Trente-cinq scientifiques, dont Christophe Cassou, climatologue, et Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue, dans une tribune co-écrite par Matthieu Orphelin, député (écologiste) du Maine-et-Loire, assurent la nécessité de leur démarche de former les députés aux enjeux climatiques.
« Nul n’est censé ignorer la loi, mais nul n’est censé ignorer non plus les causes et les conséquences du changement climatique et de l’érosion de la biodiversité. Et encore moins les parlementaires ! Quelle que soit leur couleur politique, les 577 élus devront tous mieux prendre en compte ces enjeux. Dès le début du mandat, des textes structurants vont être votés ; ils nécessitent que les députés s’approprient les connaissances scientifiques des enjeux environnementaux et l’ampleur des actions nécessaires pour s’adapter à un changement climatique qui s’intensifie et limiter le niveau de réchauffement.
Pour la première fois au monde, plus de 35 scientifiques d’organismes publics de recherche vont, dans une démarche a-partisane, mettre à disposition leur expertise pour former tous les nouveaux députés qui le souhaiteront et ce, dès le premier jour de leur mandat. Une première session-express de 30 minutes, qui pourra être complétée par des échanges sur des thématiques précises et des cycles de formation réguliers au cours du mandat. Des synthèses de l’état des connaissances, rédigées pour l’occasion, seront remises aux parlementaires pour étayer des prises de décision fondées sur les faits scientifiques.
Avec notre opération, nous contribuons à un changement majeur. À ce jour, jamais les rapports du GIEC sur le climat ou de l’IPBES sur la biodiversité n’ont été présentés en hémicycle devant tous les députés, alors que ceux de la Cour des comptes le sont chaque année. Les résumés à l’intention des décideurs sont approuvés à l’unanimité par les représentants de l’ensemble des 195 États de l’ONU et constituent un socle scientifique commun, reconnu par tous. Nous proposons aujourd’hui de construire de nouveaux liens entre le monde scientifique et le monde politique, chacun dans son rôle, face aux enjeux de transformation de la société, véritable enjeu démocratique. Et c’est nécessaire : d’après une étude récente – Daniel Boy, RCB Conseil, ADEME, Les parlementaires et le changement climatique, 2020 – de l’ADEME, pour 21 % des parlementaires, le changement climatique est une hypothèse sur laquelle les scientifiques ne sont pas tous d’accord, alors que les faits sont sans équivoque.
Le rôle des scientifiques n’est pas seulement de produire, mais aussi de partager les connaissances. Les rapports du GIEC ou de l’IPBES ne sont utiles que s’ils sont compris et utilisés pour éclairer les prises de décision. Rencontrons-nous ! »
La liste des signataires
- Christophe Cassou, climatologue au CNRS/Cerfacs
- Matthieu Orphelin, député (écologiste) du Maine-et-Loire
- Valérie Masson-Delmotte, paléoclimatologue
- Heïdi Sevestre, glaciologue
- Laurent Philippot, microbiologiste à l’INRAE
- Gerhard Krinner, climatologue
- Léa Tardieu, économiste de l’environnement à INRAE
- Paul Leadley, écologue, Université Paris-Saclay
- Gonéri Le Cozannet, géographe
- Céline Guivarch, économiste du changement climatique
- Jean-Baptiste Sallée, océanographe, climatologue au CNRS
- Robert Vautard, climatologue au CNRS, directeur de l’Institut Pierre-Simon Laplace
- Benoit Fontaine, écologue au MNHN
- David Renault, professeur en écologie animale et polaire, Université Rennes 1
- François Gemenne, politologue au FNRS
- Marie-Fanny Racault, océanographe
- Marie-Christine Cormier-Salem, géographe à l’IRD
- Rémi Luglia, historien (agrégé et associé Universités Caen Normandie et Tours), président de la Société nationale de protection de la nature (SNPN)
- Geraldo Carreiro, chef d’équipe à l’Alliance mondiale contre le changement climatique (UE)
- Yamina Saheb, enseignante à Sciences Po Paris
- Sophie Szopa, chimiste de l’atmosphère au CEA, auteure GIEC
- Sandra Luque, écologue de paysage à l’INRAE
- Sabrina Krief, vétérinaire, professeure du MNHN, spécialiste des grands singes
- Bernard Chevassus-au-Louis, biologiste généticien, président d’Humanité et Biodiversité
- Nadia Maizi, mathématicienne et prospectiviste à Mines Paris – PSL
- Sébastien Treyer, politologue a l’Iddri
- Helene Soubelet, directrice générale de la Fondation pour la recherche sur la biodiversité
- Wilfried Thuiller, écologue-modélisateur au CNRS
- Morgane Colombert, ingénieure, directrice de projet à Efficacity
- Roland Séférian, climatologue à Météo France
- Sébastien Barot, écologue
- François Letourneux, ingénieur agronome et président d’honneur du comité français de l’UICN
- Florian Kirchner, écologue et chargé du programme « espèces » du comité français de l’UICN
- Wolfgang Cramer, directeur de recherche au CNRS, professeur d’écologie globale, membre de l’Académie d’agriculture de France
- Samuel Morin, chercheur à Météo France, directeur du CNRM (Météo-France – CNRS), auteur principal rapport GIEC SROCC
- Sophie Dubuisson-Quellier, sociologue au CNRS
Photo : L’Assemblée nationale, le 15 février. (AFP )