Lettre interassociative à François Hollande

Monsieur le Président de la République,

Vous avez récemment reçu le nouveau Président de la Fédération nationale des chasseurs, suite à sa prise de fonctions. La presse s’est faite l’écho de plusieurs sujets évoqués à cette occasion et sur lesquels nous souhaitons revenir, à savoir : la nécessaire réforme de la chasse, un projet de légitimation des interventions à caractère cynégétique dans les écoles de la République, l’articulation entre la future Agence Française de la Biodiversité et l’ONCFS, et enfin l’application des directives européennes par la France.

Nous ne pouvons, comme 91% des français (1), que partager le constat d’une nécessaire réforme de la chasse en France. Deux exemples pris parmi tant d’autres le justifient. La France est l’un des rares pays européens incapables de produire des tableaux de chasse en fin d’année : comment gérer des populations de faune sauvage quand on ne connait même pas l’état des prélèvements ?
chasseur-fusilC’est l’une des raisons pour lesquelles la France est le pays qui chasse le plus grand nombre d’espèces différentes en Europe, et parmi elles une vingtaine d’oiseaux inscrits sur les listes rouges des espèces menacées au niveau européen, voire mondial pour quelques-unes.
Nous pourrions citer encore la gouvernance au sein de l’ONCFS : cet établissement public en charge de la police de la chasse est administré par un conseil d’administration composé par une majorité de responsables cynégétiques, et présidé par un président de fédération départementale de chasseurs. Il suffirait de transposer ce modèle dans d’autres secteurs (santé, alimentation, sécurité routière…) pour reconnaitre les problèmes de gouvernance induits. Le refus de la Fédération nationales des chasseurs de décliner l’accord signé entre les chasseurs (Face) et les associations de protection (BirdLife) au niveau européen témoigne, si besoin était,d’une vision dépassée des enjeux et réponses communes à apporter.

Concernant le projet de renouvellement d’une ancienne convention entre l’État et le monde cynégétique afin de légitimer les interventions de ce dernier dans les écoles de la République, nous avons déjà eu l’occasion de vous écrire ainsi qu’aux ministres en charge de l’éducation d’une part et de l’environnement d’autre part.

Nous vous avons fourni un dossier complet témoignant de cas de prosélytisme, de banalisation des armes, de contenus pédagogiques plus que douteux. De nombreux parents s’en sont émus. La précédente convention, arrivée à terme, prévoyait qu’un bilan soit fait. Nous ne comprendrions que cette convention soit renouvelée sans bénéficier de ce bilan, et de l’établissement de garanties pour que les trop nombreuses dérives constatées par le passé ne se reproduisent plus.

Nos associations sont à l’origine de l’idée de la création de l’Agence Française de la Biodiversité
et nous avons toujours soutenu ce projet, même sans certitude quant aux moyens qui lui seraient affectés. De leur côté, les responsables cynégétiques ont oeuvré pour essayer d’empêcher sa création. Ils ont obtenu de votre part, avant même l’examen du projet de loi biodiversité, que l’ONCFS ne soit pas intégrée dans ladite Agence. L’un des principaux établissements publics en charge de l’expertise scientifique, de la gestion d’espaces protégés, de la police de la nature ne sera pas dans l’Agence Française de la biodiversité en charge notamment… de l’expertise scientifique, de la gestion d’espaces protégés, de la police de la nature. Non contents d’avoir obtenu cet arbitrage aujourd’hui contestable, et contesté par les personnels de l’établissement eux-mêmes, les responsables cynégétiques ont au cours des débats devant nos assemblées, essayé de retirer la compétence de la police à l’AFB. Aujourd’hui ils contestent qu’une articulation intelligente soit recherchée et des coopérations construites entre les polices de la nature, au niveau des territoires ? Ne faudrait-il pas à un moment que l’État mette un terme à cette surenchère et à ces attaques en règle contre l’Agence Française de la Biodiversité à peine née, attaques qui ne visent qu’à affaiblir son action ?

Concernant enfin les directives européennes et plus spécialement la directive oiseaux, nous serons plus que jamais vigilants à ce que l’État français fasse respecter les textes en vigueur avant toute discussion. La réforme de la chasse passe également par une responsabilisation de sesdirigeants au plus haut niveau. Tandis que la France est sous la menace d’une poursuite devant la Cour européenne de justice pour ne pas avoir mis fin au braconnage des oiseaux protégés dans les Landes, à peine élu le tout nouveau Président de la FNC venait dans ce département pour soutenir les braconniers. Juste avant de manquer publiquement de respect à votre Secrétaire d’État en charge de la biodiversité. Alors que nos associations sont obligées de faire dire le droit par le Conseil d’État depuis dix ans, l’État tolère voire encourage la chasse des oiseaux migrateurs après le 31 janvier.

Nos associations seront ouvertes à des discussions constructives avec les instances cynégétiques dès lors qu’elles inviteront leurs adhérents à respecter les textes en vigueur, et qu’elles accepteront de développer une gestion responsable, adaptative, qui tienne compte de l’état de conservation des populations.
Nous aurions d’autres sujets à évoquer avec vous, comme la question de la gestion du retour du loup en France. Ou encore les mesures de rétorsion notamment financières, exercées à l’encontre de nos associations par certains exécutifs régionaux élus grâce au soutien public de responsables cynégétiques.

Nos associations, fortes de centaines de milliers de membres, et d’un degré de sympathie considérable dans la population française, vous ont demandé à être reçues à plusieurs reprises depuis votre prise de fonction. Sans succès à ce jour, malgré la légitimité non moins forte de nos organisations par rapport à d’autres acteurs de la société civile, malgré notre engagement constant pour l’intérêt général, reconnu par les pouvoirs publics depuis les régions et départements jusqu’au niveau national.

Nous renouvelons donc cette demande afin d’évoquer ces sujets, parmi d’autres.

Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’assurance de notre très haute considération.

Le 9 novembre 2016.

Le président de la LPO: Allain BOUGRAIN DUBOURG
Le président de Humanité et Biodiversité : Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS
La Directrice de l’ASPAS : Madline REYNAUD
Le président de FNE : Denez LHOSTIS

(1) Sondage IFOP/ASPAS – Septembre 2016

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