Illustration Laurent Dard
Le programme européen Life ours Pyr, doté d’un budget de 8 millions d’euros, vient d’être reporté par la France.
C’est une victoire pour les opposants à la présence de l’ours dans le massif des Pyrénées. A l’occasion d’une foire agricole à Saint-Gaudens, en Haute-Garonne, samedi 18 septembre, le préfet de région Occitanie, Etienne Guyot, a annoncé vouloir« retravailler sur le dossier Life ours Pyr, relatif à la préservation de la nature et de la biodiversité ». Déposé auprès de la Commission européenne au printemps, en partenariat avec de nombreuses associations ou organismes, et porté par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), ce programme devait déboucher sur un vaste programme de « sauvegarde de l’espèce ursine dans le massif pyrénéen ».
Doté d’un budget de 8 millions d’euros, aux trois quarts financé par l’Union européenne, et portant sur la période 2021-2027, le programme avait pour ambition de« maintenir dans la durée la population d’ours », de « diminuer les contraintes de cohabitations avec les activités humaines » et de « favoriser l’acceptation des politiques européennes de préservation de la biodiversité ».
Le programme prévoyait également le renforcement des « corridors écologiques dans le massif », des « moyens supplémentaires pour la protection des troupeaux de brebis et la formation des bergers », mais aussi la création de nouveaux « outils de médiations tel un Centre de ressources sur l’ours ». S’il n’est pas question de nouvelles réintroductions d’animaux, le programme fait figure de véritable outil de financement pour le « Plan ours 2018-2028 » lancé par l’Etat.
Vendredi 23 septembre, la préfecture de région a confirmé au Monde le désir de « la France de reprendre le projet sur des bases nouvelles en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés du territoire ». Le préfet ajoute avoir « entendu les messages de demande d’explications et parfois les messages d’incompréhension ».
Pour le président de la chambre d’agriculture de l’Ariège, Philippe Lacube, farouchement opposé à la présence de l’ours, « nous n’avons pas gagné la guerre mais c’est quand même une victoire d’importance ». Dès cet été, aux côtés de la présidente socialiste du conseil départemental, Christine Téqui, et du président de la fédération pastorale ariégeoise, Alain Servat, les élus avaient exprimé leur opposition à ce dossier « qui institutionnalise la cohabitation de l’homme et de l’ours. Nous y sommes opposés sur le fond, car nous savons que la cohabitation n’est pas possible, mais nous contestons aussi la forme », avaient-ils déclaré.
Trois ours tués en 2020
Dans une lettre adressée à Emmanuel Macron, Christine Téqui, qui avait refusé de siéger au printemps au comité de Life ours Pyr, écrivait : « Nous attendons de vous un engagement personnel fort pour le retrait inconditionnel et définitif de ce dossier », dénonçant des décisions prises à Bruxelles.
Ces élus ont-ils été entendus par l’Etat ? C’est l’avis d’Alain Reynes, directeur de l’association pro-ours Pays de l’ours-Adet :« On a appris cette nouvelle dans la presse alors que nous sommes partenaires du projet. C’est incompréhensible et clairement une reculade. » Ce fervent défenseur du plantigrade estime que « dans Life, il n’y a que des mesures positives, non imposées, et c’était le moyen trouvé par l’Etat de mettre en œuvre financièrement le plan ours ».
Réintroduit dans les Pyrénées depuis 1996, notamment grâce à deux premiers programmes Life, et alors qu’il était en voie de disparition, l’ours brun est protégé par un arrêté interministériel de 1981 ainsi que par la directive européenne dite « Habitats » de 1992. On dénombre actuellement 64 individus, dont 59 ours dans les Pyrénées centrales – d’où beaucoup de tensions entre pro-ours et anti-ours en Ariège, principalement dans les montagnes du Couserans.
Alors que l’été avait été plutôt calme sur le front des « prédations » et attaques attribuées à l’animal sur les troupeaux en estive – environ 200, contre plus de 1 200 en 2018 en Ariège –, cette annonce relance une nouvelle fois les débats sur la cohabitation avec Ursus arctos. Après les très controversés lâchers de Sorita et Claverina, en 2018 dans le Béarn, trois plantigrades sont morts côté français et espagnol courant 2020. Cachou, empoisonné dans le Val d’Aran côté espagnol ; Sarousse, qui vivait sur le versant espagnol depuis 2010 et a été tuée par un chasseur ; et enfin un mâle de 5 ans, découvert en Ariège criblé de balles le 9 juin.
Si les auteurs des deux premiers faits ont été arrêtés, côté français « les investigations se poursuivent et plus de 70 personnes ont été entendues dans cette affaire où personne ne parle beaucoup », déclare au Monde le procureur de la République de Foix, Laurent Dumaine. Si l’Etat ne fournit pas de calendrier pour la révision de Life ours Pyr, il va devoir aussi répondre à la Commission européenne qui, le 29 janvier, lui demandait de « remplacer les ours tués par l’homme en 2020 et de procéder à de nouveaux lâchers, comme la loi [le] lui impose ». La mesure figure en effet dans la feuille de route du plan « Ours brun », sous peine de poursuites.