L’UE renforce ses règles pour assécher le commerce de l’ivoire

La Commission européenne a annoncé jeudi l’interdiction de la vente de l’ivoire sur le marché intérieur. Une avancée attendue depuis longtemps pour mieux contrer le commerce illégal et les massacres d’éléphants.

L’UE ne veut plus être une plaque tournante de l’or blanc. La Commission européenne a annoncé jeudi de nouvelles mesures, les plus restrictives qu’elle ait jamais prises, sur l’ivoire. L’objectif est de mettre un terme au commerce légal et par extension illégal à l’intérieur du Vieux Continent, avec cependant quelques exceptions. Cette actualisation des règles vise à renforcer la lutte contre le massacre de milliers d’éléphants en Afrique par les braconniers chaque année. L’ivoire est ensuite vendu à l’étranger.

«Malgré une interdiction importante du commerce international de l’ivoire, le braconnage d’éléphants et le trafic d’ivoire ont atteint des niveaux records. On estime entre 20 000 et 30 000 le nombre d’éléphants d’Afrique chassés illégalement chaque année», rappelle la commission européenne. Au début du XXe siècle, trois à cinq millions éléphants peuplaient l’Afrique selon WWF. Le braconnage a rapidement amoindri l’espèce. En 2016, l’Union internationale pour la conservation de la nature (IUCN) avait estimé qu’il ne restait que 415 000 individus. La population a décliné de 70 % par rapport aux années 70. Pire : depuis mars dernier, les éléphants d’Afrique, convoités pour leurs défenses, sont classés «en danger d’extinction».

«Balayer devant notre porte»

«Le monde perd la faune sauvage à une vitesse incroyable. […] Pour inverser cette tendance mondiale et protéger la biodiversité, nous devons aussi balayer devant notre porte», a expliqué commissaire chargé de l’environnement, des océans et de la pêche, Virginijus Sinkevičius. Il était temps. L’UE est le plus grand exportateur d’ivoire légal dans le monde car ses réserves d’ancien ivoire son conséquentes. En revanche, l’ivoire frais provenant du continent africain se dirige majoritairement vers le marché asiatique.

Aujourd’hui, donc, l’UE décrète la fermeture presque totale du marché intérieur à l’or blanc. «Le commerce de l’ivoire brut sur le marché de l’Union est suspendu, sauf dans le but exclusif de réparer des objets contenant de l’ivoire ancien», précise la Commission européenne. Les exceptions portent sur les antiquités et les instruments de musique datant d’avant 1975 contenant de l’ivoire ancien.

La révision des règles de l’UE fait suite à un engagement pris dans la stratégie de l’UE pour la biodiversité à l’horizon 2 030. Ce nouveau règlement veut marquer un tournant. «L’ivoire ne peut plus être commercialisé comme d’autres marchandises dans l’Union» et dans le monde, a insisté le commissaire européen Virginijus Sinkevičius.

Position tiède de la France

Dans un communiqué, l’ONG IFAW (Fonds international pour la protection des animaux) se réjouit de cette «annonce sans précédent». Il s’agit pour elle d’une «une étape importante dans la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages». L’association estime que les nouvelles mesures «entraveront les efforts des criminels pour blanchir l’ivoire illégal».

Une telle décision était attendue de longue date. En mai 2018, plus de 90 membres du Parlement européen avaient demandé une interdiction totale de l’importation et du commerce de l’ivoire dans l’UE. Puis début 2021, l’interdiction du commerce d’ivoire a été soumise aux citoyens européens.

Le texte aurait cependant pu être encore plus restrictif. Plusieurs pays poussaient pour le «zéro exception». La France avait jusqu’ici été ambitieuse sur l’arrêt de l’ivoire. Depuis 2017, la vente est interdite sur le sol national, «sauf dérogation exceptionnelle». Mais à l’heure d’établir des règles communes dans l’UE, le pays n’a pas eu la position ferme espérée au sein des 27 Etats et a plaidé pour les exceptions.

Désormais, il incombe à chaque pays de mettre en œuvre les nouvelles mesures ainsi que les contrôles qui doivent les accompagner puisque la police et la douane sont du ressort des Etats membres. Les associations de défense de l’environnement seront particulièrement vigilantes à la bonne application des interdictions.

Margaux Lacroux / Libération 17 décembre

Photo

: Des défenses d’éléphant saisies à des trafiquants par les autorités, à Abidjan en Côte d’Ivoire, le 25 janvier 2018. (Luc Gnago/Reuters)