Dans notre monde sauvage
Christophe Sidamon-Pesson choisit dans son ouvrage de nous présenter la face majestueuse et épanouie de « notre nature sauvage », tout en suggérant la nécessité de devoir aller au-delà des apparences et d’atteindre une réflexion en profondeur, indispensable à la pérennisation de notre monde. Une immense Montagne noire, surgissant dans un lointain embrumé, évoque la question de la réalité et des apparences ; il s’agit en fait d’une vaste ombre projetée de cette montagne à la fois réelle et symbolique, qui peut nous inquiéter tout autant que nous émerveiller. « L’Autre Versant est pour nous une porte d’entrée magique dans un royaume sauvage et merveilleux où tout reste à découvrir », précise le photographe.
Dans son livre, Christophe porte son regard sur le massif du Queyras, qui est l’une des dernières zones encore préservées des Alpes. Son accessibilité réduite ne permet pas beaucoup de circulation routière et limite quelque peu les ferveurs de l’incontournable « développement économique », pour l’instant…
L’homme sera t-il assez sot pour démolir cette nature primordiale et ensuite se détruire lui-même ? C’est la question que pose l’auteur à travers son plaidoyer pour la sauvegarde de notre environnement naturel.
Extrait
"Rien de plus naturel pour un enfant que de grimper aux arbres, d'escalader les murs, ou de gravir le premier tas de sable qui se présente. Cela sans doute lui permet de se grandir, de satisfaire son besoin d'ascensionner pour avoir une autre vision du monde, de le saisir à bras-le-corps et de découvrir, au-delà des conditionnements de son éducation, l'autre versant des choses.
Dans ces moments privilégiés où rien n'est tracé pour lui, il invente son parcours, quitte à se perdre, mais peu lui importe car de ces voyages improvisés il en revient chaque fois transformé, ayant élargi son horizon pris davantage conscience de ses forces, de sa capacité à essayer et à se construire en ouvrant son propre chemin : une errance spontanée faite d'émotions, de gestes et de regards guidés par une curiosité de l'instant, qui le mettent au diapason de son environnement.
A chaque perception nouvelle s'en ajoutent d'autres qui, de proche en proche, le portent vers l'âge adulte. Mais l'être humain ne garderait-il pas éternellement ce besoin de quête de soi-même, de regard porté au-delà de l'enfermement dans les normes et les habitudes ? Et depuis l'apparition des cultures, les montagnes autant que les déserts, dont l'organisation primordiale renvoie à la question des origines, ne seraient-elles pas devenues notre ultime terrain de fascination et d'ascension ? Car elles apparaissent naturellement comme des microcosmes d'autant plus extraordinaires qu'elles sont le théâtre d'une puissante mise en scène de l'eau, de la terre, de l'air, du feu et de la pesanteur.
C'est aussi qu'après nous avoir imposé leur verticalité, fait lever la tête, lancer on ne sait quel défi à s'élever vers les sommets les montagnes nous imposent leurs marches d'approche, ces voyages où le corps progressivement se met à l'unisson de la pente, réglant chaque pas vers l'équilibre d'un effort qui le porte vers le haut."