« C’est, à ce jour, l’un des plus gros montants attribués à un préjudice écologique en France », se félicitent les trois associations (FNE Paca (1) , UDVN-FNE 83, Soptom (2) ) qui s’étaient constituées parties civiles dans plusieurs affaires de destruction d’habitats et de spécimens de tortues d’Hermann dans le Var entre 2019 et 2020.
Ce satisfecit fait suite à la décision de la Cour de cassation en date du 26 mars 2024 qui a rejeté le pourvoi de la société viticole et de ses dirigeants qui, le 23 janvier 2023, avaient été condamnés en appel respectivement à 100 000 euros et à 25 000 euros chacun pour atteinte à l’habitat et destructions d’espèces protégées dans la réserve naturelle de la Plaine des Maures. Les prévenus avaient réalisé d’importants travaux de labourage et d’arrachage de nombreux arbres qui avaient provoqué un bouleversement de l’habitat de la tortue d’Hermann sur une surface de plus de cinq hectares et la mort de deux de ces tortues et d’un lézard vert. La cour d’appel d’Aix-en-Provence les avait également condamnés solidairement à payer à l’État une somme de 184 752 euros en réparation du préjudice écologique.
Les prévenus se sont pourvus en cassation, contestant notamment la condamnation à réparer le préjudice écologique. Selon l’article 1249 du code civil (3) , « la réparation du préjudice écologique s’effectue par priorité en nature. En cas d’impossibilité de droit ou de fait ou d’insuffisance des mesures de réparation, le juge condamne le responsable à verser des dommages et intérêts, affectés à la réparation de l’environnement, au demandeur ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles à cette fin, à l’État ». Les prévenus estimaient notamment que la réparation du préjudice était possible en nature, même si elle ne pouvait se réaliser que sur une durée longue, et que le juge ne pouvait se référer au coût prétendu de réintroduction de l’animal dans son habitat naturel pour évaluer le préjudice sous forme monétaire.
Coût lié à la remise en état de l’écosystème
« Aucune remise en état n’ayant été proposée par les parties, [la cour d’appel] a souverainement évalué les dépenses nécessaires aux mesures propres à réparer le préjudice écologique, consistant en la remise en état de l’écosystème de l’habitat protégé d’une espèce protégée, à laquelle, selon les termes de l’article L. 162-9 du code de l’environnement (4) , s’agissant d’animaux hors du commerce, aucune valeur vénale ne peut être affectée », rétorque la chambre criminelle de la Cour de cassation.
En appel, les juges avaient estimé que, pour évaluer le coût de réintroduction d’une tortue d’Hermann dans son milieu naturel, il fallait « prendre en compte le coût d’un animal avant et après sa réintroduction dans ce site naturel et celui de son suivi pendant deux ans pour s’assurer du succès de l’opération ». Ils avaient ajouté que « le coût d’une tortue d’Hermann ne pouvant être celui d’une tortue du commerce, sur la base des éléments produits par la Dreal et par l’association, parties civiles, la compensation de la perte de leur habitat naturel sur une importante superficie sera évaluée sur la base du nombre de tortues concernées et d’un coût de réintroduction de 6 127,72 euros par animal ». Après avoir constaté que les avocats des prévenus ne produisaient aucun élément de nature à remettre en cause l’évaluation faite par les associations, ils avaient par ailleurs estimé à 4 000 euros le coût d’un lézard vert occidental.
- France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d’Azur2.Station d’observation et de protection des tortues et de leurs milieux 3. Consulter l’article 1249 du code civil
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI0000330191184. Consulter l’article L. 162-9 du code de l’environnement
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000019280365 Laurent Radisson, journaliste
Biodiversité | 29.05.2024 | L. Radisson
© Marek R. Swadzba Tortue d’Hermann