Jeune vétérinaire à Lagny sur Marne en région Parisienne (le site de sa clinique), Vincent a fait partie de l'équipe de Valérie Chetboul (professeur de cardiologie et chef du service de cardiologie, Unité de Cardiologie d'Alfort, ENVA), et de Norin Chai (chef du service vétérinaire de la ménagerie du Jardin des Plantes - Muséum national d'Histoire naturelle) qui est partie cette année au Costa Rica soigner des animaux, mission financée par la fondation Un Coeur.
Qu'est-ce qui pousse un jeune vétérinaire Francilien à partir soigner des animaux sauvages à l'autre bout du Monde ?
L’aventure… et les vieilles envies, comme beaucoup de vétérinaires, on a tous à un moment eu envie d’aller soigner tous types d’animaux autour du monde, voire être vétérinaire de zoo, mais les places sont peu nombreuses, et c’est une vie difficile et pleine de contraintes.
Qui composait l'équipe autour de Norin Chai ?
Trois vétérinaires cardiologues, trois vétérinaires de zoo, un spécialiste en médecine et chirurgie des oiseaux, une vétérinaire anatomopathologiste, une vétérinaire faune sauvage, et moi-même, vétérinaire classique ayant fait une spécialisation pendant un an en reproduction animale. Nous étions accompagnés du Dr Mauricio Jimenez professeur à l'université vétérinaire de San José, qui était notre contact sur place.
Quelles étaient les missions prévues au départ ?
Aller réaliser des échographies sur des paresseux, opérer un perroquet, et autres cas surprises en cours de route !
Décrivez-nous une journée type...
La journée type est plutôt aisée à décrire: beaucoup de route pour se rendre sur les zones d'action, parfois sous la pluie, et des heures d'échographie, ce qui est assez éprouvant physiquement
Une intervention plus marquante que les autres ?
Deux en fait :
La première étant une échographie de gestation, la directrice du rescue center était persuadée qu’une femelle paresseux était gestante (ce qui n’est pas très fréquent), et en tant que « reproducteur » c’est moi qui ait dû faire cette écho.
Pas facile à vrai dire, on ne savait pas depuis combien de temps cette femelle était gestante (si elle l’était), donc s’il fallait chercher un gros fœtus ou une ampoule fœtale, et techniquement l’estomac des paresseux très volumineux (pour permettre la digestion des feuilles) gênait la visibilité d’une grande partie de l’abdomen à l’échographie.
Finalement à un moment on voit un petit vaisseau battre très vite. Pensant que c’est le cœur du fœtus on mesure sa fréquence, qui est différente de la fréquence cardiaque de la mère : elle était donc gestante !
A cette vision la directrice a laissé couler quelques larmes... En continuant cette échographie , on a vite découvert que le cœur de ce fœtus était en fait juste à côté et beaucoup plus gros que ce petit vaisseau, et nous avions donc affaire à un fœtus plus avancé dans le temps.
La seconde (dans le même centre) où cette directrice nous amène un paresseux qu’elle gardait chez elle pour le réhydrater car il souffrait de diarrhée et de vomissements, comme plusieurs paresseux qu’elle a perdus ces derniers temps sans en connaitre la cause précise.
Pensant qu’il était mort, on lui fait une échographie qui révèle que son cœur battait encore. On trouve du matériel et nous commençons à lui mettre un cathéter intra-osseux, ainsi qu’une voie jugulaire et des bouillottes pour traiter l’état de choc dans lequel il se trouvait.
Sous échographie on voit son cœur se remplir, se remettre à battre plus rapidement, et l’animal recommencer a bouger, ce qui nous ravissait. Malheureusement, il a succombé quelques dizaines de minutes plus tard.
Autres larmes mais pas du même type.
On voit un ara qui a l'air mal en point. Quel était son problème ?
Il avait une déviation du bec et une fracture à la base du bec, qui l'empêchait de manger.
Il fallait donc :
- en premier lieu avancer son bec, pour cela il a eu une prothèse pour aider à faire pousser son bec en avançant
- puis il fallait le remettre dans l'axe (à faire une fois que le bec aurait avancé). Nous ne sommes pas restés suffisamment longtemps pour mener à bien cette seconde opération, mais le matériel a été mis en place : une broche transperçant l'os frontal juste en avant de l’encéphale , et une petite broche dans le bout du bec
pour faire une sorte d'orthodontie en reliant la broche recourbée a celle du bout du bec avec un élastique
jusqu'à ce que le bec revienne dans l'axe.
Opération du perroquet réalisée par le Dr HUYNH du CHV Frégis (spécialiste européen en oiseaux)
Et pour la rainette aux yeux rouges, symbole de la faune du Costa Rica ?
Le centre dans lequel nous nous trouvions possédait plusieurs grenouilles présentant des ulcères buccaux, nous avons donc réalisé un prélèvement avec un écouvillon. L'observation au microscope a mis en évidence la présence de champignons . Il donc été mis en place un traitement antifongique.
Le Costa Rica jouit d'une excellente réputation en terme de protection de la nature et de la faune. Avez-vous ressenti un état d'esprit particulier durant votre séjour ?
Forcément nous avons senti un état d’esprit de conservation de la nature et d’aide aux espèces animales blessées, mais nous passions notre temps dans des centres dédiés à cela ! Cependant ces personnes actives dans la protection nous racontaient que le gouvernement fait belle figure quant au sujet de la nature, mais pêche un peu dans ses actes !
Parmi tous les centres de sauvegarde visités durant votre séjour, en recommanderiez-vous un en particulier pour nos lecteurs qui visiteront bientôt le Costa-Rica ?
Les centres où nous nous sommes rendus ne sont pas forcément ouverts au public ( de manière officielle… mais nous y avons quand même rencontrés des touristes). Il faut faire attention car certains de ces centres surfent sur la vague de l’écotourisme pour faire du business (un peu trop même pour certains) .
Les plus impliqués que nous ayons rencontré sont un centre de sauvegarde de Turrucares, centre créé il y a deux mois environ, un peu dans l’empressement par manque de temps pour sauver des animaux. Ils sont donc encore en train de construire des enclos d’accueil.
Les responsables sont très touchantes, très concernées, voire trop impliquées, elles sont dans un contact affectif avec ces animaux qui sont des animaux sauvages. Normalement, il y manque une distance, mais qui peut les blâmer elles s’y donnent corps et âme !
Quelques tuyaux pour les futurs visiteurs ?
Beaucoup de moustiques dans certaines régions, ne pas oublier la prévention.
Limitations de vitesses plutôt lentes 60km /h ou 80 au max et grosses amendes (apparemment 600 € minimum) en cas d’infraction
La vie est chère presque comme à Paris !! Emmener des dollars, pas besoin de changer à l’aéroport, on paye en dollars et on nous rend le change en colones (monnaie locale).
Billets pour y aller le plus court (et le moins cher) semble être Paris-Madrid et Madrid-San josé, possibilité aussi de passer par le Panama ou les Etats Unis.
La prochaine mission ?
L'année dernière nous étions dejà partis au Cambodge, grâce à la fondation un coeur que nous remercions grandement, nous avions effectué une étude cardiologique et un dépistage de la tuberculose dans une population d'éléphants.
Si tout se passe bien, nous partirons peut être en Namibie l'année prochaine vers de nouvelles aventures.
A consulter également le site Facebook de Norin Chai, ainsi que sa fiche sur notre portail (personnalités à découvrir, rubrique s'informer)
