La décision du Conseil d’État tombée le 7 juillet 2021 va permettre de sauver des milliers d’animaux au moins jusqu’au 30 juin 2022 ! Mais beaucoup d’autres vont devoir attendre…
Une poignée de bonnes nouvelles…
L’arrêté ministériel du 3 juillet 2019 définissant la liste des animaux considérés comme « nuisibles » partout en France avait été attaqué par plusieurs associations, dont l’ASPAS. Deux ans plus tard, le verdict est ENFIN tombé : la première bonne nouvelle concerne le putois, animal en déclin classé sur la liste rouge de l’UICN, puisque la justice le sort des ESOD dans les deux derniers départements de France qui autorisaient encore son piégeage : le Pas-de-Calais et la Loire Atlantique ! La prochaine étape sera de demander au ministère d’inscrire ce mustélidé sur la liste des espèces protégées…
La 2e bonne nouvelle à retenir concerne le renard : le Conseil d’Etat a suivi nos demandes, puisque voilà goupil déclassé dans l’Essonne, le Val d’Oise, les Yvelines et certaines zones du département des Vosges !
La 3e bonne nouvelle est la réhabilitation de la martre des pins dans l’Ain, la Moselle et les Hautes-Pyrénées.
Enfin, la pie bavarde n’est plus nuisible dans le Loiret, et l’étourneau sansonnet dans la Marne.
Plus précisément, voici les extraits clés de la décision :
Sur le putois : « 11. (…) Eu égard à l’état de conservation défavorable du putois, ces dispositions méconnaissent les objectifs de la directive 92/43/CEE (Directive Habitat qui précise que les prélèvements du putois doivent être compatibles avec le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable) (…). Par suite la FNE et autre et l’ASPAS sont fondées à demander l’annulation de l’arrêté attaqué en tant qu’il classe le putois parmi les espèces susceptibles d’occasionner des dégâts. »
Sur le renard : même si le juge ne remet pas en question de façon générale le classement du renard, il exprime toutefois quelques points utiles : « 13.(…) S’il n’est pas contesté que le renard a un rôle utile dans la préservation des équilibres écologiques et dans la lutte contre l’extension géographique de la maladie de Lyme… »
– Dans les Vosges : « il ne ressort pas des pièces des dossiers que cette espèce, qui apporte une contribution positive à l’écosystème forestier dans un département où la couverture forestière est particulièrement importante, est susceptible d’occasionner des dégâts dans l’ensemble du département ».
– Dans l’Essonne : « S’il ressort des pièces des dossiers que le renard roux est répandu de façon significative dans le département de l’Essonne, il n’est pas fait état de caractéristiques géographiques, économiques et humaines propres au département de l’Essonne établissant que cette espèce serait susceptible d’occasionner d’y causer des dommages significatifs aux intérêts protégés(…) »
– Et le Val d’Oise : « S’il ressort des pièces des dossiers que le renard roux est répandu de façon significative dans le département du Val d’Oise, il n’est pas fait état de caractéristiques géographiques, économiques et humaines propres à ce département établissant que cette espèce serait susceptible d’occasionner d’y causer des dommages significatifs aux intérêts protégés(…)
– Sur la martre en Moselle : « il ne ressort pas des pièces du dossier que la martre soit répandue de façon significative dans le département de la Moselle ni qu’elle soit à l’origine d’atteinte significatives aux intérêts protégés ». Ce résultat est particulièrement satisfaisant en ce que cela signifie que le juge a rejeté les allégations simplistes et non scientifiques apportés par la Fédération des chasseurs de la Moselle et du Ministère. Dans ce même département, la FDC fondait le classement de la martre pour protéger un groupement cynégétique Faisan qui a investi pas moins de 1 248 253 euros « pour réintroduire le faisan et permettre des prélèvements futurs »… argument rejeté !!
… et pas mal de scandaleuses !
Voilà pour les quelques bonnes nouvelles. Hélas, beaucoup d’autres demandes de déclassement ont été retoquées par le juge, parfois de façon assez illogique et incompréhensible… Pour les mustélidés et les oiseaux, il se fonde principalement sur l’argument formulé de la façon suivante : « Il ressort des pièces du dossier que (…) est répandu de façon significative dans le département de (…) et qu’il est susceptible de causer des dommages notamment à (…). »
Or, le juge n’explique pas sur quel critère il se fonde pour établir la présence significative de l’espèce, il n’est donc pas clairement établi s’il prend en compte les critères établis par le Ministère pour motiver le classement ESOD, à savoir :
- Dommages chiffrés imputables à l’espèce considérés significatifs et probants à l’échelle du département : 10 000 euros de dégâts environ par an (non limités à une seule plainte)
- Abondance de l’espèce (prélèvement d’au moins 500 individus par an en particulier) et risques d’atteintes significatifs à l’échelle du département à l’un au moins des intérêts protégés au regard de l’espèce considérée.
En effet, le juge déclasse l’étourneau sansonnet dans la Marne, qui ne serait pas répandu de manière significative avec « 2600 spécimens » prélevés pendant la période de 2015-2018 (soit une moyenne de 867 individus par an, ce qui est bien au-delà du seuil de 500 prélèvements fixé par le Ministère lui-même…
Exemples d’autres incohérences (liste non exhaustive…) :
- Dans le Calvados : le juge inscrit la fouine qui n’était jusque-là pas inscrite en raison de dégâts importants (22 000 euros en 3 ans donc moins de 10 000 euros par an), selon la requête de la FDC du Calvados ;
- En Ariège, le juge estime que le geai des chênes est répandu de façon significative et est susceptible d’occasionner des dégâts aux 95 ha de vergers et de vignoble et aux 25 ha de cultures maraîchères alors que seuls 71, 82 et 44 individus ont été capturés entre 2015 et 2018 et une seule déclaration de dégât pour un montant de 100 euros a été enregistrée au cours de cette période ;
- En Haute-Garonne, le juge estime que la fouine est répandue de façon significative alors que seuls 287, 199 et 271 individus ont été capturés entre 2015 et 2018, et 12 déclarations de dégâts pour un montant de 1716 euros ont été enregistrées en 3 ans.
- En Haute-Saône, le juge estime que l’étourneau sansonnet est répandu de façon significative et que cette espèce est susceptible d’occasionner des dégâts agricoles alors même que seuls 351 individus ont été capturés en 4 ans et 13 déclarations ont été recueillies pour 2120 euros en 3 ans.
Ces victoires, et ces déceptions, démontrent bien l’incohérence du classement des ESOD en France. C’est précisément l’objet de la demande d’audit formulée en juin par 49 associations dont l’ASPAS (pétition à signer ici).
Le prochain arrêté triennal sera adopté, sauf surprise, le 30 juin 2022. D’ici là, l’ASPAS et ses partenaires comptent bien continuer à dénoncer le manque d’objectivité et de vérification des déclarations de dégâts, et inciter le Ministère à tout bonnement abandonner la « liste de la mort » qui en découle une bonne fois pour toutes !
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