Le 5 mars 2020 avait lieu la grand messe annuelle des chasseurs, à Saint-Malo. Les chasseurs se revendiquant « les premiers écologistes de France », l’ASPAS a écouté avec attention le discours de leur patron, Willy Schraen, pour mieux cerner leur vision en matière d’écologie. Nous ne résistons pas à la tentation de vous partager quelques extraits décryptés, qu’il convient bien entendu de remettre dans leur contexte. Pour cela, reportez-vous à la vidéo du discours publiée sur le compte Facebook de la Fédération Nationale des Chasseurs. À noter : aucun ministre ne s’est déplacé…
Sur le braconnage :
« Pour réussir dans la chasse il faut être un peu braconnier … j’en sais quelque chose »
Nous n’avons pas compris si c’était de l’humour ou non. Quoiqu’il en soit, rappelons cet adage qui traverse les âges : tous les chasseurs ne sont pas braconniers, mais tous les braconniers sont des chasseurs.
Sur la biodiversité :
« Nous sommes plus d’1 million à pratiquer la chasse quelques jours par an, mais nous sommes surtout plus d’1M à œuvrer chaque jour pour que la nature soit plus accueillante pour la faune et la flore. La chasse est bien d’autres choses que le seul port d’une arme »
Très bien si les chasseurs nous imitent en plantant des haies, mais c’est pour mieux faire oublier qu’ils lâchent par ailleurs des millions de faisans et de perdrix d’élevage chaque année dans la nature, dans le but de les plomber, tout comme ils plombent quelque 600 000 renards, dont le rôle écologique n’est plus à démontrer. Ce qui n’est pas exactement l’image que l’on se fait d’une nature « plus accueillante pour la faune et la flore ».
Sur les réserves de l’État :
« C’est dans la SAU (surface agricole utile) et pas sous les cloches de verre des réserves nationales souvent écologiquement moribondes que nous retrouverons la biodiversité »
Belle contrevérité scientifique, alors que les oiseaux dont les populations s’effondrent sont ceux des zones agricoles. C’est au moins une bonne nouvelle pour les Réserves nationales : elles intéressent moins les chasseurs !
Sur Bruxelles et les (vrais) écologistes :
“Arrêtons d’emmerder les ruraux ! (…) Et que les écolos bruxellois arrêtent de se prélasser dans leurs cocons dorés à trouver des nouveautés à la con pour justifier leur rémunération (…) On décide de passer les chasses d’eau de nos toilettes de 7 à 5 litres, et quand les petits Chinois auront fini de livrer les cuves des nouvelles aux 446 millions d’Européens concernés, je pense que l’empreinte carbone devrait logiquement faire mourir d’une crise cardiaque la petite Greta Thunberg » (applaudissements)
No comment…
Sur la ruralité :
« Seuls les liens du sang rural sont les plus fiables »
C’est une image, sans doute, mais une image bien douteuse… Rappelons au passage que la chasse n’est pas la ruralité, et que la ruralité n’est pas la chasse.
Sur l’agrainage et les sangliers :
“Je suis un fervent défenseur de l’agrainage dissuasif, et cela du 1er janvier au 31 décembre (…) Le problème n’est pas le sanglier mais les dégâts (…) Le sanglier reste le noyau dur de la chasse française (…) C’est vers les agriculteurs qu’il faut diriger l’argent, plutôt que vers les apprentis-sorciers de l’écologie de salon »
Il est scientifiquement prouvé que l’agrainage continu des sangliers a des effets contre-productifs : le but affiché est d’éloigner les sangliers des cultures pour limiter les dégâts, mais le fait de les nourrir artificiellement contribue à leur prolifération, ce qui est bien sûr dans l’intérêt des chasseurs.
Sur la nouvelle politique petit gibier sédentaire :
« Le lapin de garenne, base de la chasse française pendant longtemps, avant que le sanglier ne prenne sa place (…) Rouvrir ce dossier est une évidence pour la biodiversité ».
Étrange conception de la biodiversité : son retour passerait par une réimplantation des lapins de garenne (issus d’élevage, sans doute) qui tomberaient ensuite sous les plombs des chasseurs.
Sur le permis national :
“Le permis national ne plait pas à nos adversaires, ce qui est plutôt une bonne nouvelle”
L’un des buts assumés des chasseurs serait-il donc « d’emmerder » volontairement les non-chasseurs ? Entré en vigueur au début de la saison 2019-2020, la division par deux du prix du permis de chasse national a eu franc succès auprès des chasseurs. Qui dit plus de mobilité des chasseurs, dit potentiellement plus d’accidents, ce qui a été effectivement confirmé par les statistiques de cette année : le nombre de morts à la chasse est reparti à la hausse.
Sur la chasse des migrateurs :
“La chasse que nous pratiquons sur des espèces migratrices fragilisées est une épée de Damoclès qui nous menace aujourd’hui”
“L’avenir sera très sombre si nous ne faisons pas preuve d’une grande solidarité devant les montagnes juridico-scientifiques que nous allons devoir franchir dans les mois et années qui viennent”
“Il ne faut pas que Pierre le chasseur ne finisse par complètement déshabillé par Paul la biodiversité”
Plutôt que d’évoluer afin de protéger les espèces en danger, le chef des chasseurs propose à ses troupes de mépriser les études scientifiques qui les dérangent. ,Ce qu’il a en tête c’est sa vision d’une chasse qui s’applique à un maximum d’espèces, régie par le concept de « gestion adaptative »… où à terme, même les espèces aujourd’hui protégées pourraient être « gérées »…
Sur la police de la nature :
“Je pense que les Fédérations départementales peuvent jouer ce rôle de police de la nature »
Pour protéger les intérêts des chasseurs, quoi de mieux que de signer des alliances avec les forces de l’ordre public ? En leur conférant ce « rôle de police de la nature », les porteurs de fusils risquent de se sentir encore plus importants qu’ils pensent qu’ils ne le sont déjà, et s’estimer encore plus légitimes de confisquer la nature à tous les autres citoyens…
“Le plomb est un problème (…) Emmanuel Macron a appelé ses diplomates à rejeter le zonage européen des plans de chasse »
Willy Schraen admet que la pollution liée au plomb est bel et bien réelle, mais il appelle à relativiser avec d’autres sources de pollutions qui, selon lui, devraient être traitées en priorité. En passant, il remet également en cause le travail des scientifiques qui estiment à plusieurs millions le nombre d’oiseaux qui meurent de saturnisme chaque année du aux résidus de plomb dans la nature. Une simple opinion vaudrait-elle donc plus qu’une étude scientifique ?
Sur les consultations publiques :
« Personne n’a le courage de retirer cette parodie de démocratie »
Aurions-nous enfin un point commun avec Willy Schraen ? Il est très rare que les pouvoirs politiques prennent en compte dans leur décision finale les avis des citoyens déposés dans le cadre des consultations publiques, cependant l’ASPAS appelle régulièrement à y participer, afin de faire poids malgré tout, en montrant aux autorités que la majorité des Français est opposée aux réformes et autres décisions préfectorales qui vont dans le sens des chasseurs au détriment de la faune.
Willy Schraen appelle ses troupes à en faire de même, afin de ne pas laisser cette place aux opposants à la chasse. Raison de plus pour continuer à participer en masse à ces consultations !
“Le loup est aussi le plus grand mensonge écolo des temps modernes”
Là, on frise la théorie du complot, ce qui évite toute argumentation…
“Nous n’avons jamais été contre le retour du loup en France, à condition que celui-ci garde un effectif compatible avec le milieu qui l’entoure. (…) 500 et quelques loups n’est pas le bon chiffre. Il est probablement 3 à 4 fois supérieur” (…)
“A quand le premier drame ? Le laisser faire le ménage dans la faune est totalement irresponsable. Bientôt les mouflons ne seront qu’un lointain souvenir. Il en sera prochainement pareil pour les chevreuils, les cervidés et autres chamois. Je refuse que les massifs français deviennent le terrain de jeu du loup où tout lui est permis »
Que de contre-vérités en si peu de phrases ! Contrairement aux chasseurs, qui ont provoqué l’extinction de nombreuses espèces (dont le loup…), il n’est pas dans les possibilités biologiques du loup et d’autres prédateurs d’éradiquer leurs proies.
« Il faut essayer regarder la reproduction du loup d’élevage à partir des 800 adultes vivant en captivité en France dont les jeunes sont probablement relâchés dans la nature plutôt que d’être euthanasiés comme la loi l’exige. C’est comme cela qu’une louve finit par élire domicile dans le Pas-de-Calais il y a quelques semaines »
On attend que M. Schraen apporte des preuves concrètes à ces affirmations totalement farfelues.
« Le loup ne remplacera ni les éleveurs ni les chasseurs ni les ruraux en général et nous ne laisserons pas la région PACA se transformer en Yellowstone à la française »
La volonté des chasseurs reste donc clairement affichée : ils n’aiment pas la protection de la nature, et veulent pouvoir « réguler » le loup et les autres espèces à la place du loup.
Cet article Sangliers et lapins de garenne : la biodiversité selon Willy Schraen est apparu en premier sur ASPAS : Association pour la Protection des Animaux Sauvages.