Saisi par l’ASPAS et AVES France, le Tribunal administratif d’Amiens suspend en urgence, dans son ordonnance n°2002842 du 28 septembre 2020, l’arrêté du préfet de la Somme autorisant la régulation du renard par les lieutenants de louveterie jusqu’au 31 mars 2021 sur l’ensemble du département, par tout moyen et notamment par tir de nuit, en considérant que :
Sur la condition d’urgence :
- La décision attaquée a pour effet de permettre l’abattage de 1600 renards, a déjà été mise à exécution et a donc des effets irréversibles qui portent une atteinte grave et immédiate aux intérêts défendus par les deux associations AVES France et ASPAS.
- La préfète de la Somme soutient que l’intérêt public s’oppose à ce que la suspension de l’arrêté attaqué soit ordonnée, en raison des dommages causés par le renard et des risques liés à la santé publique posés par sa présence. Toutefois, en premier lieu, si la préfète soutient que les renards menacent la pérennité de plusieurs espèces de petits animaux sauvages, seule la perdrix grise est une espèce en situation de danger dans le département de la Somme. S’il est vrai au vu de la documentation spécialisée produite par les parties, que le renard en est le prédateur principal et que la prédation est à l’origine des trois-quarts de la mortalité de l’espèce, il apparaît également qu’il n’y a pas de lien de cause à effet entre le taux de prédation par le renard et l’importance de sa densité sur les territoires étudiés, ce taux atteignant d’ailleurs un seuil qui n’augmente plus à partir d’une certaine densité. De même, malgré sa situation de danger, la chasse à la perdrix grise, même si c’est de façon très limitée, reste autorisée dans le département. Enfin, le déclin de la population de perdrix grise apparaît essentiellement lié à la chute du taux de reproduction de l’espèce et non à une prédation excessive. En deuxième lieu, la préfète fait état des dégâts causés aux élevages avicoles. Mais il ressort du dossier de demande d’autorisation de tirs de nuit déposé par les chasseurs de la Somme et les lieutenants de louveterie que 181 préjudices, dans la Somme, ont été imputés aux renards entre juillet 2018 et juin 2019 pour un montant total de 41 181 euros soit un peu plus de 225 euros par préjudice alors que moins d’un tiers de ce montant concerne des professionnels de l’élevage et que cette période est exceptionnelle par rapport aux statistiques des quatre années précédentes, aux statistiques plus de deux fois inférieures. Il n’existe donc pas une menace grave contre l’élevage avicole à l’origine de laquelle serait le renard. En troisième lieu, s’il est incontestable que le renard est porteur et vecteur de la gale sarcoptique et de l’échinococcose alvéolaire et que des renards infectés ont été trouvés dans la Somme, il n’est fait état d’aucun cas local de transmission de ces maladies à une autre espèce ou à l’homme, alors que la gale sarcoptique est sans danger pour l’homme et qu’il est relevé tout au plus une trentaine de cas par an en France de contraction de l’échinococcose alvéolaire par l’homme.
- Il résulte de ce qui précède que la condition d’urgence de l’article L. 521-1 du code de justice administrative est satisfaite et qu’il ne résulte pas de l’instruction qu’un ou des intérêts publics s’opposent à la suspension de l’arrêté attaqué.
Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée :
- Il résulte de l’instruction que dans le département de la Somme, en moyenne chaque année, 8000 renards sont tués par piégeage, déterrage, tirs de nuit par les louvetiers (pour 19%) et tirs d’été dans le cadre du plan de chasse grand gibier, auxquels s’ajoutent « les animaux tués pendant la période de chasse. En premier lieu, l’indice kilométrique d’abondance du renard dans le département a faiblement évolué depuis 2003 (d’environ 0,2 à 0,3 renard par kilomètre carré en dix-sept années) et reste trois fois inférieur à la moyenne française. Alors que des campagnes successives d’une particulière intensité en ont détruit une forte proportion, la dynamique de reproduction de l’espèce ne paraît pas avoir été affectée. Il n’y a donc pas d’augmentation sensible, ni même, récente de la population de renards et les mesures arrêtées ne sont pas de nature à freiner la dynamique de reproduction des renards contrairement à ce qu’indiquent les deux premiers motifs de l’arrêté attaqué. En deuxième lieu, comme dit au point 4, seule la perdrix grise est une espèce en danger dans la Somme. Face à une quasi stabilisation de la population des renards et eu égard à la nature de l’impact de ces derniers sur cette espèce, également expliqué au point 4, il n’apparaît pas nécessaire de procéder à une régulation du renard pour protéger la perdrix grise, alors que parallèlement la chasse de cet oiseau reste autorisée, comme le prévoit le troisième motif de l’arrêté. En troisième lieu, d’une part, comme indiqué au point 4, il résulte de l’instruction qu’aucune menace de transmission à une autre espèce de l’échinococcose alvéolaire ou de la gale sarcoptique n’a été identifiée dans la Somme, alors qu’il résulte de la documentation produite au dossier (étude de l’entente de lutte interdépartementale contre les zoonose en pièce 14, de la requête et note de présentation de l’arrêté pris pour l’application de l’article R. 427-6 du code de l’environnement produit en pièce 17 de la requête) que la réduction des populations de renard n’est pas un moyen d’éviter la prolifération de l’échinococcose alvéolaire et de prévenir la contamination vers l’homme, au contraire, et que la gale sarcoptique n’est pas une maladie dangereuse pour l’homme. D’autre part, les besoins de réussite de réintroduction, de gibier en plaine ne peuvent constituer un motif légal de recours aux mesures prévues par l’article L. 427-6 du code de l’environnement. Ainsi, le quatrième motif de l’arrêté ne paraît pas de nature à justifier la mesure attaquée. Enfin, en dernier lieu, ainsi qu’il a été dit au point 4, l’impact du renard sur les élevages avicoles du département, quoiqu’en forte augmentation, reste négligeable et ne peut constituer un motif justifiant l’autorisation attaquée.
- Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l’erreur d’appréciation commise quant à la nécessité d’autoriser la régulation par tirs de nuit du renard, dans les limites accordées de 1600 animaux au cours d’un maximum de 400 sorties, est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de l’arrêté de la préfète de la Somme du 13 août 2020. Il y a donc lieu d’ordonner la suspension de son exécution jusqu’au jugement au fond de la requête.
Télécharger le jugement : RENARD – TIR DE NUIT – SOMME 2020
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