Les formules utilisant les animaux pour évoquer des caractères humains sont pléthores. L’historien Michel Pastoureau explique que « le bestiaire européen s’est constitué avant l’antiquité autour d’un noyau primitif composé de huit animaux sauvages et indigènes : l’ours, le loup, le sanglier, le cerf, le renard, le corbeau, l’aigle et le cygne… Par la suite sont venus les rejoindre quelques animaux domestiques, d’abord le taureau, le cheval et le chien ; plus tard, le porc, l’âne, le coq et quelques autres. A cette liste, il faut ajouter pour être complet une créature de fiction, le dragon (le plus grand des serpents) et trois animaux exotiques, le lion, l’éléphant et le singe. Soit au total une vingtaine d’espèces jouant un rôle de premier plan dans l’histoire culturelle européenne.” https://ecotree.green/blog/
Avez-vous remarqué que, loin d’être bienveillant, cet anthropomorphisme affligeant jette systématiquement l’opprobre sur nos compagnons à poils, plumes et écailles, qu’ils soient domestiques ou sauvages ? Connaissez-vous beaucoup de formules bienveillantes utilisant les animaux pour vanter les caractéristiques humaines ? Non bien sûr, les rares qualités qui leur sont attribuées sont suspectes, à double tranchant, comme « rusé » ou « malin ».
Ces jugements de valeur péjoratifs en disent long sur le rapport que nous entretenons avec nos « colocaterriens ». Il nous semble naturel de les affubler de nos faiblesses, et jusqu’à nos tares.
Nous nous en servons comme le miroir d’une humanité des plus vile. Nous projetons sur eux nos propres infamies, comme pour nous en laver.
Autant le dire, les animaux sont nos « boucs-émissaires » comme rapporté dans l’Ancien Testament : Dieu demande que le grand prêtre, après avoir sacrifié un bouc, prenne un bouc vivant, lui mette sur la tête tous les péchés du peuple, puis le chasse dans le désert. En voici une bande de gros lâches, sales, voleurs, fourbes, jaloux, bêtes et chafouins bannis à jamais…
Plus ils nous ressemblent (vie en société, solidarité, régime omnivore…), plus nous les accablons. Homo homini lupus…
Pourtant le cochon n’est pas sale, c’est son espace de vie contraint bien malgré lui qui l’est, et uniquement parce que l’homme est négligeant ! Pas plus que l’âne n’est bête, ou le moineau décérébré.
Voilà comment nous devrions les dépeindre si nous avions un minimum d’humanité. Saurez-vous retrouver les sentences originelles pour les oublier aussitôt ?
L’homme est têtu, tandis que son âne a du caractère ;
Certes le singe a des méninges, mais le renard est débrouillard ;
Je connais des maîtres fidèles à leur chien au point d’avoir un mal de maître à les voir disparaitre ;
La carpe est volontiers bavarde, du reste ne dit-on pas « sa commère la carpe » ?
Contrairement au berger, le loup ne mange que quand il a faim ;
Si la vipère n’a pas sa langue dans sa poche, c’est seulement parce qu’elle n’a pas de poche ;
La pie a la gentillesse de ramasser nos déchets ; ceux qui brillent sont plus faciles à trouver ;
J’ai connu une linotte qui avait la grosse tête ;
Si la poule a la dent dure contre le renard c’est qu’elle tient à sa chair ;
Le lapin est réputé pour être à l’heure ; c’est Alice qui me l’a dit ;
« J’ai jamais fouetté de chat, ou alors y a longtemps, ou il sentait pas bon… » (Brel)
Mon coq s’appelle Charybde, et mon âne Scylla ;
Un poisson hors de l’eau ne peut pas être malheureux, car il est mort ;
Si le Nil déborde, c’est que les crocodiles pleurent ;
« Le pinson n’est pas gai, il est gai quand il est gai et triste quand il est triste… » (Prévert)
J’ai connu un chien et un chat qui s’entendaient comme larrons en foire
Il faudrait être bête pour s’ennuyer ; et tout le monde reconnait que le rat n’est pas bête ;
La baleine ni ne rit ni ne pleure : elle chante ;
L’écrevisse sait montrer patte blanche ;
Si la cervelle de l’homme était proportionnelle à celle du moineau, il ne passerait plus les portes ;
Le cafard a un caractère joyeux, c’est bien connu des entomologistes ;
Mieux vaut chercher des poux dans la tête d’un renard roux, que des renards roux dans la tête d’un pou ;
Un bon cavalier surveille sa fièvre ;
Les canards n’aiment pas le froid, sauf l’Eider c’est entendu ;
Les cochons ne sont pas sales, en tous cas pas autant que les avions ;
Si on ne les mettait pas dans des RER, les banlieusards ne seraient pas serrés ;
D’un naturel pacifique, les vaches n’enragent jamais ;
L’ordinateur a la puce à l’oreille ;
Le cochon : « dis donc tu me parles autrement, on n’a pas été gardés ensemble » ;
La fine loche goba la grasse mouche ;
Jamais au grand jamais un blaireau ne traitera un autre blaireau d’humain : ce serait grossier !
