Le Tribunal administratif d’Amiens annule, dans son jugement n°1702515 du 18 octobre 2019, l’arrêté du préfet de l’Oise autorisant les lieutenants de louveterie à réguler les blaireaux par battues et chasses administratives du 6 juillet au 31 décembre 2017 sur 134 communes du département, en considérant que :
« 7. En premier lieu, s’il résulte de l’avis émis par le directeur départemental des territoires de l’Oise, le 27 juin 2017, que la présence de blaireaux dans le département engendre des dégâts pour les cultures agricoles et, en particulier, pour les cultures de maïs et de blé, ainsi que des dégâts matériels, qui s’élèveraient à une somme totale de 100 000 euros, le préfet n’avance aucun élément concret de nature à étayer ces allégations et à établir la réalité des troubles invoqués pour les agriculteurs du département. Il ressort au contraire des pièces du dossier et, en particulier, de documents établis par des associations et fondations dédiées à la protection de l’environnement, que si le blaireau, qui se nourrit principalement de vers de terre, d’insectes et de petits animaux, peut, à titre exceptionnel, puiser dans les cultures de maïs et de blé pour s’alimenter, l’impact du blaireau sur les cultures est bien moins important que celui du sanglier, dont les dégâts sont souvent imputés à tort au blaireau, et peut en tout état de cause être aisément limité par l’installation de dispositifs peu coûteux tels que des clôtures basses imbibées d’essence, qui ont un effet répulsif sur le blaireau. Il ressort également des pièces du dossier que le blaireau est susceptible de jouer un rôle d’auxiliaire pour l’agriculture céréalière en ce qu’il se nourrit d’insectes et de petits rongeurs néfastes aux cultures. Enfin, si le blaireau peut être amené à creuser des galeries, notamment, sous des parcelles agricoles, il ressort des documents produits par l’ASPAS que les accidents liés à l’affaissement des sols demeurent très rares et peuvent, en tout état de cause, être évités par le comblement et la condamnation des galeries, mesures qui s’avèrent plus efficaces que la destruction de la population de blaireaux.
8. En deuxième lieu, s’agissant des risques pour la sécurité publique avancés par le préfet, d’une part, l’affaissement d’une route sur le territoire de la commune de Sermaize n’est pas établi et, d’autre part, les dégâts causés par des blaireaux dans le cimetière de la commune d’Ognolles et les difficultés signalées par la SNCF, au demeurant, postérieurement à l’arrêté attaqué, résultant de la présence de blaireaux à proximité de la voie ferrée sur cinq zones, ne concernent que six communes du département et ne sont donc, à eux seuls, pas de nature à justifier la mise en oeuvre de battues et de chasses au blaireau dans 134 communes du département de l’Oise, représentant environ 20 % de son territoire.
9. En troisième lieu, il n’est pas établi que la population de blaireaux présente dans le département de l’Oise serait porteuse du virus de la tuberculose bovine. Il ressort au contraire des pièces du dossier et, en particulier, d’un rapport établi par l’agence de sécurité sanitaire (ANSES) en 2011 que les principaux vecteurs de ce virus sont les cervidés et les sangliers, alors que les blaireaux s’avèrent très peu porteurs de ce virus en Europe continentale. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier que la destruction ciblée d’une population de blaireaux risque d’entraîner le déplacement d’autres individus infectés et, ainsi l’extension de la zone de contamination, alors que le traitement des troupeaux touchés par la tuberculose bovine, associé à des mesures de surveillance, demeure la mesure la plus adaptée pour éradiquer ce virus.
10. En quatrième lieu, l’importance de la population de blaireaux présente dans le département de l’Oise n’est pas au nombre des motifs, énumérés par l’article L. 427-6 précité du code de l’environnement, susceptible de justifier la mise en oeuvre par le préfet de mesures de régulation. En tout état de cause, le préfet de l’Oise ne se prévaut d’aucune donnée chiffrée de nature à prouver l’importance numérique des blaireaux dans l’Oise ou l’accroissement de leur population, alors qu’il ressort des documents produits par l’ASPAS que la densité de cette espèce en Europe continentale est faible et que la population de blaireaux s’équilibre naturellement en raison, notamment, du fort taux de mortalité infantile caractérisant cette espèce, qui ne prolifère donc pas. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’ASPAS est fondée à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions précitées de l’article L. 427-6 du code de l’environnement.
11. Au surplus, il résulte des termes de l’arrêté attaqué que le préfet de l’Oise a autorisé les lieutenants de louveterie à procéder à des battues et chasses administratives au blaireau sur le territoire de 134 communes du département, sans restriction quantitative, pendant une période de plus de cinq mois et a seulement contraint les lieutenants de louveterie à informer le directeur départemental des territoires préalablement à toute opération et à établir un compte-rendu postérieurement aux opérations et, au plus tard, le 28 février 2018. L’ASPAS est dès lors fondée à soutenir que les conditions d’encadrement des battues et chasses autorisées par l’arrêté en litige ne sont pas de nature à garantir que la destruction des blaireaux demeurera effectivement sous le contrôle du préfet.
12. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que l’ASPAS est fondée à demander l’annulation de l’arrêté attaqué. »
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