La population lupine ne se reproduit que sur l’arc alpin tandis que des individus isolés se déplacent sur plusieurs départements de l’Hexagone, notamment dans le cadre de la dispersion des jeunes
- Les premières prédations imputées au loup ont été observées les 16 et 17 mars dans le département de la Vienne, en Nouvelle-Aquitaine. Une cellule de veille sur le retour de ce grand prédateur y a été lancée au début de l’année.
- S’il se reproduit uniquement sur l’arc alpin, le loup a été observé dans de nombreux départements français ces dernières années.
- La cohabitation avec l’élevage, déshabitué à la présence du loup, suscite des inquiétudes légitimes. Les autorités tentent d’anticiper, notamment en proposant du matériel et des chiens de protection, financés par l’Etat.
Il y aurait 700 à 1.000 loups dans toute la France, selon les estimations les plus fines dont on dispose, réalisées par l’Office Français de la Biodiversité (OFB). Alors que cette espèce aujourd’hui protégée était installée sur tout le territoire il y a cent ans, elle s’est éteinte dans les années 1930 à cause principalement de la réduction de son habitat et de la chasse. Depuis les années 1990, des loups de souche italienne recolonisent progressivement le territoire Hexagonal, notamment appâtés par la multiplication des populations d’ongulés (cerfs, sangliers, chevreuils etc).
Depuis vingt ans, des meutes sont installées dans tout l’arc alpin mais des individus sont repérés dans des départements bien plus à l’ouest, comme récemment la Vienne (Nouvelle-Aquitaine) qui a recensé ses premières prédations sur des brebis, les 16 et 17 mars.
Une recolonisation, un peu partout en France
« C’est logique de les retrouver un peu dans tous les départements de France, analyse Denis Doublet vice-président coordinateur Loup chez Ferus, première association nationale de protection et de conservation de l’ours, du loup et du lynx en France. En ce moment c’est la période de dispersion des jeunes d’un à deux ans. Quand le couple alpha, celui qui se reproduit, a des petits, soit les jeunes partent d’eux-mêmes soit ils sont poussés à la faire. » Un instinct qui a à voir avec la nécessité d’un brassage génétique de la population lupine. Des loups isolés et de passage ont ainsi été observés dans le Finistère, la Normandie, la Charente-Maritime, les Pyrénées-Orientales.
« Il est un peu partout en France, précise ce spécialiste, ancien conservateur. Depuis un an, on a une meute en Lozère, c’est la seule identifiée. C’est d’ailleurs assez bizarre pour les scientifiques que ces loups ne se reproduisent que sur l’arc alpin, et il existe des suspicions de braconnages. »
Anticiper la cohabitation avec l’élevage
Ce retour naturel du loup, au sens où il n’a pas fait l’objet de réintroduction comme l’ours, n’est pas sans poser de problème de cohabitation avec les éleveurs, qui n’ont pas été habitués à sa présence. « Bien sûr qu’il y a de l’inquiétude de la part des éleveurs concernant la protection de leurs troupeaux », commente Stéphanie Meillaud, présidente de l’association des éleveurs de la Vienne (ADEV.) Si des formations sont en cours pour des chiens de protection, les éleveurs sont surtout en attente des prochaines directives politiques en la matière. D’autres matériels de protection (clôtures, effarouchements etc.) peuvent aussi être financés.
Après l’attaque récente de brebis, les conclusions montrent qu’ « on ne peut pas écarter la responsabilité du loup et réglementairement, le doute profite aux éleveurs, explique Gaëlle Dordain, responsable de l’unité chasse forêt pêche, à la direction départementale du territoire de la Vienne. Pour la première fois dans le département de la Vienne, il y a un engagement des procédures d’indemnisations des éleveurs. » Les barèmes en la matière sont nationaux.
Depuis 2020, ce département se prépare au retour du loup puisque le département, voisin, de la Haute-Vienne avait déjà noté sa présence croissante. Depuis janvier 2023, une cellule de veille qui rassemble l’ensemble des acteurs agricoles forestiers, cynégétiques et les associations environnementales y a été mise sur pied. L’OFB a, lui, mis en place la formation de correspondants capables de repérer les traces du loup et de les faire remonter au réseau loup.
Adapter les outils, conçus pour les zones alpines
Le front de colonisation de loup progresse de plus en plus et sort des frontières pour lesquels les accompagnements de l’Etat avaient été pensés. « Les outils mis en place correspondent plus à l’élevage alpestre qu’à celui mené en plaine, pointe Gaëlle Dordain. Par exemple, dans la Vienne, ce sont de petits lots éparpillés et les bêtes peuvent être à l’herbe toute l’année, sans rentrer à l’abri à certaines périodes. » Pour l’instant dans la Vienne, les passages sont ponctuels et il s’agit d’un seul individu en général. « S’il s’installait, les prédations seraient plus régulières », pointe la responsable de l’unité chasse forêt pêche.
« Mais j’entends certains qui disent que le loup va tuer toute la faune, c’est biologiquement faux, souligne Denis Doublet. C’est un animal qui suscite énormément de peurs et de fantasmes. » Le problème de la cohabitation avec l’élevage existe bel et bien mais il estime qu’un équilibre est à trouver et que certains outils de protection sont encore à inventer. « L’effarouchement par exemple (au paintball aux Etats Unis) est très peu utilisé alors qu’il a des vertus pour éduquer le loup. » Avant de crier au loup, les éleveurs attendent, eux, de voir comment les autorités vont les aider concrètement.
Source : 20 mn