Ces derniers mois, les rencontres entre des orques et de petits bateaux semblent se multiplier sur les côtes portugaises, espagnoles et françaises, non sans conséquences pour les embarcations. Un étrange phénomène, que les experts de ces animaux marins ne savent pas encore décrypter.
Les orques (Orcinus orca) sont surnommées les « baleines tueuses », et pour cause. Récemment, un drone filmait une effrayante attaque de ces cétacés sur un grand requin blanc. Au large du Cap (Afrique du Sud), deux d’entre elles ont quant à elles été tenues responsables de la disparition de la population des requins blancs. Ces « terreurs des mers » ne sont toutefois pas considérées, à l’état sauvage, comme une menace pour l’Homme — comme elles le sont pour les dauphins ou les requins. Au contraire, ce sont des animaux marins sociaux et curieux, qui s’approchent régulièrement des embarcations en tournant autour.
Mais depuis quelques mois, un groupe d’orques semble s’adonner à une activité quelque peu dérangeante pour les amateurs de balade en mer, rapporte la National Public Radio (NPR) ce 20 août 2022 : les individus s’en prennent et endommagent les bateaux rôdant près des côtes européennes. Et les chercheurs ne parviennent pas encore à bien identifier pourquoi.
De gros dégâts pour une raison bien mystérieuse
D’après la NPR, la série de « rencontres » — les spécialistes ne veulent pas parler d' »attaques » — s’est produite des côtes du Portugal et de l’Espagne jusqu’à la France. Si personne n’a été blessé ou tué, plusieurs bateaux ont été détériorés et un voilier aurait même été coulé ce 31 juillet 2022. L’événement le plus récent aurait eu lieu au début du mois d’août à 170 kilomètres au large de Brest, explique le média. Des orques ont commencé à percuter de façon coordonnée le voilier de deux Norvégiens qui naviguaient vers Madère. Après quinze minutes, elles sont reparties, laissant les trois quarts du gouvernail cassé. Les navigateurs ont finalement pu se rendre sur les côtes françaises, afin de réparer les dégâts.
L’incident s’est produit plus au nord que les rencontres précédentes près du détroit de Gibraltar, suggérant qu’un même groupe d’orques est responsable et aurait adopté cet étrange comportement. C’est en tout cas ce qu’explique à la NPR Renaud de Stephanis, président et coordinateur du CIRCE (Conservation, Information and Research on Cetacean), un groupe de recherche sur les cétacés basé en Espagne. Cette attitude reste pour le moment une énigme, affirme-t-il.
Des orques jeunes et joueuses ?
Alors que depuis deux ans, la fréquentation de ces animaux marins ne cesserait d’augmenter dans la zone, les scientifiques et autres observateurs des orques ont remarqué que celles-ci semblent particulièrement attirées par les gouvernails. Elles aimeraient plus précisément la sensation de la pression de l’eau produite par l’hélice d’une embarcation. Frustrées quand elle ne tourne pas, elles s’en prendraient alors au gouvernail.
Une autre hypothèse serait que, puisque le groupe semble petit, il puisse s’agir de mâles juvéniles, souvent très curieux et espiègles. « C’est un jeu, spécule ainsi Renaud de Stephanis. Quand ils auront leur propre vie d’adulte [et qu’ils seront alors bien occupés à la chasse, nldr], cela s’arrêtera probablement. »
Par ailleurs, rappelle le site Livescience, les orques adoptent parfois des comportements jugés « à la mode » dans leur groupe, à l’image des humains. En témoignent les épaulards du Puget Sound (« détroit de Puget », États-Unis). En 1987, décrit une étude, un cétacé femelle aurait commencé à porter un saumon mort sur la tête tel un chapeau. Une tendance qui se serait propagée auprès des autres individus, avant de s’éteindre au bout d’environ six semaines.
De jeunes orques du Pacifique, elles, auraient récemment commencé à jouer avec des casiers à crevettes et à crabes, raconte à la NPR Jared Towers, directeur de Bay Cetology, une organisation de recherche en Colombie-Britannique : « C’est juste une mode depuis quelques années ». Cela devrait donc leur passer, tout comme l’histoire des bateaux, espèrent les experts.
Source GEO