La Méditerranée à la croisée des chemins : le Far West ou le développement soutenable

La Méditerranée, une zone sous pression<br />© WWFTransport maritime, tourisme, aquaculture, exploration ou même exploitation d’hydrocarbures… au mois de novembre le WWF alertait sur l’état de santé de la Méditerranée française face aux pressions d’un développement économique sans précédent. Couvrant désormais les eaux territoriales de 8 pays européens, le rapport MedTrends brosse aujourd’hui un portrait encore plus complet de la région et révèle notamment une cartographie inédite de l’ensemble des zones ouvertes à l’exploration d’hydrocarbures. 
 
A travers cet état des lieux, le WWF en appelle à une vision prospective partagée pour une économie bleue durable.

Tous les secteurs traditionnels de l’économie maritime tels que le transport, le tourisme, l’aquaculture ou bien d’autres, se développent de manière exponentielle et devraient poursuivre leur croissance au cours des 20 prochaines années, à l’exception de la pêche professionnelle. Cette évolution crée une compétition grandissante entre secteurs pour une superficie et des ressources marines limitées. Il en résulte de nouveaux impacts sur des écosystèmes déjà sous pression. Le bassin méditerranéen ne peut plus attendre ! Il est désormais urgent d’élaborer une planification intégrée de l’économie maritime sur le long terme.

De ce constat d’urgence est né le programme MedTrends, étude menée par l’Initiative Marine de Méditerranée du WWF et couvrant les 8 pays méditerranéens : Croatie, Chypre, France, Italie, Grèce, Malte, Slovénie et Espagne. Ce rapport est le seul à ce jour à donner une vision globale et intégrée de l’évolution des activités économiques maritimes. Pour ce faire, MedTrends a analysé 10 secteurs clés de l’économie bleue, en illustrant et en cartographiant leur activité actuelle et future, leurs leviers, leurs interactions, et leur impact environnemental.
 
De nombreux conflits intersectoriels sont ainsi à prévoir dans les régions côtières, en raison du partage accru de l’espace. Tout comme des conflits verront probablement le jour entre le développement des projets d’exploration et d’extraction d’hydrocarbures et le développement touristique, comme c’est le cas actuellement en Croatie ou aux Baléares par exemple. 
Sans surprise, les territoires exploités par la pêche professionnelle seront impactés par le développement des autres secteurs, alors que le secteur doit déjà faire face au problème de surexploitation des stocks. Aujourd’hui plus de 90 % des stocks de poissons sont surexploités. Une situation que le développement d’activités comme l’exploitation minière des fonds marins et l’extraction d’hydrocarbures vont clairement contribuer à aggraver.
« Le développement du nombre de contrats hydrocarbures offshore est très rapide. 40% de la Méditerranée sont potentiellement ouverts à l’exploration d’hydrocarbures. C’est énorme, surtout lorsque l’on connaît les risques sismiques de la région », indique Pascal Canfin, Directeur général du WWF France. « La Méditerranée est sur le chemin du burn-out. Aujourd’hui, la multiplication et la croissance des activités économiques sur cette zone s’apparentent à un véritable Far West. Nous ne pourrons éviter l’implosion, soutenir nos économies nationales et promouvoir une économie bleue qu’à travers une gestion intégrée de l’espace marin ». 

« Pour créer une économie méditerranéenne durable, les industries, les gouvernements, la société civile et toutes les parties prenantes doivent construire ensemble une vision réconciliant croissance économique et gestion des ressources », explique Giuseppe Di Carlo, Directeur de l’Initiative Marine Méditerranée du WWF.
 
« A cet égard, l’Union européenne doit jouer un rôle crucial. Sur le papier, les outils de ce changement d’approche existent déjà, avec au premier plan  la Directive Planification de l’Espace Maritime de juillet 2014. Mais beaucoup reste à faire : l’application de la Directive nécessite une vision prospective ambitieuse et partagée pour l’avenir de l’espace maritime méditerranéen. Une vision prenant en compte la biodiversité et les écosystèmes au niveau national ainsi qu’à l’échelle du bassin méditerranéen. Sans quoi il sera impossible d’atteindre les objectifs environnementaux de la Commission Européenne, s’ils ne sont déjà compromis » complète Isabelle Autissier, Présidente du WWF France.
 
« Avant MedTrends, et malgré une volonté de soutenir une croissance bleue en Méditerranée, il n’y avait que très peu d’informations sur les futures évolutions des secteurs maritimes et leurs impacts positifs ou négatifs sur les écosystèmes marins. Nous espérons que les analyses, solutions et actions que nous proposons permettront de rattraper le retard et contribueront à une gestion plus transversale et plus efficace de l’espace marin et des ressources en Méditerranée », conclut Catherine Piante, Responsable du programme Medtrends au WWF France. 

Biodiversité : une loi pour inverser la tendance ?

Ce matin, à la veille du passage au Sénat du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, la LPO, France Nature Environnement, Humanité et Biodiversité, la Fondation Nicolas Hulot et le WWF ont accueilli une trentaine de journalistes lors de la conférence de presse organisée au Zango à Paris, à l’initiative des cinq ONG.

Commerce illégal d'ivoire et de cornes de rhinocéros : la CITES appelle à maintenir la pression

Saisie d'ivoire en Thaïlande<br />© WWF / James Morgan Le Comité permanent de la Convention sur le Commerce International des Espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction (CITES) réuni à Genève depuis lundi vient de conclure sa 66ème session. Pour mettre un terme au braconnage qui décime chaque année des milliers d’éléphants et de rhinocéros, il appelle le Mozambique, la Tanzanie, le Vietnam, à prendre des actions urgentes pour lutter contre le commerce illégal d’ivoire et de cornes de rhinocéros. Le Comité demande également à ce que des sanctions soient prises à l’encontre de l’Angola, du Laos et du Nigéria, trois pays particulièrement impliqués dans ce commerce.

Selon Carlos Drews, Directeur du Programme sur les Espèces au WWF, « Cette semaine, le Comité permanent de la CITES a pris des décisions difficiles mais nécessaires pour lutter contre le commerce illégal d’ivoire et de cornes de rhinocéros. Des progrès considérables ont été réalisés par de nombreux pays au cours de ces dernières années, mais le Mozambique, la Tanzanie et le Vietnam sont loin d’en faire assez ».

  • Mozambique et Tanzanie : ces deux pays ayant chacun perdu plus de la moitié de leurs éléphants depuis 2009 doivent prendre des mesures énergiques pour lutter contre le commerce illégal d’ivoire avant la prochaine réunion en septembre.
    Le Mozambique, en particulier, a été prié d’appliquer sa nouvelle loi sur la vie sauvage, en souffrance depuis 18 mois, permettant ainsi aux gros trafiquants de continuer à agir en toute impunité et remettant en cause les promesses présidentielles concernant la lutte contre la criminalité liée aux espèces sauvages. Le pays devra également faire part de ses progrès en matière de mise en œuvre de son plan d’actions pour sauver les rhinocéros. En l’absence d’améliorations suffisantes, le pays sera sanctionné.
     
  • Vietnam : le pays, plus grand consommateur de cornes de rhinocéros, est tenu de faire preuve de davantage d’engagement pour éradiquer le commerce illégal et faire rapport de ses progrès en la matière.
     
  • Angola, Laos et Nigéria : le Comité permanent a appelé à ce que ces pays fassent l’objet de sanctions relatives au commerce des espèces inscrites à la CITES pour ne pas avoir soumis leur rapport sur les progrès de la mise en œuvre du plan d’action national CITES sur l’ivoire.

 
Selon Colman O Criodain, Analyste du Commerce des Espèces Sauvages au WWF « Le WWF soutient la demande du Comité d’agir sur Zanzibar. Nous demandons depuis longtemps que le territoire soit couvert par les règles de la CITES comme le reste de la Tanzanie. Zanzibar est devenu une plaque tournante du trafic non seulement pour l’ivoire mais aussi pour les bois précieux – et cela continuera ainsi jusqu’à ce qu’il soit soumis à la règlementation CITES. »
 
D’autres sujets clés ont été au cœur des discussions. Le commerce illégal de bois, notamment dont la majeure partie passe par Zanzibar, provient de Madagascar : ce pays a été appelé à mener un inventaire de ses stocks d’ébène et de bois de rose – dont la plupart infiltre le commerce illégal. De nombreuses autres mesures ont été approuvées sur le poisson totoaba, les tigres, les grands singes et les pangolins. Enfin, la CITES a aussi pris des mesures pour s’attaquer au blanchiment des animaux prélevés dans la nature ou élevés en captivité.