Artistes animaliers

Adrien BRUN

Passionné par la nature depuis l'enfance, je me suis formé comme écologue à travers un cursus recherche.

Mais à l'issus de mes études j'ai bifurqué pour retourner à mon premier amour, le terrain.

Comptage d'oiseau migrateurs, études d'impact, animateur nature, guide polaire, conférencier, restauration écologique et maintenant art animalier de terrain.

L'ensemble de ces activités a gravité autour d'un seul et même objectif, l'observation, la compréhension et le partage de la nécessité non seulement de la nature, mais d'une nature sauvage, avec un minimum d'influence humaine.

Chaque image se veut un rappel que la nature sauvage existe encore et qu’on en a bien plus besoin qu’on ne le croit, tant individuellement que collectivement.

Voir également son projet de livre sur la migration

Entretien avec...

Votre rapport avec la faune

 

  • Pourquoi avoir choisi l'animal sauvage comme thème privilégié ?

Mon attrait pour la nature, je ne me l’explique pas. Il est comme apparu spontanément, très jeune, en se focalisant tout d’abord sur les oiseaux. Le fait de vivre à la campagne y a sûrement joué un rôle important. Ces paysages étaient pour moi un terrain d’aventure incroyable que j’étais le seul à explorer. Dans la naïveté de l’enfance, campagne et nature étaient la même chose. Les histoires de chasses dans la famille se mêlaient à mon expérience de terrain sans distinction.

A mesure que j’ai grandi, j’ai compris et observé que rien dans ce paysage n’était vraiment spontané. J’en ai eu rapidement assez de devoir constamment composer avec les activités humaines pour grappiller quelques observations. Alors c’est à partir de là, fin d’adolescence, que s’est ancré le désire d’une nature sauvage, avec le moins d’influence humaine possible.

Et un élément essentiel dans cette évolution a été les oiseaux migrateurs. Dans mon sud-ouest natal, j’ai grandi sous l’un des plus grands couloirs de migration en Europe avec comme point d’orgue le passage des grues deux fois par an. Je suspecte cette espèce d’être à l’origine de ma fascination pour les oiseaux et encore aujourd’hui ça me remue profondément de les entendre passer. Observer les oiseaux passer, les compter sur les sites de migration, et surtout comprendre d’où ils venaient, où ils allaient, et commencer à rêver de cette géographie à travers leur périple. Quand vous lisez « nicheurs de la toundra arctique », « forêts boréales », « hiverne en Afrique sub-saharienne »...tout cela vous fait voyager par procuration et ancre un désir profond de découvrir ces lieux. A mes yeux, le ciel était cette part de nature sauvage intouchable que j’avais toujours à disposition.

La suite a été la mise en pratique de tout cela avec de nombreux séjours en Scandinavie où je vis maintenant, sur les sites de migrations, dans les régions polaires (quand j’étais guide)…

Mon critère premier reste la naturalité.

  • Un élément déclencheur ? ou un maître à penser ? 

Robert Hainard, c’est clair et net, pour son œuvre artistique certes, mais surtout pour sa philosophie.

Je l’ai vraiment découvert vers mes 19-20 ans et ce fut une espèce de coup de foudre. Pour une fois je trouvais quelqu’un qui mettait des mots exactes sur mes ressentis quant à notre rapport à la nature. J’y ai trouvé quelqu’un qui n’hésitait pas à prendre son amour de la nature sauvage au sérieux et à creuser aussi profond que nécessaire pour comprendre le pourquoi de cette nécessité. Il a verbalisé et légitimé mes pensées, mes ressentis, mes idées.

Car je me sentais toujours en léger décalage avec le milieu de la protection de la nature très focalisé sur les espèces, sur les services rendus par la nature, mais aussi sur sa beauté mais sans réelle explication globale et solide du pourquoi de sa nécessité. D’une certaine façon j’étais d’accord mais tout cela restait à la surface, et je dois dire dans une grande majorité, reste encore à la surface aujourd’hui.

Alors depuis, je n’ai cessé de lire, lire, et relire les écrits de Hainard, inlassablement. S’est construit au file du temps une sorte de mentorat intellectuel de même qu’artistique de par son rapport à la réalité, très direct et franc, sans style artificiel. Quinze ans plus tard, rien n’a changé. Hainard reste un maître pour moi au sens le plus noble du terme, dans son art et sa philosophie, et je vais m’atteler de plus en plus à en faire comprendre la pensée.

 

  • Une belle émotion ou rencontre avec la faune ? 

Il y en a tant qu’il semble impossible d’en choisir une.

Mais une des plus fortes de ces dernières années reste de sentir le sol trembler sous mes pieds quand au milieu de l’une de ces forêts primaires quelque part en Europe de l’Est, un mâle de Bison d’Europe, mon premier, a surgi à une dizaine de mètres de moi. Une scène d’un autre temps, de celles qui vous saisissent de grès ou de force et vous laisse tout tremblant.

C’était à la fois la beauté de l’animal, sa taille, sa puissance, ses couleurs terres, rousses, dans cette forêt intemporelle aux arbres majestueux.

  • Un lieu mythique ? 

Il y en a beaucoup dont quelques uns très chers à mon cœur sur lesquelles je ne cessent de fantasmer. Ceux-là, je n’en parlerai pas car hélas, moins j’en dirai mieux ils s’en porteront. Il est triste d’être à une époque à laquelle pour protéger un lieu sauvage il ne faut pas trop en parler. Tout est devenu tellement accessible, en terme d’infrastructure et d’information.

La définition même d’un lieu sauvage étant qu’il est préservé des activités humaines et de la sur-fréquentation, le promouvoir consiste à se tirer une balle dans le pied. C’est bien le problème des lieux touristiques sauvages. On veut y aller, évidemment, pour ce caractère sauvage tellement attrayant, fascinant, mais qui disparaît inévitablement à mesure que davantage de personnes y vont pour assouvir ce même désir.

Alors une fois épuisé la naturalité du lieu, on en cherche un autre, toujours plus loin, plus reculé. C’est triste et paradoxale, car personne ne semble réfléchir sérieusement sur la raison qui les pousse vers ces endroits en premier lieu.

Mais pour répondre à la question, les forêts primaires d’Europe ont un pouvoir d’attraction énorme pour moi. Il en reste peu sinon aucune qui peut répondre à se critère de « primaire », mais il y en a plusieurs très sauvages dans lesquelles je rêve de pouvoir passer du temps.

L’art animalier

  • Votre oeuvre à laquelle vous tenez particulièrement ?

Ce croquis de Faucon gerfaut pour plusieurs raisons. La première, c’était une espèce mythique pour moi, le plus grand faucon sur terre dont la répartition s’étend aux plus hautes terres arctiques. Alors découvrir ce jeune à quelques dizaines de mètres de la tente et le voir se faire apporter un poussin de lagopède par les parents, tout cela tenez du rêve.

De plus, c’était durant un voyage de sept mois dans le nord de la Norvège en 2015 avec comme seul objectif d’aller observer et dessiner la nature sauvage que j’y trouverai. C’est la première fois que je me consacrais ainsi au dessin de terrain et je me souviens encore de la jubilation de réussir à saisir des formes et des mouvements comme ceux de ce faucon, à force de pratique.

  • L’œuvre d‘un confrère que vous auriez aimé créer ?

Le loup et le cerf de Robert Hainard, une estampe sur laquelle on peut voir un cerf se tourner face à un loup, en ombres chinoises dessinées par la lune, avec le grain le flou de cette ambiance.

  • Et la technique ?

Croquis au crayon et aquarelle de terrain. Je n’utilise pas de photo. Toutes mes images sont faites sur le terrain. Si je n’ai pas le temps de faire l’aquarelle sur le terrain, une fois à l’intérieur, je décalque le croquis, le transpose sur une feuille d’aquarelle pour le peindre.

  • L’endroit préféré, qui vous inspire tout particulièrement pour créer ?

Les immensités austères boréales et arctiques.

  • La source de vos inspirations ?

Ce peut être tout, dans la nature ou pas, une lumière, une atmosphère peu suffire.

  • Des conseils ? 

Inspirez vous sans vous comparer.

Dans le dessin d’observation, le plus important est l’observation. Il faut se souvenir du conseil de Philippe Hainard à ses élèves, dont Robert : « On dessine mal car on dessine ce qu’on sait et non ce qu’on voit ».

Biodiversité

  • Le pire des dangers pour la vie sauvage ? (climat, déforestation, pollution, braconnage…)

Si on s’en tient aux symptômes, l’artificialisation des terres est à mes yeux la pire. Le fait de construire, de bétonner toujours plus de surface. Mais dans le fond, le plus grand des problèmes reste cette incompréhension, ce manque de connaissance, d’éducation sur la nécessité de la nature au-delà des services qu’elle nous rend.

  • Une suggestion pour aider à sensibiliser le grand-public ?

Commencer par soi et être au clair sur le pourquoi du comment de ses convictions, de ses actions. Et ensuite élargir petit à petit le cercle, faire tâche d’huile. Et lorsqu’il y a conflit, incompréhension, toujours faire son maximum pour comprendre de l’intérieur la personne qu’on a en face de soit, véritablement, sans la réduire une opinion ou une quelconque caractéristique.

  • Plutôt optimiste ou pessimiste pour l’avenir ?

Concernant la nature, optimiste forcément, car jusqu’à ce que la Terre soit pulvérisée par un astéroïde ou engloutie par le Soleil, la vie s’en remettra toujours, foisonnera de nouveau. Qu’importe tout les destructions qu’on lui infligera, elle renaîtra sous de nouvelles formes, interminablement. Le passé l’a prouvé.

Mais nous concernant, nous humains, il semble bien qu’on va au devant d’une vie de plus en plus difficile, éprouvante, instable, de par la suffocation qu’on s’impose via la disparition de la nature. Cependant, je pense qu’il n’est jamais trop tard et qu’on ne peut suspecter le bon qui peut se passer dans l’avenir. Et de toute façon, a-t-on vraiment d’autres choix que d’agir individuellement pour le mieux, le bien, le bon ?

  • Les grand-messes annuelles (COP, sommet de la Terre...) sont-elles efficaces ?

Elles ont à mes yeux une certaine efficacité en terme de mettre ces problématiques sur le devant de la scène à très grande échelle. Je ne suis pas un expert pour juger en détail de l’impact qu’elles ont eu sur la situation de la nature dans le monde, mais il me semble qu’elles ont stimulé des initiatives, des démarches à l’impact positif. Cependant, elles resteront toujours un pansement sur une jambe de bois tant que les véritables problèmes ne seront pas posés. Tant que l’on persiste à vivre dans un système économique en croissance, vous pouvez chercher toutes les solutions que vous voulez, la mathématique la plus élémentaire empêchera toute solution véritable, la nature est perdante par l’énoncé même du problème : « Comment conserver de la nature dans un monde en croissance continue ? ».

Le questionnaire "Pleins pouvoirs"

- Vous êtes invité(e) à une séance de spiritisme. Bien que sceptique, vous choisissez la personnalité "écologique" décédée avec qui discuter pour quelques minutes. Laquelle ?

Sans surprise, Robert Hainard.

- Député(e), vous êtes seul dans l'assemblée Nationale déserte. Vous avez toute latitude pour abroger, amender ou créer une seule loi environnementale. Laquelle ?

L’obligation de dédier la moitié de tout territoire à la nature sauvage, sans aucune intervention autre que celle favorisant le retour de cette nature (retrait des espèces invasives par exemple) et d’accorder toute l’économie, la société et la démographie à cette nécessité.

- Généticien(ne) fan de Jurassic Park, vous pouvez faire revenir à la vie une espèce disparue, ou inventer une espèce hybride fantastique. Laquelle ?

Sans aucun doute, le Pigeon migrateur américain quand ses populations étaient à son maximum. Imaginez, des vols de plusieurs milliards d’individus, obscurcissant le ciel pendant des dizaines d’heures.

Illustration Damien Colcombet

- Grand Maître Bouddhiste, vous choisissez l'animal dans lequel vous vous réincarnez pour une nouvelle vie. Lequel ?

Le faucon gerfaut, quelque part dans le haut arctique. La possibilité de parcourir des distances immenses, d’aller explorer tous les recoins de l’arctique en étant parfaitement adapté à ce climat avec rien d’autre que son corps.

- Descendant(e) de Darwin, vous savez faire évoluer les espèces. Vous pouvez modifier ou ajouter une particularité à une espèce (requin sans dent, serpent sans venin, gorille doté de parole...). Laquelle ?

Une de nos langues dans la bouche des baleines ou des grands singes : une façon certaine de nous mettre face à nos préjugés, nos incompréhensions, nos fausses-certitudes et de découvrir un tout autre monde, celui d’un animal, expliqué avec ses propres mots. Nous ne serions plus les seuls que nous connaissons de l’intérieur.

- Milliardaire : quelle(s) association(s) de protection mettez-vous définitivement à l'abri du besoin ?

Toute association qui éduque à la nécessité d’une nature sauvage et qui sanctuarise de vaste zones de nature pour les laisser en libre évolution.

- Pénurie mondiale de bois : l'Arche de Noë sera plus petite que prévue. Il n'y a de la place que pour 5 espèces que vous sauvez de la disparition. Lesquelles ?

Dilemme impossible!

- L'arche s'échoue. C'est le point zéro pour tout repeupler : Galapagos, Pantanal, Ngorongoro, Spitzberg, un zoo ou ?

Quelque part entre le Cap de Bonne Espérance et le Détroit de Béring, la plus grande masse de terre continentale continue du monde, de quoi laisser à la vie la place de s'épanouir.

- Vous perdez à un jeu. Un gage au choix : libérer des ours d'une ferme à bile en Chine, enfumer une ruche dans le hall du siège de Bayer, porter un tee-shirt "Chasseurs assassins" lors d'une balade forestière en Sologne, distribuer un tract à l'entrée d'un cirque demandant à interdire les animaux lors des représentations ?

Libérer l’ours, acte le plus altruiste de la liste. Je ne suis pas contre le militantisme mais reste convaincu de la nécessité supérieure de la compassion sur l’agression.

- Vous avez le choix pour vous reconvertir demain dans un métier lié à l'environnement : photographe animalier, scientifique environnemental, responsable d'association de protection, ou ?

Artiste naturaliste de terrain! ce que je construis actuellement. Je ne peux imaginer quelque chose m’apportant plus de joie : du temps sur le terrain, des outils simples, le travail de ses mains, le temps de penser, d’approfondir, de partager.

- Hypnotiseur, vous pouvez forcer tous les acteurs d'un conflit à trouver un accord bon pour la faune : éleveurs / défenseurs des grands prédateurs, industrie phytosanitaire / apiculteurs, ou chasseurs / promeneurs ?

Éleveurs / défenseurs des grands prédateurs.

Distinctions & Parutions

Expositions

2022 et 2023 Exposition à la Mall Galerie à Londres pour la Society of Wildlife Artists, exposition annuelle The Natural Eye
Publication d'un chapitre sur mon travail dans le livre "Art Animalier - La faune sauvage européenne dans l'art contemporain - Tome 11" des éditions Abbate-Piolé

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