La transition agroécologique s’impose pour assurer la souveraineté alimentaire, lutter contre le réchauffement climatique, stopper l’effondrement de la biodiversité et ainsi préserver l’ensemble du vivant, humains compris.
Les agriculteurs français expriment leur colère. Nombreux désignent les réglementations environnementales, notamment européennes, comme étant les premières causes de leurs difficultés, et les associations de protection de la nature comme les complices de leur détresse.
Pointée du doigt, l’Union Européenne a en réalité plutôt été contrainte de limiter ses ambitions en matière de verdissement de l’agriculture sous la pression des lobbies et des gouvernements. La Politique agricole commune 2021-2027 perpétue en effet le financement massif d’une agriculture intensive qui détruit la nature, épuise les ressources en eau et alimente la crise climatique. En juillet dernier, le Parlement européen a adopté in extremis une loi visant à imposer aux États membres de restaurer les milieux naturels endommagés par les activités humaines qu’après que le domaine agricole ait été exclu du champ d’application. En novembre, les eurodéputés ont prolongé de 10 ans l’autorisation du glyphosate avant de rejeter le projet de règlement sur l’usage durable des produits phytosanitaires, qui devait réduire de moitié leur utilisation d’ici 2030.
La LPO travaille depuis très longtemps avec le monde agricole, car nos objectifs convergent : produire une alimentation saine et garantir des revenus dignes aux paysans en préservant les écosystèmes et les paysages. Lancé en 2018, notre programme « Des terres et des ailes » accompagne par exemple les agriculteurs dans la mise en œuvre d’actions concrètes afin de restaurer la biodiversité rurale. En mai 2023, une étude du CNRS mettait en évidence la disparition des oiseaux des champs en Europe, qui ont perdu 60 % de leurs effectifs en à peine quarante ans. Au-delà des oiseaux, c’est toute la chaine du vivant qui s’est effondrée dans nos campagnes, victime des pesticides, du remembrement et de la mécanisation à outrance, sacrifiant les équilibres naturels sur l’autel des profits de l’agro-industrie et de la grande distribution.
Pour Allain Bougrain Dubourg, Président de la LPO : « Les contraintes environnementales ne doivent pas être considérées comme un frein mais comme le chemin d’une agriculture durable. Il est inacceptable que les agriculteurs français soient pénalisés par une mondialisation visant le profit. Il est tout autant inadmissible que la vindicte populaire désigne la protection de la nature comme bouc émissaire des malheurs agricoles. Il est urgent de conjuguer et unir les bonnes volontés pour sortir des malentendus. »
Commentaire d’Yves Vérilhac :
On pourrait rajouter au CP de la LPO ci-dessous que le traitement différencié entre les manifestants agricoles et les manifestants écologistes, avec les consignes de « souplesse » données par le ministre de l’Intérieur, interroge.
Oserait-on employer les termes « d’agri-terrorisme » envers ces agriculteurs qui dégradent les biens publics, ou « d’agriculture punitive » cette industrie agricole qui hypothèque notre avenir ?
Ne pourrait-on s’interroger sur les coûts pour la société en termes de réchauffement climatique, d’effondrement de la biodiversité, d’atteinte à la santé et des souffrances engendrés par l’utilisation massive d’intrants ?
Une certaine agriculture est dans l’impasse du fait de l’ultra libéralisme préconisé et encouragé à coups de subventions. Il est pour le moins paradoxal d’entendre un certain syndicat agricole majoritaire, et un bon nombre d’élus non moins libéraux, nous expliquer que la solution réside dans la levée des exigences environnementales, sans cesse repoussées d’ailleurs.
C’est un peu comme si, à l’approche d’une falaise, un conducteur acceptait du bout des lèvres d’amorcer un virage, mais seulement après avoir accéléré ! A moins qu’il ne soit déjà dans le vide mais refuse de regarder en bas…