Détecté chez des sangliers en Belgique en septembre 2018, le virus de la peste porcine africaine (PPA) a suscité un véritable affolement en France, par crainte que des animaux infectés aient traversé la frontière. La propagation dans l’Hexagone de cette maladie, inoffensive pour l’homme mais très contagieuse entre sangliers et cochons domestiques, aurait un impact économique et sanitaire catastrophique, dans la mesure où 40% de la viande porcine produite est destinée à l’exportation. Mais c’est le monde de la chasse qui serait directement impacté, puisque c’est leur « gibier » qui pâtit.
Bien qu’aucun cas de PPA n’ait été (officiellement et jusqu’à présent) relevé en France, la réponse des autorités a été sans appel, avec la mise en place d’une « zone blanche de dépeuplement » de 141 km² sur une vingtaine de communes des Ardennes et de la Meuse et de la Meurthe-et-Moselle, et la pose d’une clôture d’encerclement pour contenir les animaux. Objectif : exterminer tous les sangliers se trouvant dans ce secteur, qu’ils soient sains ou malades. Pour cela, l’armée a même été réquisitionnée pour rabattre les animaux lors des battues !
Les chasseurs à la source du problème
En févier 2019, les autorités belges annonçaient l’arrestation de deux personnes du monde de la chasse soupçonnées d’être à l’origine de la contamination, suite à un trafic de sangliers importés de l’Europe de l’Est. En Wallonie, le transport de sangliers pour la chasse est formellement interdit, de même que la chasse en enclos. Ce qui n’est pas le cas de la France. D’où l’hystérie du monde de la chasse, chez nous, à l’égard de la PPA, sachant que chaque année des milliers de sangliers transitent par camion et sont introduits dans des enclos de chasse privée, en toute légalité. Et que certains s’échappent. Et que d’autres sont lâchés en pleine nature, en toute illégalité cette fois : une pratique marginale, mais réelle !
Il est troublant aussi de noter la réaction de certains chasseurs appelés à participer aux battues d’éradication dans la zone blanche, à qui l’on offre 100 euros par sanglier tué ; certains disent avoir la « boule au ventre », non pas parce qu’ils doivent tuer des sangliers, mais parce qu’ils ont peur qu’il n’y en ait plus à tirer la saison prochaine !
L’hystérie qui agite le monde de la chasse est d’autant plus forte qu’il y a eu des antécédents, en France. Dans les années 2000, l’importation de sangliers et de lièvres provenant de pays de l’est de l’Europe est fortement suspectée d’être à l’origine de l’introduction de la brucellose à « Brucella suis 2 », une bactérie qui affecte désormais la quasi-totalité des populations de sangliers de France continentale. En 2012, des sangliers atteints de tuberculose bovine (Mycobacterium bovis) ont été découverts dans un parc de chasse marnais, révélant ainsi le manque de contrôles sanitaires à l’égard d’animaux importés de pays étrangers.
Une crise qui pourrait à terme profiter aux sangliers ?
Vue la gestion calamiteuse du dossier « sanglier » par les chasseurs depuis plusieurs décennies (hybridation avec des cochons domestiques, agrainage, etc.), on peut comprendre leur embarras face à l’éventualité d’une épidémie de PPA en France. Mais n’oublions pas que dans cette crise, ce sont les sangliers les premières victimes.
Toutefois, l’issue pourrait à terme bénéficier à nos amis les cochons sauvages, si le gouvernement se donnait un peu de courage : certaines pratiques de chasse méconnues du grand public, telles l’importation et l’élevage de sangliers pour des chasses en enclos privés, pourraient être interdites en cas de scandale sanitaire. Il est tout de même difficilement compréhensible qu’on nous parle sans cesse de surpopulation de sangliers en France, et que l’on autorise en parallèle de tels agissements !
En attendant, les sangliers ne se laissent pas faire, comme en témoignent les nombreux accidents relevés pendant la saison 18/19, où des animaux acculés ont blessé leurs bourreaux…
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