La pandémie est l’un de ces événements catastrophiques qui suscitent une mobilisation mondiale. L’apparition d’un nouveau coronavirus en Chine, en décembre 2019, a confirmé le caractère cyclique des pandémies, après la « grippe espagnole » en 1918, la « grippe asiatique » en 1957, la « grippe de Hong Kong » en 1968, la fièvre hémorragique Ebola en 1976, le vih en 1981 ou encore le sras en 2003. Ces événements obligent les autorités de santé globale à maîtriser les risques pour affronter les conséquences sanitaires, morales, géopolitiques et économiques des crises pandémiques, dans un monde marqué par des transformations dramatiques dans l’urbanisation, l’élevage industriel, la déforestation et le changement climatique. Les sentinelles animales, placées sur la ligne de front des « guerres contre les virus », sont valorisées parce qu’elles détectent l’apparition des maladies infectieuses émergentes à travers des signaux d’alerte précoce.
Les Sentinelles des pandémies repose sur une recherche ethnographique conduite à Hong Kong, Taïwan et Singapour, trois territoires situés aux frontières de la Chine et connectés au reste du monde. Cet ouvrage montre comment les « chasseurs de virus » et les responsables de la santé publique s’allient avec les vétérinaires et les observateurs d’oiseaux pour suivre les mutations des virus de grippe entre les oiseaux sauvages, les volailles domestiques et les humains. Par les méthodes de l’anthropologie sociale, il décrit la manière dont les techniques de préparation en vue d’une pandémie transforment les relations entre humains et non-humains dans le temps long de l’Anthropocène.»
La pandémie de grippe est un des événements qui suscitent une mobilisation au niveau global. Le caractère cyclique des pandémies – la « grippe espagnole » en 1918, la « grippe asiatique » en 1957, la « grippe de Hong Kong » en 1968 – a conduit les experts à penser qu’une nouvelle pandémie était imminente, et qu’elle tuerait des millions de personnes. La question, pour les autorités de santé globale, n’est pas tant de savoir quand et où cette pandémie commencerait, mais si nous sommes prêts pour ses conséquences catastrophiques, ce que l’on mesure en 2020 avec l’arrivée d’une nouvelle pandémie d’un coronavirus de type SRAR venu de Chine.
Les Sentinelles des pandémies montre, avec les méthodes de l’anthropologie sociale, comment les techniques de préparation pour une pandémie de grippe ont transformé nos relations aux oiseaux. Des milliards de volailles ont été tuées à travers le monde pour éviter que des pathogènes potentiellement pandémiques ne passent la frontière d’espèces, et les oiseaux migrateurs ont été surveillés pour comprendre la diffusion des virus de grippe en-dehors de leur lieu d’émergence. L’anthropologie sociale, en tant qu’elle produit du savoir sur les similarités et les différences entre les humains et les autres animaux, peut prendre les pathogènes franchissant les barrières d’espèces comme point de départ d’une enquête sur les transformations des relations entre humains et non-humains.
Ce livre est basé sur une recherche ethnographique conduite à Hong Kong, Taiwan et Singapour entre 2007 et 2013. Après la crise du SRAS en 2003, ces trois territoires ont investi dans les techniques de préparation à une pandémie de grippe en surveillant les virus de grippe aviaire venant de Chine, où le nombre de volailles domestiques a dramatiquement augmenté au cours des quarante dernières années. Hong Kong, Taiwan et Singapour sont trois points de passage pour la diaspora chinoise, qui peut ainsi s’identifier avec les oiseaux migrateurs accusés de propager la grippe à travers le globe. L’un des arguments de l’ouvrage est que ces trois territoires situés aux frontières de la Chine, et connectés au reste du monde, ont trouvé avec la grippe aviaire une manière de parler des problèmes qu’ils ont dans leur relation avec le continent chinois, considéré comme une puissance émergente dont les conditions de vie manquent de transparence.
Les Sentinelles des pandémies associe un argument théorique en anthropologie sociale avec une ethnographie des relations entre hommes et animaux dans les techniques de santé publiques afin de saisir ce qu’est « la préparation au niveau aviaire » dans des territoires asiatiques singuliers.
SOMMAIRE
Préface. Les virus de l’imagination, Vinciane Despret
Introduction
Partie I. Maladies animales
1. Abattre, vacciner et surveiller les animaux contagieux
2. Controverses sur la biosécurité dans la surveillance des zoonoses
3. De la santé globale aux écologies de la conservation
Partie II. Techniques de préparation
4. Sentinelles et signaux d’alerte précoce
5. Simulation et scénarios inverses
6. Stockage ordinaire et prioritaire
Conclusion
Postface. Les premières leçons du coronavirus de Wuhan
Notes
Index
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