Dans un manifeste publié aujourd’hui, 40 organisations appellent les entreprises et les investisseurs impliqués dans les chaînes d’approvisionnement en soja et en bœuf à s’engager pour empêcher la destruction du Cerrado. Ce biome, qui abrite un tiers de la biodiversité du Brésil, est notamment menacé par l’expansion agricole et la spéculation foncière.
Entre 2013 et 2015, 18 962 km2 de Cerrado ont été détruits au Brésil. Cela signifie qu’au cours de cette période, tous les deux mois, une surface équivalente à la superficie de São Paulo ou de Londres a été perdue. La vitesse de cette destruction fait de cette zone l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète. Pour ces raisons, plusieurs organisations environnementales ont décidé de publier de manière conjointe le manifeste « The future of the Cerrado in the hands of the market: the conversion of native vegetation must be stopped » (« L’avenir du Cerrado est entre les mains du secteur privé : il faut mettre fin à la conversion de la végétation naturelle »).
La principale cause de la destruction du biome du Cerrado est l’expansion de l’agro-industrie dans des zones de végétation naturelle. Et la situation est préoccupante. En effet, depuis plus de 10 ans maintenant, le taux de conversion de végétation naturelle dans le Cerrado a été plus élevé qu’en Amazonie. C’est pourquoi, le manifeste demande aux entreprises qui achètent du soja et du bœuf provenant du Cerrado, ainsi qu’aux investisseurs qui travaillent dans le secteur, de commencer à défendre ce biome. Ainsi, il est nécessaire que tous ces acteurs prennent des engagements et adoptent des politiques efficaces pour mettre un terme à la conversion de la végétation naturelle, et qu’ils ne s’approvisionnent plus dans des zones récemment déboisées.
Les organisations signataires demandent également le respect des engagements internationaux pris par le gouvernement, ainsi que la mise en place d’instruments et de politiques pour encourager une production plus responsable dans le Cerrado. Elles alertent sur le fait que le simple respect de la loi n’est pas suffisant, car elle permet encore de convertir plus de 40 millions d’hectares du biome. Les organisations demandent aussi aux gouvernements et au secteur privé de développer des incitations et des instruments financiers afin de rétribuer les producteurs qui préservent la végétation naturelle.
Le manifeste présente 15 arguments justifiant ces demandes, parmi lesquels :
- Le Cerrado abrite les sources d’eau qui alimentent 8 des 12 bassins hydrographiques du Brésil et un tiers de la biodiversité du pays, dont 44% d’espèces végétales endémiques. Il est toutefois menacé et a déjà perdu environ 50% de sa superficie originelle ;
- Si les bénéfices issus de la production record de soja en 2017 sont réinvestis dans des activités de déforestation dans un but d’expansion agricole, le taux de conversion du biome du Cerrado pourrait être encore plus élevé que celui observé jusqu’à présent.
- Si la destruction du Cerrado se poursuit au rythme observé entre 2003 et 2013, 480 plantes et espèces animales auront disparu d’ici 2050, et nous perdrons encore 31 à 34% du Cerrado ;
- Les émissions de gaz à effet de serre résultant de ce processus empêcheront le Brésil de respecter ses engagements internationaux ;
- La réduction de la taille du biome pourrait entraîner une modification des régimes de précipitations dans la région, et avoir ainsi un impact sur la productivité agricole ;
- La conversion du Cerrado menace également les droits des communautés locales, qui ne possèdent pas de titres de propriété et sont donc menacées par l’accaparement des terres et la spéculation foncière ;
- Les atteintes aux droits des populations vont au-delà de l’utilisation des terres. Celles-ci sont également touchées par la réduction du débit des rivières et leur contamination par des produits agrochimiques, par l’épuisement des ressources naturelles en raison de leur exploitation et par l’urbanisation croissante, qui a notamment des conséquences sur les services de santé publique, d’éducation et d’assainissement ;
- Il est possible de développer les activités agricoles sans causer autant de destruction. Environ 40 millions d’hectares ont déjà été défrichés, et ils peuvent être utilisés pour la production de soja au Brésil. Cette surface est suffisante pour que la Brésil atteigne ses objectifs d’expansion de la production de soja pour les 50 prochaines années.
- L’un des arguments du secteur privé justifiant l’absence de suivi des chaînes de production est l’absence d’un programme de suivi de la déforestation dans le Cerrado. Le Ministère brésilien des Sciences, des Technologies, de l’Innovation et de la Communication a déjà publié les données officielles jusqu’en 2015 et a déclaré que le suivi de cette zone se fera maintenant annuellement, comme c’est déjà le cas pour l’Amazonie.