Sourd aux arguments scientifiques, le ministère de la transition écologique vient de mettre en consultation un projet d’arrêté renouvelant la liste officielle des ESOD : quatre mammifères et cinq oiseaux à abattre car considérés, trop souvent à tort, comme nuisibles pour les activités humaines. La LPO demande de faire cesser cette aberration écologique et de privilégier des solutions non létales pour limiter les hypothétiques dégâts occasionnés par la faune sauvage sur notre propre exploitation de la nature.
La LPO invite les Français à participer massivement à la consultation publique en ligne, lancée durant trois semaines, afin de s’opposer au projet d’arrêté ministériel établissant la liste des « espèces susceptibles d’occasionner des dégâts » (ESOD), qui comprend : la belette, la fouine, la martre, le renard roux, le corbeau freux, la corneille noire, la pie bavarde, l’étourneau sansonnet et le geai des chênes. Un récent sondage IFOP indique que près de deux tiers des Français désapprouvent le massacre inutile de ces animaux sauvages.
Tous les trois ans, le Ministère de l’écologie condamne ainsi à mort des millions d’oiseaux et de mammifères considérés nuisibles pour les activités agricoles, essentiellement les cultures de céréales, les vignes, les vergers et les élevages de volailles. Dans les départements où elles sont classées ESOD, ces espèces peuvent faire l’objet d’actes de destruction sur autorisation individuelle ou lors de battues administratives, tout au long de l’année. Elles figurent toutes également parmi les 89 espèces chassables en France métropolitaine fixées par l’arrêté ministériel du 26 juin 1987 et peuvent être tirés en nombre illimité sur l’ensemble du territoire par tout détenteur d’un permis de chasse valide entre les dates officielles d’ouverture et de fermeture de la chasse, soit entre début septembre et fin février.
Présumés coupables
Ces animaux ainsi tués chaque année ne sont pas consommés et leurs cadavres sont souvent abandonnés sur place. Les dégâts déclarés sont rarement vérifiés, les alternatives non létales ne sont quasiment pas mises en œuvre ni même envisagées, l’efficacité de leur destruction n’est pas démontrée, et leur importance dans le fonctionnement des écosystèmes naturels n’entre pas en ligne de compte.
Le geai des chênes est ainsi connu comme l’un des principaux planteurs d’arbres de France grâce à sa propension à disséminer les glands dans nos forêts. Alors que ces dernières sont menacées par le réchauffement climatique, près de 14 000 geais ont pourtant été tués entre 2018 et 2022 dans les 5 départements où l’espèce est classée ESOD, en dépit de déclarations de dégâts inexistantes ou incohérentes.
La martre des pins reste classée ESOD dans 26 départements pour prévenir des potentiels dommages sur les activités agricoles alors que ces derniers ont été le plus souvent insignifiants sur la période 2018-2022. Dans quatre départements pyrénéens (11, 31, 65, 66), l’argument de la protection du grand tétras est également utilisé par les chasseurs soucieux de pouvoir reprendre la chasse de cette espèce vulnérable, interdite pour 5 ans depuis l’an dernier. Aucun élément ne permet pourtant de démontrer un quelconque impact de la martre sur les populations de tétras, dont le déclin est essentiellement lié à la dégradation de leur habitat et au dérangement humain. Et quand bien même, il serait inacceptable d’ainsi criminaliser la prédation naturelle d’une espèce sauvage sur une autre.
Pire, l’argument justifiant l’inscription sur cette liste noire est parfois uniquement d’ordre politique. Ainsi, la belette n’est classée ESOD que dans un seul département français : le Pas-de-Calais, fief de Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs… Environ 15 000 belettes y ont été éliminées entre 2018 et 2022 pour un total de 388€ de dégâts déclarés dans les élevages de volailles, soit 2,5 centimes d’euro par victime !
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO :
« Alors que la biodiversité connait un effondrement dramatique, la destruction systématique des ESOD n’est pas acceptable. L’élémentaire consiste à commencer par prouver la responsabilité des « nuisibles en question », ce qui n’est quasiment jamais réalisé. La LPO plaidera devant les tribunaux chaque fois qu’une destruction aveugle frappera la faune en sursis. Le geai des chênes, la martre et la belette doivent impérativement sortir de la liste fatale. »