L’abattage des grands prédateurs fait augmenter ou reste sans effet sur le nombre d’attaques du bétail dans plus de 70% des cas : c’est ce que démontre l’étude publiée jeudi dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment. A l’inverse, les méthodes préservant la vie du loup, comme la protection des troupeaux, permet de réduire le nombre d’attaques sur le bétail dans 80% des cas étudiés.
Dans le monde entier, autorités, chasseurs et éleveurs recourent par réflexe à la solution de facilité, qui consiste à abattre les prédateurs tels que les ours, les loups ou les grands félins, pour éviter les dommages aux troupeaux. Les nouveaux résultats qui viennent d’être publiés montrent toutefois qu’en agissant ainsi, ils créent souvent plus de problèmes qu’ils n’en règlent.
L’équipe internationale de recherche a analysé les résultats et la pertinence de diverses études réalisées en Amérique et en Europe. Les résultats relevés en Afrique et en Asie confirment également ces conclusions.
Si les résultats principaux de l’étude ne sont pas nouveaux, la base de données internationale et complète sur laquelle ils reposent les rendent plus clairs que jamais :
- Les méthodes mortelles (comme la chasse, les appâts empoisonnés ou les pièges) ne sont pas une solution aux problèmes des éleveurs mais ont souvent pour effet d’aggraver les problèmes existants : elles ne permettent de réduire les attaques sur le bétail que dans seulement 29% des cas. L’abattage des grands prédateurs fait augmenter ou reste sans effet sur le nombre d’attaques du bétail dans plus de 70% des cas.
- Les méthodes épargnant les animaux (comme les mesures de protection des troupeaux ou les systèmes de dissuasion visuels tels que rubans répulsifs) sont au contraire efficaces. Dans 80% des cas, les attaques sur le bétail ont nettement diminué.
Sur la base des connaissances actuelles, les chercheurs recommandent aux autorités et aux décideurs de renoncer à abattre les prédateurs pour éviter les attaques.
Pertinence dans le contexte d’augmentation des abattages de loups en France…
Pour la période juillet 2016 – juin 2017, les abattages de loups sont autorisés par dérogation sur arrêté préfectoral, jusqu’à un nombre maximum de 36 individus dans 20 départements français. Chaque année, ce plafond est révisé à la hausse. L’estimation du nombre de loups en France par les services de l’Etat montre une stagnation des effectifs, alors que le nombre d’attaques continue de progresser significativement ces dernières années (+5% en 2015). A longue échéance, les tirs ne sont pas la solution. Seuls la mise en place avérée et le suivi de mesures de protection des troupeaux pourront permettre une cohabitation pérenne entre l’Homme et l’animal.
…et de révision de la loi fédérale suisse sur la chasse
Le 24 août, le Conseil fédéral suisse a ouvert la procédure de consultation pour la révision de la loi sur la chasse. La proposition de loi prévoit que les loups puissent bientôt être abattus à titre préventif dans le but d’éviter les dégâts aux troupeaux. Dans un premier temps, seul le loup, prédateur protégé, doit figurer sur la liste des animaux à abattre. Mais le lynx et d’autres espèces protégées pourraient bien le rejoindre prochainement.
Il ne faut pas non plus oublier que les grands prédateurs vivant dans l’espace alpin transfrontalier sont des espèces fortement menacées de disparition. Les expériences décidées à la hâte n’ont pas leur place dans ce contexte. Dans le cas du loup en particulier, la décimation de sa population consiste, dans la pratique, à des tirs non spécifiques. Dans pareil cas, le danger est grand que des individus jouant un rôle essentiel dans la structure familiale et la recherche de nourriture soient tués. Le risque d’aggraver la situation au lieu de l’améliorer est trop important.
En savoir plus sur l’étude :
Treves, A., Krofel, M., McManus, J. (equal co-authors) 2016 Predator control should not be a shot in the dark. Frontiers in Ecology and the Environment (September 2016 issue)