Ce « Froggate » a déjà motivé deux pétitions et a ému la France entière : début juin, en pleine Fête des mares, l’ironie du sort a voulu qu’un arrêt de la cour d’appel de Bordeaux impose à un couple d’un petit village rural le comblement de leur mare au motif du caractère « insupportable » des coassements des amphibiens qui y barbotent (1) !
Les grenouilles coassent depuis des millénaires, y compris dans ce village de Dordogne où elles ne gênaient personne, pas même le voisin plaignant. Il semble que cette affaire vaseuse ne soit rien d’autre qu’un conflit de voisinage. Selon les époux condamnés, une mare a toujours été présente à cet endroit, leur seule action ayant été de l’éloigner –justement– de la maison de leur voisin. Ledit voisin avait lui-même une mare chez lui, qui aurait été comblée pendant le procès. Étrange. On ne sait d’ailleurs pas si elle contenait, elle aussi, des espèces protégées.
En effet, les amphibiens sont des animaux utiles, en voie de raréfaction, et protégés par les lois de la République (2). L’association Cistude Nature a ainsi inventorié dans la mare incriminée au moins 4 espèces strictement protégées : alyte accoucheur, triton palmé, crapaud commun et rainette méridionale.
On ne peut accepter que certains estiment que les coassements d’amour des grenouilles au printemps ne représentent qu’un bruit, un trouble du voisinage empêchant de dormir la fenêtre ouverte par temps chaud. Ce qu’ils ignorent certainement, c’est que si l’air extérieur est rafraîchi, c’est grâce à la mare qui accueille les ébats de ces batraciens… Que dire alors des perpétuels bruits des tondeuses, tronçonneuses et autres débroussailleuses, qui sévissent toute l’année ?
On peut regretter qu’à l’heure où l’on tente de rapprocher l’Homme de la Nature, de renouer une culture du vivre ensemble au point de l’inscrire comme le premier objectif de la Stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) 2011-2020 (« faire émerger, susciter et partager une culture de la nature ») (3), la justice entérine le divorce de l’être humain et de son environnement.
Quelle est la prochaine étape ? Condamner le chant des oiseaux, ou encore le vent pour ses sifflements ?
Force est de constater que le droit de l’environnement n’a pas été introduit dans les débats : les amphibiens incriminés étant protégés, l’on ne peut détruire leur habitat sans une dérogation accordée par le préfet. Heureusement, d’autres dossiers ont été mieux défendus, telle cette affaire présentée devant la cour d’appel de Paris en 2008, laquelle rappelle par ces mots très justes : « il a été sans doute depuis la création de leur espèce dans leur nature de coasser là où ils se trouvent » (4).
(2) https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000017876248
(3) http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/SNB_2011-2020WEB(2).pdf
(4) CA de Paris du 08/08/2008 n°08/14542.
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