La newsletter du Museum : « Pas de ville habitable sans une riche biodiversité »

La ville est particulièrement hostile pour les espèces sauvages. Elles doivent se faire une place dans le bitume, sur les murs ou les toitures. Comment font les plantes et les animaux pour s’adapter à cet espace, et comment contribuent-ils au bien-être des citadins ? Entretien avec Nathalie Machon, spécialiste en écologie urbaine, qui nous rappelle à quel point la biodiversité est cruciale dans le développement des villes.

En 1994, l’ouverture de la Grande Galerie de l’Évolution offrait un espace inédit dédié à l’évolution, la biodiversité et aux relations de l’Homme avec son environnement. 30 ans après, quelle est désormais notre vision de notre planète ? Et quelles sont nos connaissances de sa biodiversité ? Des chercheurs du Muséum font le point.

Nathalie Machon, spécialiste en écologie urbaine et coordinatrice du programme de sciences participatives « Sauvages de ma rue » nous rappelle pourquoi la nature doit avoir sa place dans nos villes.

Qu’est-ce que l’écologie urbaine ?

L’écologie étudie les organismes vivants dans leur milieu. En écologie urbaine, nous observons les espèces vivant en ville, c’est-à-dire dans des conditions un peu extrêmes : des animaux et des végétaux qui cohabitent avec les humains dans des milieux très minéraux, chauds et avec peu de place pour s’y développer. Par exemple des plantes dans des anfractuosités de bitume, sur des murs de jardins, sur les toitures, etc. Spécialiste des espèces végétales rares, j’ai été intriguée par les espèces qui, abondantes ailleurs, existent en petite population dans les villes. Réduites à quelques individus, elles se trouvent alors fortement menacées, comme le sont les espèces rares dans des espaces plus naturels. J’étudie comment elles fonctionnent et les facteurs qui leur permettent de prospérer ou qui les entravent. Regarder comment les plantes et les animaux s’adaptent à ces environnements difficiles, mais aussi la façon dont ils contribuent au bien-être des citadins (en régulant la pollution, la température par exemple) peut nous donner des clés pour affronter les changements futurs, en particulier le changement climatique. L’écologie urbaine est très liée à la société civile. Ce qui m’intéresse, c’est de produire des résultats scientifiques qui seront utiles, et dont les applications pourront potentiellement être mises en œuvre au bénéfice de la biodiversité et des citadins.

Trouve-t-on toutes les formes de vivant en ville ?

Absolument. Des lichens et mollusques habitant les caniveaux aux oiseaux migrateurs, sans compter les animaux domestiques et les plantes potagères ou d’ornement. La ville abrite également des espèces à part, modelées par l’environnement urbain. Un exemple célèbre est celui de la phalène du bouleau (Biston betularia), un papillon dont la couleur s’est assombrie en adaptation à l’industrialisation. Les fumées émises par le charbon ont noirci les murs et les arbres des villes. Aussi, les individus plus foncés, devenus moins repérables par leurs prédateurs, ont été protégés et ont peu à peu dominé sur les gris clairs, désormais plus vulnérables. Autre exemple, la Crépide de Nîmes (Crepis santa), une plante apparentée au pissenlit, produit deux types de graines différentes : des graines plumeuses qui peuvent germer loin de leur plante mère, emportées par le vent, et des graines sans ailes qui restent à proximité de leur lieu d’origine. Les Crépides de la campagne produisent plutôt des graines ailées. Elles sont bien adaptées aux vastes espaces où elles peuvent se ressemer emportées par le vent. Celles de la ville génèrent davantage de graines sans ailes, sélectionnées par le fait qu’en restant près de leur plante mère, elles risquent moins de tomber sur des surfaces bitumées où il est impossible de germer. Nous assistons ainsi à l’évolution de certaines espèces animales et végétales vers des formes urbaines pouvant devenir peu à peu différentes de celles de la campagne lorsque les échanges se raréfient entre les milieux urbains et ruraux. Mais ces divergences sont encore assez peu documentées car souvent peu visibles à l’œil nu…

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Photo : Nathalie Machon, spécialiste en écologie urbaine et Professeure du Muséum national d’Histoire naturelle © MNHN – J.-C. Domenech