Une lettre de Laurent Wauquiez « incite au lynchage » de l’OFB

Laurent Wauquiez et Fabrice Pannekoucke, le président de la Région, s’en prennent à nouveau à l’OFB dans une lettre aux agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes. Une étape de plus dans leur guerre contre la police de l’environnement.

En ouvrant son courrier, jeudi 20 février, le sang de Mary Desnos n’a fait qu’un tour. «Toutes les phrases m’ont fait bondir, raconte cette agricultrice de la Drôme. C’est une incitation au lynchage de la part d’un élu, dans un climat déjà explosif.»

L’objet de sa colère est une missive aux allures de diatribe contre l’Office français de la biodiversité (OFB), la police de l’environnement. D’autant plus qu’elle est signée par Fabrice Pannekoucke, président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, et Laurent Wauquiez, en tant que «conseiller spécial» de la Région.

Extrait de la lettre envoyée par Fabrice Pannekoucke et Laurent Wauquiez.

Daté du 7 février, le courrier s’adresse aux agricultrices et agriculteurs d’Auvergne-Rhône-Alpes, victimes, selon les mots des patrons de l’exécutif régional, des méthodes de l’OFB, qualifié de «coalition d’idéologues», qui les «empêche de travailler sereinement» et les accable de «contrôles absurdes». Contacté par Reporterre, le cabinet de Fabrice Pannekoucke n’a pour l’instant pas donné suite à notre demande d’entretien. De son côté, la police de la biodiversité n’a pas souhaité réagir.

Une police de l’environnement sous pression

Créé en 2020, l’OFB compte 3 000 agents, dont 2 000 sur le terrain. Parmi eux, 1 700 inspecteurs de l’environnement sont dotés de pouvoirs de police administrative et judiciaire, afin de faire respecter les lois en ce qui concerne l’usage de pesticides, la pollution de l’eau et le respect des arrêtés sécheresse. Depuis quelques mois, la pression envers cette police de l’environnement est montée d’un cran à la suite des attaques du syndicat agricole majoritaire, la FNSEA, et de la Coordination rurale.

Isabelle Heba, cosécrétaire de la branche biodiversité du syndicat SNEFSU, se dit «abasourdie» par cette lettre. «Chaque année, nous effectuons 3 000 contrôles administratifs pour 400 000 exploitations agricoles. C’est moins de 1% des exploitations agricoles françaises. Autrement dit, à ce niveau, une exploitation se voit contrôlée une fois tous les 120 ans», dit-elle à Reporterre.

«On nous reproche de faire respecter les textes de loi que ces mêmes politiques ont voté. C’est ubuesque»

Le courrier assure que «les agriculteurs sont, en réalité, plus durement traités que les trafiquants de drogue», en référence aux propos d’un délégué syndical Snape-FO de l’OFB, qui déclarait sur France Inter à la mi-janvier : «On a le sentiment que ce que veulent les agriculteurs, c’est de ne plus nous voir dans leurs exploitations. C’est du même ordre que si les dealers demandaient aux policiers de ne plus venir dans les cités pour empêcher le deal!»

S’en était suivie une nuée d’intimidations et de dégradations visant les locaux de l’administration publique, dans toute la France. Le Premier ministre, François Bayrou, avait déjà mis le feu aux poudres le 14 janvier dans son grand oral devant l’Assemblée nationale, en accusant les inspecteurs de l’OFB d’humilier les paysans en menant leurs contrôles avec une «arme à la ceinture, dans une ferme déjà mise à cran par la crise». En janvier 2024, alors que la colère du monde agricole battait son plein, le Premier ministre Gabriel Attal avait remis en question le port d’armes des agents de l’OFBlorsqu’ils mènent des missions de police.

Wauquiez veut «supprimer l’OFB»

«On nous reproche de faire respecter les textes de loi que ces mêmes politiques ont voté. C’est ubuesque», réagit Fabienne Mallet, du bureau biodiversité du SNEFSU. Le président de la Région et son «conseiller spécial» s’en prennent également au budget de l’OFB — 659 millions d’euros en 2024 — qu’ils qualifient de «coûteux pour le contribuable».

«Ce budget ne correspond pas à de l’argent qui va directement dans les poches de l’Office, répond Isabelle Heba. Nous en reversons une partie dans des missions, des appels à projets en faveur de la biodiversité et de la transition écologique.» Visiblement soucieux de ne pas aggraver la dépense publique, Laurent Wauquiez ne fait pas ici mention des critiques faites à sa gestion des finances de la Région, et notamment ses dispendieux déjeuners parisiens.

«Il s’agit d’une manœuvre électorale visant à aller chercher des électeurs dans le milieu agricole. C’est détestable»

En guise de conclusion, la lettre de Fabrice Pannekoucke et Laurent Wauquiez encourage les agriculteurs à se tourner vers la Région «pour bénéficier d’une aide juridique en cas de litige avec l’Office français de la biodiversité», financé à l’aide d’argent public, et les appelle à «faire remonter les situations ubuesques»rencontrées.

À quelques jours de l’ouverture du Salon de l’agriculture, samedi 22 février, ce courrier rappelle combien la police de la biodiversité est la cible d’attaques politiques. «Entre l’élection à la présidence des Républicains qui s’approche [les 17 et 18 mai] et les débats autour de la loi d’orientation agricole, on savait que l’on n’allait pas être tranquilles, résume un agent de l’OFB. En sous-texte, il s’agit ici d’une manœuvre électorale visant à aller chercher des électeurs dans le milieu agricole. C’est détestable.»

Le 23 janvier déjà, dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, Laurent Wauquiez n’avait pas caché ses intentions : «Notre objectif, c’est de supprimer l’OFB, un organisme qui vient contrôler les agriculteurs avec un pistolet à la ceinture alors qu’ils nous nourrissent.»

Source : Reporterre