En compilant plusieurs milliers de projets axés sur la conservation des espèces à travers le monde, des scientifiques ont évalué la somme totale dépensée pendant un quart de siècle à 1,93 milliard de dollars américains. Soit 77 millions de dollars par an (73 millions d’euros), ou 0,3 % du budget annuel de la NASA (université de Hong Kong)
Vautour fauve, condor de Californie, lynx ibérique… Sur tous les continents, les exemples de succès accomplis par les programmes de conservation des espèces ne manquent pas. Aurions-nous pu, et pourrions-nous à l’avenir, faire encore mieux ?
« Notre première conclusion est que le financement de la recherche sur la conservation des espèces reste extrêmement limité », pointe le professeur Benoît Guénard, premier auteur d’une étude publiée en janvier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (B. Guénard et al., 2025), cité dans un communiqué de l’université de Hong Kong.
En compilant près de 15 000 projets financés par des ONG ainsi que 37 gouvernements à travers le monde, son équipe a évalué la somme totale dépensée pendant un quart de siècle à 1,93 milliard de dollars américains. Soit 77 millions de dollars par an (73 millions d’euros), c’est-à-dire 0,3 % du budget annuel de l’Agence spatiale américaine (NASA).
6 % consacrés aux plantes, presque zéro pour les champignons
Et ce n’est pas tout. Les auteurs ont également examiné l’affectation de ces fonds à des espèces ou à des groupes d’organismes précis, par rapport aux besoins de ceux-ci tels qu’évalués par la « liste rouge » de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui classe les espèces par statut, depuis celui de la « préoccupation mineure » jusqu’à l’extinction.
Certains groupes, comme les plantes ou les insectes, n’ont reçu que 6 % des fonds chacun, malgré leur grande diversité et le nombre d’espèces menacées qu’ils comprennent. Tandis que d’autres groupes importants, comme les champignons ou les algues, n’ont reçu pratiquement aucun financement.
« Sur la base d’études antérieures, nous nous attendions à des biais en faveur des vertébrés, et nous avons constaté que la situation était bien pire que ce que nous avions estimé », souligne le Pr Guénard. « Même au sein des vertébrés, de nombreux groupes parmi les plus menacés, comme les amphibiens, étaient largement sous-financés, avec des tendances à la baisse au fil du temps », note-t-il.
94 % des espèces menacées sans aucun soutien
Plus inquiétant encore, près d’un tiers des fonds sont consacrés à des espèces non menacées, alors que près de 94 % des espèces menacées, elles, n’ont bénéficié d’aucun soutien. « Cela met en évidence un décalage important entre l’évaluation scientifique de la conservation et l’allocation des fonds (…), qui semble s’appuyer sur le ‘charisme’ des espèces », interprète le chercheur.
« Notre vision traditionnelle de ce qui est menacé ne correspond souvent pas aux espèces qui le sont réellement, ce qui fait que de nombreuses espèces plus petites ou ‘moins charismatiques’ sont négligées », complète la professeure Alice Hughes, coauteure de l’étude (communiqué). « Il est urgent de recadrer cette perspective et de mieux répartir les fonds », alerte-t-elle.
À l’avenir, l’équipe de recherche prévoit d’élargir sa base de données afin que les informations sur l’attribution des fonds soient à la fois « plus transparentes » et « plus facilement accessibles ». L’objectif : évaluer les lacunes, planifier de futurs efforts de conservation efficaces à l’échelle mondiale, et réduire la redondance des financements pour les espèces qui reçoivent déjà la « part du lion »…
Source : GEO