Le Tribunal administratif de Nancy annule, dans son jugement n°1700584 du 13 novembre 2018, l’arrêté du préfet de la Meurthe-et-Moselle autorisant les lieutenants de louveterie à réaliser des tirs de renards de nuit à des fins cynégétiques sur certaines communes du département du 22 décembre 2016 au 31 mars 2017, en considérant que :
7. Il ressort des pièces du dossier, d’une part que les termes de l’arrêté du préfet indiquent qu’il est tenu compte des moyens mis en œuvre par ces groupements dans cet objectif de réimplantation, d’autre part, que la fédération de chasseurs de Meurthe-et-Moselle a encouragé ses adhérents à agir en faveur de la préservation ou la restauration de la biodiversité en plaine, a subventionné différentes actions tel que l’achat de volières, l’encouragement au développement, par les agriculteurs, de cultures à petit gibier et de jachères, l’implantation de haies, et a limité les prélèvements de l’espèce lièvre, afin d’améliorer l’habitat en plaine de la petite faune et « encourager les chasseurs à s’investir dans une autre chasse que celle du grand gibier ». Par ailleurs, les pièces produites montrent que le prélèvement de lièvres par les chasseurs est en augmentation entre les saisons 2015/2016 et 2016/2017. Toutefois, l’encouragement à la réorientation des pratiques de chasse et l’accroissement d’une population faunistique afin de la rendre disponible pour cette activité n’entrent dans aucun des cas pour lesquels les dispositions de l’article L. 427-6 précité du code de l’environnement permettent au préfet d’autoriser des opérations de destruction de spécimens d’espèces non domestiques.
8. Par ailleurs, si en produisant des documents établis par la fédération des chasseurs de Meurthe-et-Moselle, le préfet cherche à démontrer l’efficacité des tirs de nuit de renards sur la préservation de l’espèce lièvre, il ressort de ces mêmes documents qu’il a pu être constaté que dans un massif où le tir de nuit de renards n’est pas pratiqué, la courbe d’abondance du lièvre et celle du renard se suivent de sorte que lorsque la population de renards s’accroît celle du lièvre augmente également. Ces mêmes documents de la fédération de chasseurs, corroborés par les études citées par l’ASPAS, indiquent également que la principale cause de la disparition ou de la raréfaction des espèces lièvre et perdrix grise, espèces de plaine, est multifactorielle et tient essentiellement à la dégradation de leurs habitats en raison d’un appauvrissement du milieu en particulier lié à une agriculture de moins en moins diversifiée, utilisant des assolements courts et des rotations rapides, à une recrudescence de plantes qui n’offrent pas de couverts hivernaux, à un usage excessif de la chimie et à la disparition des haies. En outre, dans le cas particulier du lièvre, une mauvaise reproduction, un printemps froid et humide et une épizootie en recrudescence explique également, selon la fédération départementale des chasseurs elle-même, le fléchissement de l’indice kilométrique d’abondance (IKA) de cette espèce au cours de la saison 2015/2016. Ainsi, il n’est pas démontré que ces espèces sauvages seraient menacées par la présence de l’espèce renard.
9. En outre, compte tenu en particulier des autres facteurs de destruction, y compris la chasse, de ces espèces proies, le préfet ne justifie pas non plus que l’indice de prévalence kilométrique du renard doive nécessairement se situer autour du seuil de 0,50, seuil signalé par la fédération départementale de la chasse, pour préserver les autres espèces sauvages dont ce dernier est le prédateur et augmenter la biodiversité en plaine. Au demeurant, et dès lors qu’il ressort des pièces du dossier d’une part, que le nombre d’individus prélevés par les méthodes traditionnelles que sont la chasse et le piégeage augmentait chaque année de 2013 à 2016 et, d’autre part, que pour l’année 2016, les prélèvements par chasse et piégeage sont supérieurs au total des prélèvements opérés en 2017 par la chasse, le piégeage et le tir de nuit, le préfet n’établit pas qu’à la date à laquelle il a pris son arrêté, le taux de 0,51 constaté en 2017 n’aurait pu être atteint sans les tirs de nuit.
10. Ainsi, le préfet ne démontre pas que les méthodes de régulation traditionnelles, tels que le maintien des prélèvements de lièvres et de renards à un niveau constant par chasse traditionnelle et piégeage et la limitation corrélative du prélèvement des espèces proies par la chasse, auraient été insuffisantes pour réguler l’espèce renard et préserver les espèces de petit gibier de plaine, alors, au surplus, que le renard, espèce classée nuisible dans le département, peut déjà être chassé toute l’année par le biais de pièges et par des tirs de jour. Par suite, le recours à la mesure administrative d’autorisation des tirs de nuit est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.
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