Grippe aviaire : les oiseaux sauvages ont bon dos!

 Depuis une dizaine d’années à la même période élus et journalistes reprennent en chœur le cri d’alarme des producteurs de volailles du sud-ouest : catastrophe, les oiseaux migrateurs sont de retour, amenant avec eux des virus terribles qui menacent les élevages. C’est la désormais fameuse « grippe aviaire » connue sous les sigles HxNy avec H de 1 à 16 et N de 1 à 9 : https://www.anses.fr/fr/content/linfluenza-aviaire-en-11-questions

La Docteure Martes foina que nous avons consultée nous confirme : « cette grippe aviaire, ou « grippe du poulet », est une infection due à un virus de la famille des Orthomyxoviridae qui comprend plusieurs genres dont Influenzavirus A, lui-même divisé en sous-types tels que H5, H7 et H9. Cette infection peut toucher presque toutes les espèces d’oiseaux, sauvages ou domestiques. Elle peut être fortement contagieuse, notamment chez les poulets et les dindes, espèces pour lesquelles la mortalité est susceptible d’être très élevée ».

Et l’ANSES d’expliquer https://www.anses.fr/fr/content/influenza-aviaire-

Chaque année, à titre préventif, des dizaines de millions de volailles d’élevage sont abattues y compris en périphérie des foyers déclarés -plus de 50 millions en Europe entre octobre 2021 et septembre 2022 https://www.ladepeche.fr/2022/12/28/agriculture-leurope-fait-face-a-la-pire-grippe-aviaire-de-son-histoire-10891942.php Leur seul tort est d’être nées volailles dans des élevages. Tu nais, tu meurs. Pourquoi ? Pour rien, même pas le prétexte de nourrir un carnivore ou un omnivore. https://www.fondation-droit-animal.org/110-abattage-preventif-une-pratique-controversee/

En France, depuis l’année dernière, la vaccination des volailles d’élevage est développée https://agriculture.gouv.fr/tout-ce-quil-faut-savoir-sur-le-plan-daction-vaccination-iahp-en-france

Dans le monde, des centaines de millions d’oiseaux domestiques ont été abattus par sécurité, alors que moins de 200 cas de contamination humaine ont été constatées. Les abattages sont aussi liés aux intérêts commerciaux des élevages pour l’exportation. Environ 1,7 million de volailles sont morts ou ont été abattus au cours du mois d’octobre 2024, principalement en Amérique et en Europe. Non seulement le risque de transmission à l’homme est très faible bien que des cas existent comme cet exemple encore récemment au Canada https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/maladies/grippe-aviaire-h5n1.html, mais ce virus ne se transmet pas entre humains.

Des cas de transmission des oiseaux aux mammifères sont également avérés. De quoi mobiliser nos nemrods toujours à l’affut d’un prétexte pour dégommer Maître Goupil : https://www.chassepassion.net/actualite-de-la-chasse/chasse-petit-gibier-deau/des-renards-infectes-par-le-virus-de-la-grippe-aviaire-en-belgique/

Le fait d’utiliser le pluriel (alors qu’il n’y a qu’un cas ici) et de parler de « développement du virus », peut laisser au lecteur l’impression qu’il s’agit d’un développement nouveau, récent et donc inquiétant quant à l’évolution possible. Après la rage, les renards nous menacent avec la grippe aviaire. Vérification faite il n’en est rien.

L’information est avérée, elle provient de l’Agence Flamande pour la nature et les forêts (INBO) https://www.vlaanderen.be/inbo/persberichten/ On la retrouve sur https://www.brusselstimes.com/health/263738/bird-flu-kills-at-least-two-foxes-on-belgian-coast

https://www.vrt.be/vrtnws/fr/2022/07/29/la-grippe-aviaire-a-tue-au-moins-deux-renards-en-flandre/ Mais en y regardant de plus près on peut lire : pas de raison de paniquer. Le fait que la grippe aviaire ait été constatée chez des renards ne doit pas être forcément inquiétant. « Tout comme les êtres humains, les animaux peuvent attraper la maladie, en mangeant des oiseaux contaminés. Mais ils ne peuvent se contaminer entre eux”.

Et, surtout, l’information n’a rien de nouveau. Dès 2005-2006, plusieurs cas sur des mammifères ont été notifiés, y compris domestiques : des bovins, en octobre 2024 et des porcs En 2024, un cas d’IAHP H5N1 chez un porc a été notifié par les États-Unis d’Amérique. Ce porc domestique était en contact étroit avec des oiseaux de basse-cour infectés par l’IAHP dans l’Oregon. Le séquençage n’avait révélé aucune modification du virus H5N1 susceptible d’accroître sa transmissibilité à l’homme, ce qui indique que le risque actuel pour le public reste faible. Par ailleurs, 47 cas d’IAHP concernant des félins captifs dans un zoo et une zone d’écotourisme (lions, léopards, tigres) ont été identifiés. Il y a eu d’autres cas en Amérique du Nord. Des articles témoignent du passage des virus HP de grippe chez des mustélidés et même des phoques. Le renard n’est donc pas un danger mais la victime, car il ne peut pas le transmettre à un autre mammifère.

Dans le cas présent un canard peut se vanter d’avoir tué un renard !

Bref tout irait bien dans les élevages européens sans la nature sauvage qui nous menace. Le danger vient de l’extérieur. Ne pourrions-nous vivre confinés, comme les canards ?

En réalité il n’y a pas que les canards qui sont confits, il y a les idées aussi.

On voit bien dans ce schéma simplifié que la source du danger viendrait des oiseaux sauvages, pas des élevages. Ce ne sont jamais les élevages industriels qui contaminent les oiseaux. Pauvre poule toute seule, elle doit s’ennuyer… C’est du reste le discours dominant des tenants de l’agriculture intensive. J’entendais il y a quelques années la Présidente de la FNSEA, Christiane Lambert, expliquer sur France Inter que les pauvres éleveurs étaient victimes des oiseaux sauvages qui leur imposaient une contrainte supplémentaire dont ils n’avaient pas besoin tant le métier était difficile. « Et le peu qui viendra d’eux à vous c’est leurs fientes… ».

Heureusement chaque année les subventions européennes, nationales, régionales et départementales permettent d’abattre des millions de volailles, et de rebâtir le même système d’élevage industriel mortifère.

Mais reprenons depuis le début, c’est-à-dire en 1878 quand le virus apparait pour la première fois en Italie. S’ensuivent des épidémies dévastatrices dans les premiers élevages de volailles au lendemain de la première guerre mondiale dans de nombreux pays, y compris les USA et l’ouest de l’Europe. Des épidémies sont ensuite régulièrement recensées dans le monde jusqu’à l’apparition en 1997 d’une souche du virus H5N1 en Asie où il a tué 6 personnes. De 1997 à 2005, le H5N1 n’a presque uniquement infecté que des oiseaux (volailles essentiellement) en restant confiné à l’Asie du Sud-Est. Mais à partir de 2005 il s’est propagé en Russie puis en Europe et en Afrique.

Depuis 2014, pas un automne sans grippe aviaire : H5N1 et H5N2 ont été détectés dans des élevages en Dordogne en novembre 2015 ; H5N8 sur des oiseaux appelants captifs issus d’élevage dans le Pas-de-Calais en 2017 ; H5N6 et H5N8, en 2017-18, concernaient à 88,9 % des élevages.

Le passage du virus des oiseaux sauvages aux volailles d’élevage est avéré. C’est ce qui ressort des études successives de l’ANSES depuis des années :

1ère partie https://anses.hal.science/anses-03674371

2ème partie https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2021SA0022-1.pdf

3ème partie https://www.anses.fr/en/system/files/SABA2021SA0022-2.pdf

Et de la réponse de l’ANSES au DG de la LPO en avril 2022 ci-jointe.

Mais pas que mon canard ! « Pas que » car les modes de production intensifs et les échanges commerciaux notamment depuis l’Asie portent une lourde responsabilité dans le développement de l’épidémie https://bookvillage.app/produit-grippe-aviaire-%3A-ce-qu%27il-faut-savoir-%3A-les-toutes-derni%C3%A8res-infos-9782603014646-481390 . Et que l’avifaune sauvage semble bien être une des premières victimes plutôt que d’en porter la responsabilité, comme le dénonce la LPO chaque année, et en particulier en 2022 où l’épidémie a décimé la colonie de Fous de Bassan de la Réserve naturelle des Sept Iles : https://www.lpo.fr/qui-sommes-nous/toutes-nos-actualites/articles/actus-2022/grippe-aviaire-le-point-sur-la-situation-en-france

Et jusqu’aux Vautours fauves également victimes d’une forme du virus non identifié dans les élevages français. Un cadeau des élevages espagnols ? https://www.journaldemillau.fr/2022/08/06/grippe-aviaire-la-reproduction-des-vautours-fauves-bat-de-laile-11277675.php ce qui est difficilement compréhensible s’agissant de « culs de sacs épidémiologiques » (« Toi-même ! » réplique le vautour fauve).

Le Directeur de l’ANSES lui-même nous expliquait que la densité des élevages et des canards dans les élevages était telle dans le Sud-Ouest, que le virus n’a pas besoin de porteur : il se propage par voie aérienne, par aérosol. Et surtout par l’entremise des transports des spécimens associés aux différents ateliers de production (un canard est transféré à chaque étape de sa vie : élevage du caneton, élevage de l’adulte, gavage, abattage, découpe, transformation). Ce sont souvent des systèmes où les éleveurs sont « prestataires de service » pour les entreprises de transformation, qui sont décisionnaires sur les pratiques d’élevage.

Face au risque de grippe aviaire (mais non pas dans un souci de bien-être animal, que vous êtes naïfs !), le législateur s’est emparé du sujet ; il a imposé des surfaces minimums par canard dans les élevages pour le foie gras : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042625665

Les densités maximales en bâtiment sont fixées à :

– 15 canards par m2 jusqu’à l’âge de 21 jours,
– 10 canards par m2 du 22e au 42e jour d’âge,
– à partir du 43e jour au plus tard et jusqu’à l’âge de mise en gavage, la densité maximale en bâtiment est de :
– 10 canards par mavec l’accès obligatoire à un parcours de 5 m2 minimum par canard. Dans le cas d’une utilisation fractionnée du parcours, la surface disponible instantanée est de 2,5 m2 par canard minimum.
– Ou bien
– 7,5 canards par mavec l’accès obligatoire à un parcours de 3 mminimum par canard. Dans le cas d’une utilisation fractionnée du parcours, la surface disponible instantanée est de 1,5 m2 par canard minimum.

Dans le cas d’élevage en plein air à partir du 43e jour, avec ou sans abri, la densité en parcours est au minimum de 5 m2 par canard. Dans le cas d’une utilisation fractionnée du parcours, la surface disponible instantanée est de 2,5 m2 par canard minimum. » 10 canards adultes entassés dans un m2 ? Mais c’est le luxe des grands espaces ! On comprend qu’il n’y a même pas besoin d’éternuer pour contaminer son voisin.

Depuis 2010, entrée en vigueur de la Directive européenne concernant les « poulets de chair », on ne peut pas entasser plus de 33 kg de poids d’animaux par mètre carré de bâtiment (soit environ 17 poulets/m2). Mais deux dérogations permettent d’atteindre 39 kg/m2 (environ 20 poulets/m2), et 42 kg/m2 (environ 22 poulets/m2 !) sous réserve de respecter certaines exigences. La France, troisième producteur de poulets au niveau européen, bat tous les records : plus de 80 % des poulets sont ainsi détenus au maximum autorisé par la réglementation européenne. https://www.l214.com/animaux/poulets/la-reglementation-sur-lelevage-de-poulets/

Dans le Département des Landes, premier producteur français de foie gras, 1200 agriculteurs élèvent et/ou gavent 11 millions de palmipèdes en élevage et 8 millions en gavage (il y a seulement 423.000 habitants dans le département) https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/savoir-filiere-du-foie-gras-sud-ouest-1178677.html

Si ces charmants volatiles voulaient bien se répartir dans tout le département des Landes, deuxième plus vaste de France, on en trouverait 1200 au kmcontre 45 habitants seulement…

Et pourtant les éleveurs français semblent vertueux au regard de certains pays de l’Ouest de l’Europe ou, pire encore, d’Asie : Et encore ce n’est rien : en moyenne, une exploitation française standard compte deux poulaillers, d’une surface totale de 2 300 m² pour 40 000 volailles. Une exploitation Label Rouge compte environ trois poulaillers de 400 m2 pour 4400 volailles par poulailler, avec un parcours extérieur de 2 m² par poulet, au minimum. En Europe, la taille moyenne des exploitations est plus importante et les élevages abritent la plupart du temps plus de 60 000 volailles. La taille des élevages est encore plus importante dans des pays comme la Thaïlande ou l’Ukraine, où il peut y avoir jusqu’à 2 millions de volailles sur un seul site.

La plupart des épidémies de grippe aviaire nous arrivent de l’Est témoignant que le H5Nx voyage aussi en camion.

Avec de telles productions et densités de volailles, on comprend mieux les résultats de cette étude scientifique qui révèle qu’il n’y aurait plus que 29% de biomasse d’oiseaux sauvages, contre 71% de biomasse de cocottes d’élevage.

On comprend mieux aussi pourquoi cette perte de diversité qu’induisent l’élevage industriel et le commerce mondial at fragilisé l’ensemble du vivant.

Alors que nous traversions le fleuve Niger avec un guide de Niamey, ce dernier à qui nous demandions si l’eau était « propre » nous répondait : « nous, nous la buvons, mais vous, il ne faudrait pas vous baigner ».

Amis de l’Echo des Terriers, profitez donc d’un soir pluvieux pour rester dans votre terrier et visionner le dernier film de Marie-Monique Robin, « Vive les microbes » https://www.arte.tv/fr/videos/115633-000-A/vive-les-microbes/  Et renoncez-donc aux volailles d’élevage et au foie gras pour les fêtes de fin d’année. Ainsi, vous agirez concrètement pour la protection du vivant.

Nous avons essayé, jusqu’au dernier moment, de faire l’impasse sur notre rubrique « les cons ça ose tout ». Non pas que les sujets manquent, mais pour respecter la santé mentale des lecteurs de l’Echo des Terriers. Malheureusement force est de constater notre impuissance :

Dîtes-non au projet de décret qui vise à exonérer du débat public les projets industriels ! Consultation du public sur le projet de décret modifiant les catégories de projets soumis à la Commission nationale du débat public (CNDP) | Consultations publiques On nous explique en préambule de cette consultation qui se déroulera du 4 au 27 décembre (3 semaines avec Noël au milieu..), que ce décret « fait suite à la déclaration de politique générale du 31 janvier 2024 dans laquelle l’ancien Premier ministre annonçait vouloir « centrer le travail de la CNDP sur les très grands projets d’envergure nationale pour libérer un grand nombre de projets de la procédure de la CNDP ». Ce souhait a été réaffirmé par l’actuel Premier ministre lors d’annonces faites le vendredi 29 novembre 2024 ».

Rappelez-nous, le 4 décembre c’est bien la date de la motion de censure du gouvernement d’un dénommé Michel Barnier ? Les vœux des anciens Premiers Ministres sont comme des flèches déjà lancées ? Michel Barnier… Michel Barnier… hum… c’est bien celui qui avait initié la création de la CNDP en 1995 ?! https://www.debatpublic.fr/participation-et-environnement-692

Ensuite pensez-bien à vous laver les yeux avec de belles images de nos amis, curieux de nature : https://www.youtube.com/watch?v=gxFQrU2iqsk

Ensuite pensez-bien à vous laver les yeux avec de belles images de nos amis, curieux de nature : https://www.youtube.com/watch?v=gxFQrU2iqsk

Naturellement vôtre

Meles meles

https://www.youtube.com/channel/UCNjHlSraXGd-yt0RWZdWUFA

Photo

: lucidwaters / Depositphotos