriquement protégée par la loi. Face à cette situation dramatique, l’avis délivré hier par le Conseil international pour l’exploration de la mer (CIEM) composé de plus de 1.500 scientifiques principalement européens, indique que la seule mesure efficace consiste à fermer les zones de pêche concernées par ces massacres au cours de l’hiver, du 15 janvier au 15 mars, et selon divers scénarii. Cet avis est destiné à la Commission Européenne chargée d’instruire la plainte déposée par 26 ONG européennes, dont la LPO. De telles fermetures spatio-temporelles doivent en outre être assorties d’obligations pour les chaluts pélagiques de s’équiper de systèmes d’effarouchement acoustique (pingers) pendant toute l’année, ainsi que d’incitations coercitives pour que les pêcheurs déclarent les captures de mammifères marins. Bien qu’obligatoires depuis le 1er janvier 2019, ces déclarations ne sont absolument pas respectées. La LPO constate que les mesures prises précédemment par le gouvernement français afin de réduire les captures meurtrières sont insuffisantes car inefficaces. La LPO rappelle que c’est la survie des Dauphins communs du golfe de Gascogne qui est en jeu et soutient donc l’avis historique des scientifiques du CIEM face à l’inaction des Etats membres de l’Union Européenne. «
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Photo : mer-océan.com