Les derniers chiffres sont sans appel : les serpents disparaissent peu à peu de Nouvelle-Aquitaine. C’est ce que révèle le dernier rapport du réseau « Reptiles et Amphibiens de Nouvelle-Aquitaine » coordonné par Cistude Nature. Parmi les 9 espèces recensées dans la région, seule la Couleuvre verte et jaune semble se maintenir. Plus qu’une alerte, l’effondrement de ces reptiles milite pour une meilleure préservation de leurs habitats. Pour contribuer aussi à changer notre rapport à ces espèces protégées, le film « Des serpents dans nos têtes » sera en accès libre tout le mois d’octobre.
En l’espace de 4 ans, 3 espèces de couleuvres ont vu leur taux de présence divisé par 2 en moyenne sur les 87 sites suivis dans la région (couleuvre d’Esculape, couleuvre helvétique, couleuvre vipérine). Un déclin net et marqué qui ne doit pas occulter l’état déjà alarmant de 4 autres espèces pour lesquelles le taux de présence est, au mieux proche de 5% (coronelle lisse), au pire à 1% ou 0% (coronelle girondine, vipère péliade, vipère de séoane). La vipère aspic ne s’en tire guère mieux avec 13% en 2023 vs 21% en 2021. Une seule espèce se maintient tant bien que mal : la couleuvre verte et jaune était présente sur 67% des sites l’an passé.
Que traduisent ces chiffres ? |
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Il est possible de faire un parallèle entre la couleuvre verte et jaune pour les serpents et le moineau domestique pour les oiseaux : à plumes ou à écailles, la faune décline et se banalise. Les écosystèmes se déséquilibrent et leur capacité de résilience face aux dérèglements s’amenuise (climat, zoonoses…) . Les serpents n’échappent pas à la règle. Écrasés sur les routes sur lesquelles ils viennent parfois trouver un peu de chaleur, ces reptiles subissent la disparition et le morcellement de leurs habitats. |
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Ajoutons à cela, le désamour profond que leur voue homo sapiens et à cause duquel de nombreuses rencontres se traduisent en coups de pelle tragiques. Pourtant, « il n’y a pas plus de raisons de s’alarmer en croisant un serpent dans son jardin qu’un moineau sur sa terrasse : les deux espèces ont leur place dans l’écosystème » souligne Matthieu Berroneau, herpétologue à Cistude Nature.
Nous ne voulons pas d’une nature sans serpents
« Bon débarras ! » vous diront certains… Et pourtant les serpents ont leur place dans les écosystèmes comme dans la chaîne alimentaire ! Ils se nourrissent de micromammifères, de poissons, d’amphibiens et d’autres reptiles. Ils prédatent même et régulent de nombreuses espèces responsables de dégâts dans les cultures et les jardins. A l’inverse, ils constituent une ressource alimentaire pour les rapaces, hérons, blaireaux et autres putois…
Près de 3 fois moins d’individus de Couleuvre d’Esculape observés entre 2020 et 2023, la plus forte baisse enregistrée en Nouvelle-Aquitaine – photo : Matthieu Berroneau, Cistude Nature
Alors que faire ?
Commençons par rappeler que toutes les espèces de serpents de Nouvelle-Aquitaine sont protégées (individus et habitats). Tuer ou maltraiter un serpent est punis de deux ans de prison et de 150.000 euros d’amende. Il est aussi interdit de détruire les habitats de quasiment toutes les espèces, et ce, quelles que soient les mesures compensatoires adoptées. Arrêtons de construire de nouvelles routes et d’artificialiser les sols : en France, plus de 20 000 ha sont bétonnés chaque année et le phénomène est particulièrement prononcé en Nouvelle-Aquitaine.
Il est aussi urgent de changer notre rapport à ces espèces majoritairement inoffensives. Rappelons que les couleuvres et coronelles ne sont pas venimeuses et qu’aucun cas de mortalité après morsure de vipère n’a été relevé en France métropolitaine depuis plus de 20 ans. Peut-on en dire autant pour les chiens ? Dans ces conditions, est-il bien raisonnable de s’alarmer d’un serpent sur sa terrasse ? Agissons-nous de même avec le moineau domestique ?
Pour les plus réfractaires, Matthieu Berroneau conseille : « une bonne solution pour tenir les serpents éloignés des maisons consiste à aménager un coin du jardin où ils préfèreront rester tranquilles : un espace non tondu, un muret de pierre sèche… ». A noter aussi l’opération de sensibilisation proposée par Cistude Nature et Mauvaises Graines avec l’accès libre et gratuit pendant un mois au film « Des serpents dans nos têtes » qui interroge avec humour les peurs et idées reçues envers ces espèces (voir ci-dessous). Gageons que la cohabitation est possible : il en va de la santé de la biodiversité… dont nous faisons partie !