Alors que la France s’est engagée à stopper et à inverser d’ici 2030 la perte de biodiversité sur son territoire, le Comité français de l’UICN publie la première évaluation des impacts des espèces exotiques envahissantes sur les espèces éteintes, menacées et quasi menacées dans les collectivités françaises d’outre-mer. Les résultats montrent qu’il est essentiel d’investir davantage dans la prévention des introductions et la gestion des espèces exotiques envahissantes, pour préserver la biodiversité ultramarine.Les espèces exotiques envahissantes désignent les espèces introduites par l’humain hors de leurs aires de répartition naturelle, volontairement ou attaquant, et qui menacent les écosystèmes, les espèces locales, la santé ou les activités économiques. Elles figurent parmi les cinq grandes pressions pesant sur la biodiversité au niveau mondial.Les espèces menacées d’outre-mer en première ligne face aux espèces exotiques envahissantesL’analyse des données de la Liste rouge des espèces menacées établie selon la méthodologie de l’UICN
met en lumière que les espèces exotiques envahissantes (EEE) constituent une pression pour près de 30 % (soit 772 espèces) des espèces végétales et animales menacées en outre-mer. Elles sont également impliquées dans 43 % (102 espèces) des extinctions documentées et 18 % (142 espèces) des espèces quasi menacées. Les reptiles, les escargots, les oiseaux et les amphibiens sont les groupes biologiques les plus affectés par des EEE en proportion du nombre d’espèces.
Au total, près de 150 EEE ont été identifiés comme affectant des espèces menacées et quasi menacées ou impliquées dans des extinctions . Parmi les espèces aux impacts négatifs les plus forts, le Rat noir constitue par exemple une menace pour 277 espèces menacées ou quasi menacées, dont 97 oiseaux indigènes, 84 reptiles et 74 plantes, dont il consomme les graines ou les bourgeons.
La gestion des espèces exotiques envahissantes : un investissement indispensable pour la conservation des espèces menacées
En application du Cadre mondial de la biodiversité, la France s’est engagée à stopper d’ici 2030 l’extinction des espèces menacées connues sur son territoire (cible 4), à réduire de moitié le taux d’introduction d’EEE et à éradiquer ou à maîtriser ces espèces, en particulier dans les zones prioritaires, dont les îles (cible 6).
Pour atteindre ces objectifs d’ici 5 ans, le Comité français de l’UICN propose 6 recommandations et appelle à :
Mettre en œuvre une véritable stratégie de « biosécurité » dans chaque collectivité d’outre-mer , basée sur une coopération renforcée entre les acteurs de l’environnement, de l’agriculture, de la santé, mais aussi avec les secteurs socio-économiques comme ceux du tourisme et du transport de marchandises. L’objectif est de renforcer la prévention de l’introduction des EEE dans les territoires pour éviter des dommages et la mise en place de projets coûteux de gestion de ces espèces ;
Accélérer et amplifier les programmes d’éradication d’EEE en outre-mer pour la préservation de la faune et la flore locales. L’éradication est la solution d’intervention la plus efficace, en particulier dès qu’une nouvelle espèce envahissante est détectée sur le territoire ;
Définir les opérations de manière à un gain maximal pour la biodiversité, et soutenir la recherche et le développement obtenu. Cette étude permet de mieux identifier les espèces menacées par les EEE et, parmi ces dernières, celles qui menacent le plus grand nombre d’espèces. Dans les années à venir, deux défis majeurs sont à relever pour agir à plus grande échelle : accroître les capacités pour renforcer l’éradication des EEE dans les grands territoires habités et améliorer la maîtrise des EEE sur le long terme dans les espaces difficiles d’accès ;
Assurer la durabilité de ces opérations et leurs bénéfices à long terme. Compte tenu des coûts humains, techniques et financiers de ces opérations, il est essentiel que les efforts déployés et leurs résultats pour la biodiversité soient durables. L’État et les collectivités territoriales sont donc appelés à maintenir leur soutien aux acteurs de terrain dans la durée, sous peine de voir les bénéfices générés depuis plusieurs années être annulés en cas de désengagement ;
Expliquer davantage les objectifs pour la conservation des espèces menacées et les bénéfices écologiques, économiques et culturels des opérations d’éradication ou de maîtrise des EEE pour favoriser l’adhésion du public et de tous les acteurs ;
Encourager la participation du grand public à ces projets de conservation, afin de renforcer le lien entre les populations et leur environnement et de favoriser une meilleure compréhension des enjeux de la gestion des EEE.
Comme le montre l’analyse détaillée de la situation des espèces menacées outremers, la prévention et la gestion des espèces exotiques envahissantes sont des clés essentielles pour préserver le patrimoine naturel exceptionnel des collectivités françaises d’outre-mer.
Publication et résultats détaillés disponibles sur :
www.uicn.fr et www.especes-envahissantes-outremer.fr
Cette étude a été réalisée grâce à l’implication du Réseau sur les espèces exotiques envahissantes en outre-mer du Comité français de l’UICN. Elle a bénéficié du soutien du ministère de la transition écologique et des directions de l’environnement de la Martinique et de la Guadeloupe. Menée durant 3 ans, elle s’appuie sur les données de la Liste rouge des espèces menacées de l’UICN et a mobilisé près de cinquante experts/es et personnes ressources.Le Comité français de l’UICN
Le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature est le réseau des organismes et des experts/es de l’UICN en France. Regroupant au sein d’un partenariat original 2 ministères, 7 organismes publics, 8 collectivités et 61 organisations non gouvernementales, il joue un rôle de plateforme d’expertise, de concertation et d’action pour répondre aux enjeux de la biodiversité. Il rassemble également un réseau de 300 experts/es répartis en six commissions thématiques.
Crédits photographiques : Pétrel de Barau © Jaime Martinez, Iguane des Petites Antilles © DEAL Martinique, Hylode de la Martinique © Mael Dewynter