Immense coup de cœur pour ce petit bijou, délicieusement bien écrit, empli de grâce et de sagesse, savant, sensible, touchant, intelligent, bref un appeau à superlatifs ! Jean-Noël Rieffel est vétérinaire et dirige l’antenne Centre-Val de Loire de l’Office français de la biodiversité, l’OFB, dont les agents assurent la police de l’environnement (lutte contre le trafic d’animaux, contrôle de la chasse, préservation des espaces naturels…). Mais ce n’est pas l’objet de son livre. Il parle ici de sa passion : l’ornithologie, ce plaisir «simple et accessible à tous», cet «art de vivre». Il raconte comment il est devenu fou d’oiseaux dès l’enfance, le regard s’échappant par la fenêtre de sa classe, rêveur comme le cancre de Prévert. Comment son attrait irrésistible pour la vie ailée le plonge dans un «état de poésie permanent». Il nous enivre de mille et une beautés enchanteresses, nous ouvre son«herbier de sensations» glanées au fil de ses observations attentives de la nature. Ici, nous croisons des «étourneaux calligraphiant le ciel de décembre». Là, le «baume sonore» du loriot, ce «roi de la planque» si difficile à apercevoir malgré son plumage d’or. Ou le chant du merle, grave, flûté et enrichi de longues improvisations, qui a été célébré par la ballade Blackbird, des Beatles, et procure à l’auteur la même émotion que l’écoute du mythiqueKöln Concert, de Keith Jarrett. Diable. L’immense Keith Jarrett, ici ! Oui, comme Miles Davis – «un champ de blé sans alouette, c’est un Kind of Blue sans [sa] trompette» –, Chet Baker ou Franz Schubert. Dans cet ouvrage érudit, nous rencontrons autant le rossignol, le chardonneret ou la bécasse des bois que Nicolas de Staël, Herman Hesse ou Romy Schneider. Jean-Noël Rieffel en est convaincu, «les oiseaux nous apportent de la lumière», ils «nous amarrent au vivant», ils sont nos guides, «nous conduisent en quête de nous-mêmes : ils nous enseignent le silence, la patience, la solitude, le sens de l’émerveillement, nous interrogent sur notre rapport au temps, la fragilité de nos existences». C’est décidé, demain, nous investissons dans des jumelles et filons les admirer et les entendre tristiller, gringotter et dideluler.
Source : Libération