Dégâts de sangliers : les chasseurs devront continuer à payer !

Alors qu’ils sont les principaux responsables de la prolifération des sangliers, les chasseurs ne veulent plus indemniser les agriculteurs, comme le prévoit le système actuel… Raté ! Le Conseil constitutionnel, saisi par le Conseil d’Etat, n’a pas suivi la demande de la Fédération Nationale des Chasseurs, dans une décision rendue publique le 20 janvier.

Face à l’explosion des dégâts attribués aux sangliers, et le risque de banqueroute de certaines fédérations départementales de chasse, la Fédération Nationale des Chasseurs (FNC) avait saisi la justice pour contester le système d’indemnisation actuel, un système pourtant voulu au départ par les chasseurs eux-mêmes…

Le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision du 20 janvier 2022, que la réglementation n’était pas contraire au principe d’égalité devant les charges publiques pour plusieurs raisons :

  • La réglementation poursuit un objectif d’intérêt général.
  • La « prise en charge par ces fédérations de l’indemnisation des dégâts causés par le grand gibier est directement liée aux missions de service public qui leur sont confiées ».
  • Cette indemnisation est limitée car « seuls les dégâts causés aux cultures, aux inter-bandes des cultures pérennes, aux filets de récoltes agricoles ou aux récoltes agricoles » sont concernés et elle n’est « due que lorsque les dégâts sont supérieurs à un seuil minimal », d’autant qu’elle peut « être réduite s’il est établi que l’exploitant a une part de responsabilité dans la survenance des dégâts », voire annuler « si les dommages ont été causés par des gibiers provenant de son propre fonds ».
  • Enfin, les Sages retiennent qu’une fédération de chasse a « toujours la possibilité de demander elle-même au responsable de lui verser le montant de l’indemnité qu’elle a accordée à l’exploitant ».

Cochongliers et pompiers-pyromanes

Dans les années 1960, les sangliers étaient bien plus rares qu’aujourd’hui. A l’époque, ce sont les paysans qui « gardaient » leurs cultures, avec un « droit d’affût » prévu par le Code rural. Une disposition qui a été modifiée sur demande des chasseurs, afin qu’ils puissent récupérer, au début des années 70, la « gestion » des sangliers dans l’idée de relancer la course aux trophées. C’est là que les choses se gâtent. Pour s’assurer un gibier abondant, les « premiers écologistes » de l’époque ont élevé des sangliers en les croisant parfois avec des cochons domestiques (les fameux « cochongliers »), puis les ont lâchés dans la nature et les ont nourris artificiellement (lire, à ce propos, le dossier du Goupil n°147 de l’ASPAS).

Aujourd’hui, ils doivent gérer l’explosion des populations et la multiplication des dégâts agricoles qui sont en partie liées à cette gestion calamiteuse, et à certaines pratiques opaques toujours en vigueur : agrainage, tirs sélectifs qui épargnent les laies reproductrices, élevages clandestins… Mais aussi des élevages légaux et des importations d’animaux depuis des pays étrangers pour les enclos de chasse privés. Des enclos pas toujours très… clos.

Les chasseurs invoquent bien entendu d’autres raisons pour expliquer cette profusion incontrôlée de sangliers (diminution du nombre de chasseurs, changement climatique, tempête de 1999, couvert végétal en expansion…), mais qui s’intéresse de près au monde de la chasse et à ses enjeux lucratifs, sait bien que c’est dans l’intérêt des chasseurs d’avoir toujours à disposition du gibier à tirer : la passion de tuer l’emportera toujours face au souci de protéger des écosystèmes, et pas question de laisser la place aux grands prédateurs naturels (loup, lynx, ours) !

Voilà des années que les chasseurs jouent aux pompiers-pyromanes avec les sangliers, et le problème ne fait que s’aggraver. Devant cette implacable réalité, leur argument-massue de la nécessaire régulation ne passe plus auprès des Français. D’ailleurs, ce n’est même plus un argument, de l’aveu du président de la FNC lui-même, qui a déclaré il y a quelques semaines aux « Grandes Gueules » n’en avoir « rien à foutre de réguler » !

Les masques tombent, et pourtant, jamais les chasseurs n’ont obtenu autant d’avantages que sous la présidence Macron : autorisation des silencieux sur les armes, pouvoir renforcés des fédérations de chasse, division par deux du prix du permis national, dérogations scandaleuses pendant les confinements… Mais aussi, prolongation de la chasse aux sangliers jusqu’au 31 mars !!

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