Personnalités à découvrir

LECOMTE Thierry

Le marais Vernier, dans l'Eure, c'est l'oeuvre de toute une vie de Thierry Lecomte, qu'il a contribué à restaurer et à conserver depuis la fin des années 70.

"Sur les terrains difficiles et peu rentables, la disparition de l’agriculture traditionnelle laisse place à une friche ligneuse. C’est généralement le cas des milieux très humides parfois tourbeux comme le Marais-Vernier et le marais d’Heurteauville. Quand le développement des ligneux, conduisant à la fermeture des milieux, se généralise sur un territoire, une grande partie de la biodiversité régresse. Une grande partie des milieux naturels dit ouverts est alors en régression, parfois même menacée de disparition. Ce phénomène engendre la fragilisation voire la disparition de populations animales et végétales qui en dépendent.

Une expérimentation ambitieuse initiée en 1979 par Thierry Lecomte et Christine Le Neveu dans le cadre... " la suite sur le site du PNR des Boucles de la seine Normande : ici

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Nous avons passé une journée avec lui en juillet en arpentant les Courtils de Bouquelon, un morceau des marais, l'écoutant raconter l'histoire des lieux, le regardant cueillir une fleur et nous en dire l'utilité et les vertus, expliquer les mouvements de l'eau, nous désignant une cigogne au passage, un troupeau de vaches Highlands ou de chevaux camargue, bref, nous donnant espoir que, grâce à des hommes comme lui, la biodiversité avait encore de beaux jours devant elle...

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 Sortie avec les JNE en juillet 2015

Rencontre avec un homme de nature qui a vécu pour la nature.

Dessinez-nous votre parcours en quelques étapes. Je crois que mon enfance dans un appartement urbain m’a fait ressentir le manque de nature et a contribué à conforter une inclination profonde vers la nature; c’est pourquoi, adolescent, je collectionnais déjà à peu près tout : insectes, coquillages, minéraux, fossiles et élevait toutes sortes de petites bêtes : poissons, amphibiens, mollusques, insectes, reptiles,…..j’ai orienté ensuite mes études vers les sciences naturelles puis l’écologie avec une seule idée : en faire mon métier !

J’avais aussi 2 exigences supplémentaires : outre le fait de travailler pour la nature, je voulais habiter dans un site naturel et rester dans ma région de naissance : la Normandie. A 64 ans je pense avoir réussi ce tiercé !

Quels sont vos maîtres à penser, vos références culturelles ? Ma passion pour l’entomologie m’a fait découvrir très tôt Jean-Henri  Fabre et sa prose rigoureuse et imagée (« Souvenirs entomologiques »), son goût pour les choses simples et vraies, pour le beau, pour l’humble, pour le chant de ses cigales dans l’Harmas de Sérignan, pour ce mélange subtil de belle langue, de poésie, de science, de philosophie, d’humour aussi….un grand Monsieur !

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Il y a eu ensuite Jean Rostand avec ses divers ouvrages dont « Inquiétude d’un biologiste », cet homme a eu souvent raison bien avant le mouvement écologiste et ses écrits aujourd’hui sont encore d’une grande actualité !

Et puis comment ne pas parler de Claude Lévy-Strauss dont l’ouvrage « Tristes tropiques » a été mon livre de chevet bien avant que de suivre ses traces au Brésil quelques décennies plus tard.

Et puis Victor Hugo :

« Considérez encor que j’avais dès l’aurore

Travaillé, combattu, pensé, marché, lutté

Expliquant la nature à l’homme qui l’ignore,»

(A Villequier, Contemplations) 

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Pourquoi l’animal sauvage Tout simplement parce que l’animal est un fragment palpitant, dans tous les sens du terme de la nature dont il est l’acteur le plus perceptible. Les formes, les dimensions, les variabilités individuelles, les couleurs, les stratégies dans la locomotion, l’alimentation, la reproduction, la survie même…….sont d’une infinie diversité et éveillent ma curiosité en permanence …Imaginez-vous un monde sans vie animale sauvage ????

Si vous en étiez un, lequel ? Joker !!! en fait je ne me vois pas du tout dans la peau d’un animal…. Chacun à sa place et les vaches (mon vrai animal totem !!!!) seront bien gardées

La ou les deux plus belles rencontres / émotions de rencontre de vie sauvage ? Il est 10 heures du matin, la pirogue avance doucement sur le rio Negro, affluent du rio Paraguay dans les marais du Pantanal. Soudain, elle jaillit de l’eau, mâchoire entrouverte, l’invective sonore doublant l’effet de surprise, son plastron tacheté bien en évidence : manifestement nous gênons ces loutres géantes qui nous font bien comprendre que notre pirogue est sur leur territoire !

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Une autre belle rencontre avec dans un brouillard matinal du Marais Vernier l’envol lent et puissant d’un Pygargue qui finit par se perdre dans la brume tenace d’un matin d’hiver.

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Et puis plus récemment cet ours dans les Asturies qui chemine tranquillement sous les oculaires des jumelles à la recherche de son déjeuner.

Et puis encore des centaines d’images dans les yeux…… comment choisir sans trahir ????

Votre lieu de nature préféré ? Alors là, sans ambages ! le Marais Vernier : trop beau ce marais pour lequel je me bats depuis 40 ans et plus, c’est ma drogue, - dure de surcroît - mon shoot obligé dès que parti un peu loin je reviens au pays !

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Des festivals d’odeurs, de couleur, de paysages changeant à damner un impressionniste, une biodiversité top : bref c’est « mon » marais : je sors de ma maison et hop, je suis dedans : pas belle la vie ???

Le lieu mythique où vous rêvez d’aller ? Mon obsession d’écologue c’est l’herbivorie ! Malheureusement en Europe on a à peu près fait disparaître la plupart des grandes et très grandes espèces et si je me console avec mes vaches des Highlands, j’aimerai quand même un jour voir les savanes africaines avec leur guilde d’Ongulés : petits, grands et méga herbivores…. J’en rêve souvent…

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L’œuvre qui vous semble illustrer le mieux votre parcours ? A bien réfléchir, je crois que c’est l’œuvre de Georges Brassens avec son côté bon vivant, marginal - au bon sens du terme -, indépendant et un brin frondeur qui caractérise le mieux mon parcours sur les chemins de traverse qui ont sillonné mon domaine d’élection comme ma vie privée (laquelle d’ailleurs ne fait qu’une avec ma vie professionnelle !!!)

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Quel matériel utilisez-vous de préférence pour aller à la rencontre de la vie sauvage ? L’outil dont je me sers le plus c’est mon cerveau, sans doute insuffisamment dimensionné…. Mais bon je fais avec : je lis, je regarde, j’observe, j’écoute, bref, j’emmagasine comme une éponge et je cherche obstinément des passerelles entre tout afin, petit à petit, de tenter de mieux comprendre l’environnement naturel et mieux - peut-être - contribuer à le gérer, modestement au bout de mon champ !

 Et une technique ? Pas de technique ; juste du feeling ! et puis en entomologie il n’est pas toujours nécessaire de ruser pour arriver à ses fins ???

Un conseil au débutant dans votre activité ? Que lui diriez-vous ? Deux choses : «L’ignorance, qui était en nous, nous l’avons par longue étude confirmée et avérée » (Montaigne) : Il faut donc apprendre et toujours apprendre, élargir sans cesse le cercle des connaissances….

« Il faut suivre sa pente…… à condition de la remonter » (A. Gide) : Il faut aller dans le sens de ses passions mais pas à moitié !

 Un animal disparu revient, lequel ? Même un animal fantastique ! Un autre de mes rêves : le retour des mammouths en Europe : ça déménagerait grave !!!

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Un animal fantastique ? et pourquoi pas un Homo vraiment sapiens, c’est à dire enfin sage et qui ne passerait plus le plus clair de son énergie à s’entretuer ou à s’autodétruire en sciant la branche qui le supporte et le nourrit…… mais ça c’est encore plus utopique que le retour du Mammouth !

Une initiative prise ou à prendre en faveur de la faune sauvage? Le rewilding : lâchons dans notre nature trop policée des élans, des bisons, des aurochs, des tarpans : avec les effets dominos induits, on reverra de belles choses !

Une association qui vous tient à cœur ? La Fédération des conservatoires d’espaces naturels, les 800 salariés et les centaines de bénévoles qui travaillent dans les antennes régionales de métropole et de l’outremer : une lame de fond qui ne fait pas de bruit mais qui fait un sacré travail de préservation, de sensibilisation, d’éducation, de restauration,……

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Une urgence pour la faune sauvage, pour la vie sauvage ? Clouer les chimistes des pesticides au pilori : un peu radical, certes,  mais c’est, je crois, la plus grande cause de perte – silencieuse et insidieuse - de biodiversité dans nos pays à l’heure actuelle ….. Mais,  chutt… politiquement incorrect !

Pour conclure: vous disparaissez ce soir, qu’aimeriez-vous laisser comme dernier message ?

Ne renoncez jamais !!!

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