Des chercheurs ont eu l’occasion d’observer d’immenses rassemblements de rorquals communs du sud dans l’océan Austral. Cette sous-espèce avait été ciblée par les baleiniers au 20e siècle.
Les rorquals communs du sud (Balaenoptera physalus quoyi) ont été décimés par la chasse à la baleine industrielle. Une nouvelle étude confirme aujourd’hui que la sous-espèce est en meilleure santé et qu’elle reprend peu à peu sa place dans l’hémisphère sud, là où jadis vivait ses ancêtres.
700.000 spécimens tués
Les rorquals communs du sud, comme d’autres cétacés, ont largement souffert de la chasse industrielle qui les a ciblés. Plus de 700.000 spécimens ont été tués entre 1904, année de l’intensification de l’activité au sud du globe, et 1976. Cette année-là, le quota de capture pour l’espèce tombe à zéro, mais les dégâts sont déjà considérables. La population a été amputée de 98% à 99% de ses membres et les cétacés ont fui ce qui constituait auparavant leurs aires d’alimentation.
Cependant, depuis plusieurs années, les choses s’améliorent. « Depuis les années 2000, les observations de rorquals communs de la région de la péninsule Antarctique se multiplient« , souligne l’étude parue le 7 juillet 2022 dans la revue Scientific Reports. En 2012, une agrégation de plus de 100 rorquals a même été repérée. Ces bonnes nouvelles ont motivé des chercheurs a réalisé une évaluation autour de la pointe nord de la péninsule Antarctique lors de deux expéditions.
La péninsule Antarctique. Crédit : British Antarctic Survey Mapping and Geographic Information Centre
150 animaux regroupés pour se nourrir
C’est en 2019, au cours de l’une des expéditions, nommée Pelagic Australis, que cinq rassemblements de rorquals communs ont été enregistrés près de l’île de l’Eléphant, à proximité de la péninsule. Les deux plus grands comptaient environ 150 animaux. « Les agrégations alimentaires documentées dans notre étude sont parmi les plus importantes jamais signalées pour des baleines à fanons dans la littérature scientifique », se félicitent les chercheurs.
Cependant, des rapports anecdotiques datant du 19e siècle suggèrent qu’avant leur exploitation, les rorquals communs se rassemblaient en grands groupes dans leurs aires d’alimentation. D’ailleurs, les baleiniers profitaient largement de ces attroupements pour tuer les cétacés jusqu’au dernier. « Les relevés de captures de la période de chasse industrielle à la baleine identifient la zone autour de la pointe de la péninsule antarctique comme une importante zone de chasse à la baleine, où un grand nombre de rorquals communs ont été capturés au début du 20e siècle« , confirme l’étude. Les rorquals communs du sud sont donc retournés dans cette aire d’alimentation historique.
Un rôle majeur face au changement climatique
Ce retour aux sources est, par ailleurs, une bonne nouvelle pour l’ensemble de l’écosystème local. En effet, les cétacés de grandes tailles jouent un rôle majeur face au changement climatique. Ils consomment une grande quantité de nourriture, ce qui permet de relarguer une immense quantité de nutriments dans l’océan, qui vont stimuler la croissance du phytoplancton. Le plancton végétal est d’une importance capitale pour la planète : il capture 37 milliards de tonnes de CO2 par an.
En outre, les grands cétacés sont des puits de carbone, qu’ils accumulent dans leurs tissus et qu’ils emmènent dans les fonds marins lors de leur mort. À terme, le carbone qui les constitue peut être enfoui dans les sédiments marins, où il restera piégé pendant des millions d’années, loin de l’atmosphère. Le rétablissement de ces géants des mers « pourrait restaurer les fonctions écosystémiques cruciales pour la régulation du carbone atmosphérique dans la région océanique la plus importante du monde pour l’absorption de carbone anthropique« , assurent les chercheurs qui voient dans leurs résultats, une « lueur d’espoir« .
Source : Sciences et Avenir