SOMBRE HECATOMBE AU MOINS 28 MILLIONS D’ANIMAUX TUES CHAQUE ANNEE

Combien d’animaux sont tués par la chasse de loisir chaque année en France ? Bien malin qui pourrait répondre précisément à cette question. Pas l’Etat français en tous cas, pourtant tenu de veiller au bon état de conservation des espèces chassables. Ni les responsables cynégétiques puisque, sauf cas particuliers, les chasseurs n’ont pas d’obligation à tenir les comptes.

Les cas particuliers sont les espèces qui font l’objet d’un plan de chasse à savoir les cerfs élaphes, daims, mouflons, chamois, isards et chevreuils. Des bracelets sont prédistribués par l’Etat à titre individuel https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006074220/LEGISCTA000006176909/

Et aussi, à titre exceptionnel, la Bécasse des bois qui fait l’objet d’un prélèvement maximal autorisé (PMA) https://becassiersdefrance.com/le-prelevement-maximal-autorise-pma-de-la-becasse-des-bois-communication-oncfs/

Sans oublier la chasse sur le domaine public fluvial et maritime qui fait l’objet d’une adjudication (et oui l’Etat se fait de l’argent sur le dos de la nature).

Mais, contrairement à la pêche industrielle qui a l’obligation de comptabiliser les « prélèvements » afin de tenir compte de l’évolution des « stocks » et de réguler si besoin l’activité, la chasse tout aussi industrielle du fait du nombre de pratiquants, d’espèces chassables et du nombre d’individus tués, est considérée comme un loisir privé qui n’a pas de compte à rendre à la société. La connaissance des tableaux de chasse se fait au doigt mouillé (sur la gâchette). Certains chasseurs se vantent de tableaux de chasse extraordinaires (chez les pêcheurs de loisir c’est le syndrome de la sardine qui bouche le port de Marseille), quand d’autres, beaucoup plus nombreux, ne déclarent rien et ne veulent pas déclarer leurs prises.

En 2018 seulement, motivée par la perspective offerte par le gouvernement de continuer à pouvoir chasser des espèces d’oiseaux même en mauvais état de conservation (nommée pudiquement « gestion adaptative »), et de contredire les études scientifiques qui ne lui conviennent pas, la Fédération Nationale des Chasseurs a fini par développer une application. Du doux nom de « Chass Adapt » https://www.chasseurdefrance.com/chassadapt/ Force est de constater que six ans plus tard cette application n’est toujours pas fiable. Une part non négligeable des chasseurs français sont âgés et ne possèdent pas de « smartphone ». Des territoires chassés sont des « zones » blanches » où le téléphone ne passe pas. Or, quand on ne note pas tout de suite ses prises, il y a moins de chances de le faire à la maison, quand bien même le chasseur y disposerait d’un ordinateur. Sans doute de trop nombreux chasseurs considèrent qu’ils n’ont pas de comptes à rendre. Voire que la transparence pourrait les desservir si le grand public se mettait à appréhender la réalité des tableaux de chasse, y compris sur des espèces en danger et inscrites pour cela sur les listes rouges de l’UICN.

Lorsque le Président Emmanuel Macron, en début de mandat, a fait un cadeau de plus de 40 M€ au monde de la chasse, dont une rente de 20 M€ par an d’écocontribution versée par les Agences de l’Eau (donc par les citoyens consommateurs d’eau), il n’a pas eu l’idée ou l’envie d’exiger la fourniture de tableaux de chasse annuels en contrepartie.  Pourtant, au regard des subventions reçues par le monde de la chasse de la part de l’Etat comme des collectivités (les ONG sont des amateurs à comparer), et s’agissant d’un bien commun, l’exigence de transparence saute aux yeux. Du reste les pays qui ne tordent pas le concept de gestion adaptative comme l’Etat français et la FNC, communiquent les tableaux de chasse dans leur exhaustivité afin de discuter de la possibilité ou non -et en quelle quantité- de chasser telle ou telle espèce en fonction de sa dynamique de population sur les dernières années. Suivre les tableaux de chasse prend tout son intérêt dans la durée et sans changer de méthode, pas ponctuellement.

Faute d’obligation de « reporting » (oui c’est moche mais plus court que « communication exhaustive des données »), les tentatives de synthèse sont rares et approximatives. La seule connue a été menée par l’Office National de la Chasse et de Faune Sauvage. Elle portait sur la saison 2013-2014 https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RevueFS/FauneSauvage310_2016_Supplement.pdf Il y a dix ans déjà. Et depuis, plus aucune enquête sérieuse. Et encore, s’agissant d’estimations sur la base d’échantillons déclaratifs, les fourchettes allaient du simple au double voire au triple pour certaines espèces. Entre 45 618 et 137 789 pour la tourterelle des bois pourtant en danger et pour laquelle la chasse a été suspendue depuis. Concernant cette espèce, on note que les effectifs sont en plein redressement 5 ans après le moratoire qui la protège. Preuve vraisemblablement que la chasse était bien un facteur déterminant et non seulement la disparition des bocages comme l’affirmaient l’Etat, le Ministre et les fonctionnaires du ministère normalement en charge de l’écologie, le Directeur et les services de l’OFB. Au point que la perspective de réautoriser sa chasse est en discussion au niveau européen.

C’est en grande partie sur cette enquête de l’ONCFS que s’est basée l’association Animal Cross pour publier en octobre dernier une estimation du nombre d’animaux tués en France par la chasse chaque année :  25 à 38 millions d’animaux tués à la chasse chaque année – Animal Cross Mais en omettant qu’entre 2013 et 2023, il y a 80 à 100.000 porteurs de fusils en moins. Que les pratiques changent, avec une montée de l’appétence pour le « gros gibier » comme le sanglier. Et qu’il convient d’enlever les espèces exotiques et de rajouter les animaux blessés à mort et perdus.

Car, de même que des poissons manqués par des pêcheurs meurent de leurs blessures, de nombreux animaux succombent sans pouvoir être ramenés par les chasseurs. Jean-Dominique Lebreton, spécialiste des dynamiques de populations qui a par exemple contribué au numéro spécial de la revue de l’ONCFS https://professionnels.ofb.fr/sites/default/files/pdf/RevueFS/FauneSauvageHS_2019_complet.pdf, a analysé ce sujet du « crippling loss », littéralement les « pertes invalidantes ». Une analyse des publications scientifiques le conduit à estimer les pertes à un ordre de grandeur d’au moins 30% du tableau déclaré. En soulignant le cas particulier des oiseaux d’eau plus souvent « perdus » dans des milieux inaccessibles même pour les chiens.

Ce qui signifie qu’il faut multiplier les tableaux de chasse par 1,3 pour s’approcher de la réalité des tableaux de chasse. Et plus encore si l’on considère la mortalité à plus long terme par :

  • L’ingestion de plomb dans le gésier conduisant au saturnisme ;
  • L’abandon des couvaisons par le dérangement en période de nidification ;
  • L’affaiblissement par envol sur les aires de repos des migrateurs ;
  • Le braconnage, par nature non déclaré, y compris d’espèces protégées ;

Bref on peut, malgré l’intervalle de confiance très élevé dû aux incertitudes de son étude (et qui ne tient pas compte du « crippling loss »), s’en tenir comme base de calcul à la fourchette haute des estimations de l’ONCFS pour estimer le nombre d’animaux tués chaque année :

– 4.865.916 individus de petite faune de plaine (lapins, lièvres, perdrix), et ce après avoir enlevé le Faisan de Colchide (3 312 534) et le Faisan vénéré (143 477), espèces exotiques introduites chaque année ; mais sans enlever les 1.400.000 colverts relâchés chaque année avec des effets positifs (moins de pression sur les espèces sauvages) mais également négatifs (pollution génétique, risques sanitaires etc.). 

– 537.271 petits carnivores et rongeurs (mustélidés et renards), après avoir enlevé le rat musqué et le ragondin espèces exotiques envahissantes ;

– 1.320.566 corvidés (Freux, Corneille, Geai, Pie) et étourneaux ;

– 10.264.029 oiseaux de passage dont 2.018.648 Grives musiciennes (!) ;

– 2.910.810 oiseaux d’eau (oies, canards, limicoles principalement) ;

Ce qui fait un joli total de 19.898.592 animaux tués chaque année. Que je multiplie par 1,3 de « crippling loss » (il faut suivre les amis !) = 25.868.169.

Auxquels nous rajoutons 1.570.768 ongulés (cerf, chamois, chevreuil, mouflon, sanglier principalement) à qui nous n’appliquons pas le « crippling loss » (vraiment il faut vous concentrer !) mais un soupçon de braconnage, et une pincée d’oubli de pose de bracelets https://www.chassons.com/chasse-en-france/faits-divers/orne-10-000-euros-damende-pour-un-chasseur-ayant-abuse-de-son-plan-de-chasse/365734/

Soit un total de 27.438.937 animaux tués que vous nous permettrez d’arrondir à 28 millions.

Nous sommes bien dans la fourchette donnée par l’association Animal Cross. Après avoir décompté quelques espèces exotiques et d’élevage.

De la fourchette à l’assiette, sachant qu’un sanglier pèse en moyenne 30 Kg, et qu’il s’en tue environ 850.000 x 1,3 = 1.105.000, quel est le poids des sangliers tués chaque année en France ?

Réponse : 33.150 tonnes ! La charge d’un train de marchandise de la SNCF… https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=poids+train+de+marchandises

Sachant qu’une Grive musicienne pèse environ 70 gr, qu’il s’en tue 2.020.000 x 1,3 = 2.626.000 chaque année, quel poids de Grives musiciennes mortes sous les balles chaque année ?

Réponse : 184 tonnes environ. Fichtre la capacité d’un wagon de marchandise !

Plus difficile encore : qu’est-ce qui est plus lourd un kilo de plumes ou un kilo de plomb ?

Réponse un kilo de plomb dans un kilo d’oiseau.

Les cons ça ose tout : vous avez loupé le discours de politique générale du dernier nouveau Premier Ministre ? C’est ici : https://www.youtube.com/watch?v=vuZHiYSU68M Vous voulez connaitre ses ambitions pour la nature mais vous ne voulez pas y consacrer 1h30 ? L’Echo des terriers a eu pitié de vous. Voici ce qu’il vous suffit de retenir:

« L’écologie n’est pas le problème c’est la solution » apparait à la 60ème minute environ. Si le concept de « protection de la biodiversité » est bien cité une fois, il n’y a rien derrière. Tout porte sur le changement climatique, la stratégie bas carbone et le développement du nucléaire.

En revanche, le soutien à une agriculture non durable vaut son pesant de cacahuètes :  « Je veux avoir un mot particulier pour les filières agricoles… Les agriculteurs, les paysans, le monde d’où je viens, avaient la certitude d’être les meilleurs connaisseurs et défenseurs de la nature. On les accuse aujourd’hui de nuire à la nature. Et c’est une blessure profonde. Quand les inspecteurs de la biodiversité viennent inspecter les fossés ou les points d’eau avec une arme à la ceinture dans une ferme déjà mise à cran par la crise, c’est une humiliation. Et c’est donc une faute… on impose à nos agriculteurs des normes qui ne sont pas imposées à nos voisins au sein même de l’Europe… je ne suis pas d’accord pour qu’on assimile les eaux de surface avec la nappe, nos agriculteurs vivent cela comme une injustice (NDLR Cf les mégas bassines !) …nous remettrons en question les pyramides de normes… ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles ».

On imagine bien le ministre de l’Intérieur déclarer à propos des chauffards ou petits dealers « ceux que l’on contrôle doivent avoir leur mot à dire sur les contrôles ».

Pendant ce temps, des sénateurs préparent un projet de loi pour « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur » https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-108.html d’aller jusqu’au bout ? Pour réagir c’est ici : https://pplduplomb.agirpourlenvironnement.org/?utm_source=brevo&utm_campaign=CA%20PPL%20Duplomb&utm_medium=email

 

Brèves de terrier :

 

Blaise le blaireau : « Le Président Macron a affirmé que son second mandat serait écologique ou ne serait pas »

Marta la fouine : « Il a tenu son engagement : il n’est pas ! »

Naturellement vôtre

Meles meles

https://www.youtube.com/channel/UCNjHlSraXGd-yt0RWZdWUFA