Convention sur la Diversité Biologique : seuls 5% des pays en voie d’atteindre les objectifs d’Aïchi

Convention sur la Diversité Biologique<br />© Diego M. Garces / WWFRéunis du 4 au 17 décembre à Cancun, au Mexique, pour la Convention sur la Diversité Biologique (CBD), les gouvernements du monde entier devront mettre en œuvre de toute urgence le plan mondial d’actions pour le vivant décidé en 2010.

A moins de 4 ans de l’échéance du plan stratégique pour la biodiversité (2011-2020), cette treizième conférence des parties sera l’occasion de mesurer les efforts à accomplir pour parvenir aux objectifs d’Aïchi fixés en 2010. Et ces efforts devront être importants puisqu’à ce jour, seuls 5% des pays sont en voie d’atteindre ces objectifs !

 

« Les gouvernements doivent changer de trajectoire ! »

« En 2010, le monde avait convenu d’un accord et d’un plan collectif pour stopper la perte de biodiversité d’ici 2020. Cela ne s’est cependant pas traduit par des niveaux d’ambition et d’engagement nationaux suffisants » déclare Deon Nel, directeur des programmes de conservation du WWF International. Or des accords internationaux tels que ceux de la CBD sont indispensables pour sauvegarder la biodiversité et les écosystèmes dont les hommes dépendent.

« Comme le rappelait il y a un mois le dernier Rapport Planète Vivante du WWF, en moins d’une génération, nous aurons réduit la vie sauvage et dégradé les écosystèmes à des niveaux jusqu’ici inimaginables et, si nous ne faisons rien, près des deux tiers des populations de vertébrés pourraient avoir disparu d’ici 2020. Nous ne pourrons pas inverser cette tendance en 4 ans, mais les Etats devront absolument redresser la barre à Cancun » ajoute Deon Nel.

Lors de la conférence, les gouvernements doivent trouver les moyens de mettre en œuvre plus efficacement, et de manière plus ambitieuse, leurs plans d’actions. Des efforts importants sont ainsi nécessaires pour intégrer la biodiversité au sein de toutes les politiques (agriculture, pêche, forêt, tourisme, économique, budgétaire…).

« L’année dernière, le monde est parvenu à deux grands accords mondiaux, l’un sur le climat, l’autre sur le développement durable. Nous devons, sur la biodiversité, obtenir des Etats et des acteurs économique un niveau de mobilisation similaire à l’Accord de Paris », ajoute Pascal Canfin, directeur général du WWF France. A Cancun, les Etats devront démontrer qu’ils tiendront leurs promesses de réorientation des subventions néfastes à l’environnement et du doublement du financement international dédié à la protection de la biodiversité, un objectif qui aurait dû être atteint l’an dernier.

Le WWF soutient par ailleurs à Cancun le lancement d’une initiative mondiale en faveur des pollinisateurs, appelle tous les Etats à rejoindre cette initiative et compte notamment sur la mobilisation de la diplomatie française pour rallier un maximum de pays.
 

 

La France a une responsabilité toute particulière

Grâce à son espace maritime, le deuxième dans le monde, et à ses outre-mer, la France est le seul pays européen, parmi les Etats les plus riches au monde en biodiversité. Elle a ainsi une grande responsabilité et doit, plus que n’importe quel pays, être fer de lance en matière de protection de la biodiversité que ce soit à travers ses propres politiques publiques ou en portant une ambition environnementale au sein de l’Union européenne ou à l’international.

Côté acteurs économiques, les entreprises françaises figurent aujourd’hui parmi les premiers acheteurs d’huile de palme, de soja, de coton, de bois tropicaux, autant de produits qui impactent la biodiversité. Elles ont donc également une grande responsabilité.

 

 

Un bilan prévisionnel mitigé 

La France est en effet bon élève de la classe mondiale grâce à la création de plus de 20 % de surface d’aires marines protégées

(objectif 11) sous réserve de mobiliser les moyens nécessaires pour leur bonne gestion et de les consolider par des zones de protection renforcées.

Elle se démarque également à travers une meilleure protection des cétacés dans les sanctuaires marins grâce à l’obligation pour les navires français d’être équipés d’un système anticollision (objectif 12), l’interdiction des néonicotinoïdes – les « insecticides tueurs d’abeilles » – en 2018 ainsi que par la fragilisation de l’autorisation du glyphosate au niveau européen (objectif 8), la mise en œuvre du protocole de Nagoya (objectif 16), le doublement de ses financements internationaux dédiés à la biodiversité (objectif 20) ou encore par son soutien au fonds visant à stopper et inverser la dégradation des terres dans le monde (objectif 15).

Mais le compte n’y est pas sur d’autres points cruciaux tels que l’établissement d’un plan de restauration de la population d’ours dans les Pyrénées qui passe par l’introduction d’animaux (objectif 12).

A quelques jours de l’ouverture de la CBD, le gouvernement vient de créer un précédent qu’aucun gouvernement n’avait osé créer : libéraliser les tirs de loups en France au mépris de toutes les procédures établies depuis plus de 20 ans pour respecter nos engagements internationaux et favoriser une coexistence avec les activités humaines.
En s’opposant à l’initiative européenne destinée à garantir 5% des surfaces agricoles utiles sans pesticide en Europe, le gouvernement montre qu’il n’est pas réellement engagé sur l’atteinte des objectifs 3 et 8. La France participe en outre à l’artificialisation des sols avec le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dont l’utilité est contestée (objectif 5).

Plus globalement, beaucoup reste à faire en matière d’intégration de la biodiversité dans les politiques sectorielles ou de suppression des subventions dommageables à la biodiversité, aussi bien au niveau français qu’européen (agriculture, pêche, etc.).