Il a une gueule un peu triste. Vif et intelligent, le beagle est également doux et docile. Il est donc très apprécié des familles françaises, des enfants… et des laboratoires. Où plusieurs milliers de ses congénères sont «expérimentés» chaque année, c’est-à-dire contraints de vivre toute leur existence dans une cage dont ils ne sortent que pour connaître la douleur, sans un seul moment de bonheur.
Cette cinquième édition du Libé des animaux, quotidien entièrement consacré, une fois par an, à l’actualité de nos partenaires sur cette planète, s’ouvre sur une enquête glaçante concernant l’expérimentation animale.
Mais nous sommes aussi partis sur les traces du chat-renard en Corse, nous avons traqué le business des nids d’hirondelles en Thaïlande, suivi une association qui propose à l’adoption des chiens roumains abandonnés, rencontré une vieille éléphante du Bronx à l’avant-garde de la lutte pour un meilleur statut juridique des animaux… Un constat s’impose : dans un contexte géopolitique qui se tend, la cause animale marque le pas.
L’an dernier, en nous appuyant sur les progrès de la science, nous avions raconté l’attachement, sinon l’amour, que les animaux éprouvent, la variété de leurs sentiments et de leur intelligence. C’est aussi au nom de la science que des animaux sont utilisés dans les laboratoires. Entendons-nous bien, il ne s’agit pas de trancher ici le débat sur l’utilité de ces expériences, dont certaines sont déterminantes pour mieux connaître et soigner nombre de maladies chez l’homme. Mais de veiller à ce que le cadre légal qui incite les chercheurs à choisir des alternatives et à atténuer au maximum les souffrances animales soit respecté. C’est loin d’être le cas.
Selon le ministère de la Recherche, 1,6 million d’animaux ont encore fait l’objet d’une expérimentation en 2020. Notre reporter a passé plusieurs semaines à enquêter sur les conditions d’élevage et les traitements subis en France par les quelque 4 000 chiens de laboratoire. Les rares et précieux témoignages d’acteurs et d’observateurs recueillis parLibération mettent au jour une omerta suspecte sinon coupable, des chiffres largement sous- évalués, des labos et des élevages bunkérisés, des protocoles euphémisés, des expériences autorisées par des comités d’éthique biaisés. Le tout aux dépens de bêtes mises à profit par une firme américaine en pleine expansion sur notre territoire. Tandis qu’une poignée de députés sensibles à la défense des animaux ont été élus en juin et que le président Macron et sa majorité professent leur progressisme en la matière, une urgence s’impose : à quand une mission d’enquête parlementaire sur l’expérimentation animale ? Matthieu Ecoiffier