Rapport WWF : Le charbon à bout de souffle et des énergies renouvelables en expansion

L'industrie du charbon est face à un déclin structurel inéluctable.<br />© WWF US / Julie Pudlowski

Dans son nouveau rapport Global coal : the acceleration of market decline, le WWF indique qu’au niveau international, les industries du charbon sont au bord de la crise financière et que les projets de centrales à charbon avortés sont plus nombreux que ceux qui voient le jour.

 

  • Les énergies renouvelables, toujours plus accessibles, attirent plus d’investisseurs que le charbon. En 2014, 59% des capacités de production supplémentaires venaient des énergies renouvelables – environ 80% en Europe.

 

  • Un peu partout dans le monde, le secteur financier est en train de retirer ses soutiens au charbon. Des investisseurs majeurs tels que AXA, Aviva, les fonds de pension de l’Etat de Californie ou de la ville d’Oslo ou encore le Norwegian Sovereign Wealth Fund s’en désinvestissent. Les banques telles que le Crédit agricole et la Bank of America sont également en train de réduire les soutiens au charbon.

 

  • Les inquiétudes quant à son impact sur le changement climatique, sur l’environnement et la santé incitent de plus en plus les gouvernements à mettre en place des mesures quant à son exploitation. Le rapport montre que le charbon est dans une impasse.

 

Pour résumer, l’industrie du charbon est face à un déclin structurel inéluctable. Pour contenir la hausse de la température moyenne mondiale bien en-dessous de la barre des 2°C, comme le recommande la science, ce déclin devra être le plus rapide possible.

Selon Samantha Smith, directrice de l’initiative mondiale Energie et Climat au WWF, « L’exploitation du charbon est largement responsable du changement climatique. Nous devons en sortir si nous souhaitons atteindre n’importe lequel des objectifs qui sont en discussion à Bonn cette semaine.  L’argent public des pays développés ne doit pas soutenir le charbon que ce soit par des credits à l’export ou la soi-disant finance climat. Les gouvernements et les institutions financières tournent de plus en plus le dos à cette industrie en déclin. Les gouvernements les plus riches doivent soutenir les solutions et mettre leurs efforts sur dans le financement d’une transition juste et rapide vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.

 

Jan Vandermosten chargé des politiques au bureau des politiques européennes du WWF, « Nous sommes témoins de la transition énergétique. La compétitivité accrue des énergies renouvelables a largement ébranlé l’attractivité des soutiens au charbon jusqu’à un point de non-retour. En 2014, la consommation en charbon de la Chine a chuté pour la première fois, les Etats-Unis ferment leurs centrales à charbon et des géants de l’énergie tels que E.ON et RWE se tournent vers les renouvelables. Ces signaux insufflent une dynamique vers la COP21 qui aura lieu en décembre à Paris et l’adoption d’un nouveau régime climatique. »

 

Activités illégales d'Holzindustrie Schweighofer dans les forêts roumaines, le WWF porte plainte pour violation du Règlement Bois de l'Union européenne

Le WWF porte ainsi plainte auprès du Bureau Fédéral des Forêts à Vienne pour violations du Règlement Bois de l'Union européenne (RBUE).<br />© Chris Martin Bahr / WWF

L’ONG américaine EIA (Environmental Investigation Agency) apportait aujourd’hui une nouvelle preuve des pratiques illégales de la société autrichienne Holzindustrie Schweighofer en Roumanie. EIA démontre que l’entreprise autrichienne intègre dans ses exploitations industrielles de grandes quantités de bois illégal provenant de Roumanie qu’elle met ensuite sur le marché de l’Union européenne sous la forme de produits finis ou de bois-énergie. « Schweighofer est l’un des plus grands acteurs de l’industrie du bois en Europe et malheureusement un acteur majeur de l’abattage illégal de bois en Roumanie » souligne Alexander von Bismarck, directrice de l’EIA. 

 

Le WWF porte ainsi plainte auprès du Bureau Fédéral des Forêts à Vienne pour violations du Règlement Bois de l’Union européenne (RBUE) et appelle à une enquête approfondie sur les pratiques de l’entreprise.  

 

Une preuve de plus

Il y a quelques années, Agent Green fournissait également la preuve d’une série de pratiques illégales et non durables d’abattage sur la zone du Parc National de Roumanie. Cette année, deux nouvelles vidéos sont venues étayées ces soupçons. Ces vidéos montraient un camion sortant d’un parc national de Roumanie chargé de bois non référencé et à destination de l’entreprise Schweighofer. Malgré les dénégations de la société, son responsable achat acceptant en toute connaissance de cause ce bois d’origine douteuse.

 

Si le rapport actuel de l’EIA, réalisé sur la base de deux années d’enquête, ajoute une nouvelle pièce à charge contre Schweighofer, le document montre pour la première fois l’étendue des dégâts causés par les grands volumes de bois  illégaux approvisionnant les usines de Schweighofer en Roumanie. « Il faut savoir que 50% du bois abattu en Roumanie est illégal : bois provenant de parcs nationaux, de coupes rases, de sur-exploitation, usage de faux permis ou encore abattage sur des propriétés volées » explique Jean Bakouma, directeur adjoint Production & Consommation Durable du WWF France.

 

Gabriel Paun, Directeur d’Agent Green, ajoute « Les organisations du crime organisé facilitent le transit de bois illégal de Roumanie vers l’Europe. Jusqu’à présent, la législation nationale et européenne n’a pas été capable d’endiguer les activités illégales du secteur. Il existe ainsi de grands risques pour les consommateurs de l’Union. Notons également que les deux tiers de la forêt dont nous parlons abritent de grandes populations d’ours, de loups ou de lynx »

 

Des actions menaçant les efforts de protection de la forêt roumaine 

Le dépôt de plainte du WWF s’inscrit dans une démarche continue de protection des dernières forêts vierges de la région des Carpates. La Roumanie abrite en effet environ 218 000 hectares de forêts anciennes à haute valeur écologique. « Nous aimerions dans l’absolu que 25000 hectares de la forêt vierge de la région soit inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Mais aujourd’hui nous appelons tout d’abord à une enquête approfondie basée sur toutes les preuves fournies par le rapport de l’EIA. Nous ne voulons pas laisser les dernières forêts sauvages d’Europe se transformer en pellets ou en bois de chauffage au bénéfice des grandes multinationales » alerte Andrea Johanides, Directrice générale du WWF Autriche. « Le RBUE n’est malheureusement pas efficacement transposé aux niveaux nationaux, contient  quelques faiblesses et prévoit par exemple des pénalités trop faibles pour toute violation du dispositif » ajoute Jean Bakouma. 

 

Chantage aux emplois contre impunité

Un récent rapport du gouvernement roumain estimait à 80 millions de m3 le volume de bois illégalement abattu sur les 20 dernières années. Un phénomène représentant un manque à gagner de plus de 5 milliards d’euros pour l’économie nationale. Le rapport de l’EIA souligne notamment les dégâts causés par Schweighofer, à travers ses pratiques, sur l’industrie du meuble en Roumanie. En tirant les prix vers le bas et en rachetant les stocks de bois, l’entreprise serait responsable de la perte de 50 000 emplois selon Doina Pana, ancienne Ministre de l’Environnement en Roumanie.

 

Afin de protéger ses activités, Schweighofer est également intervenu dans le but d’empêcher la mise en place d’une nouvelle loi Forêt destinée à limiter les monopoles d’exploitation sur la région. Dans une lettre adressée au Premier Ministre, Gérald Schweighofer menaçait ainsi de poursuivre la Roumanie auprès de la Cour Internationale et de licencier ses salariés roumains si la loi n’était pas retirée.
 

Quel mécanisme de l'ambition pour rattraper le retard pris dans l'action climatique ?

Le dernier round des négociations avant la COP21 s'achève demain à Bonn.<br />© UNFCCC

Alors que s’achève demain à Bonn le dernier round de négociations avant la COP21 et que les pays s’entendent à dire que le texte sur la table manque d’ambition, le WWF présente les bases d’un mécanisme de l’ambition capable de rattraper le retard pris dans l’action climatique sans attendre l’entrée en vigueur en 2020 de l’accord de Paris.

Pour avoir une chance de maintenir la hausse de la température mondiale bien en-dessous de 2°C, le pic des émissions de gaz à effet de serre doit être atteint d’ici à 2020 (5ème rapport d’évaluation du GIEC – 2014). Malheureusement, sur la base des intentions de contribution déposées par environ 150 pays avant la COP21, l’Agence Internationale de l’Energie affirme qu’aucun pic ne pourra être atteint avant 2030. Ce retard pris dans l’action, estimé à 8-10 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an d’ici 2020 (Emissions Gap Report, PNUE 2014), doit être rattrapé sans attendre pour éviter les pires impacts du changement climatique.

 

Articulé autour de périodes de 5 ans, ce mécanisme devrait permettre à la fois d’examiner et de revoir à la hausse les engagements des pays et de limiter le risque de les voir se fixer des objectifs nationaux de lutte contre le changement climatique de leur côté, en dehors d’un cadre international prenant en compte les enjeux liés à l’équité et la science.

 

Le texte actuellement sur la table avance des options qui pourraient être renforcées pour construire les rouages d’un véritable mécanisme de l’ambition tout au long de ces périodes de 5 ans (cf. infographie ci-dessous).
 

Le WWF a identifié trois leviers pour accélérer et rattraper le retard pris dans l’action :

  • un renforcement de la coopération entre les pays : les pays développés, qui portent au niveau mondial une forte responsabilité dans le dérèglement climatique en cours, doivent démontrer qu’ils accélèrent la mise en œuvre et l’amplification de leurs objectifs. Il s’agit aussi d’identifier des opportunités de collaboration entre les pays pour aider les pays en voie de développement, financièrement et technologiquement, à atteindre les objectifs les plus ambitieux.
 
  • une consolidation du processus d’examen technique pour évaluer les potentiels d’atténuation et d’adaptation des pays et les traduire par une mise en œuvre d’initiatives et d’actions concrètes sur le terrain, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, des économies d’énergie ou de la lutte contre la déforestation.
 
  • un agenda de l’action pérenne et de haut niveau : le Lima Paris Action Agenda a mis en évidence l’importance des actions de court terme et encourage la coopération entre les acteurs non-étatiques et les gouvernements. Sur ce modèle, deux « champions », figures politiques de haut-niveau nommées par les Présidences de la COP, pourraient animer la mobilisation au plus haut niveau de tous les acteurs et la mise en œuvre des initiatives.

Dernier round de négociations avant la COP21 : une semaine pour relever l'ambition

Dernier round de négociations à Bonn (Allemagne) avant la COP21.<br />© WWF / Richard Stonehouse

Le dernier round de négociations s’est ouvert aujourd’hui à Bonn (Allemagne) avant la COP21, rencontre historique qui s’ouvrira dans six semaines, et au cours de laquelle devra être adopté un nouvel accord international sur le climat.

 

Selon Tasneem Essop, cheffe de la délégation du WWF sur les négociations climatiques, « Paris devra réussir à construire un lien entre l’ambition climatique et les derniers résultats de la science pour limiter le dérèglement climatique. A Bonn, nous aurons ainsi besoin d’aboutir un projet d’accord qui permette de lever les blocages politiques sur cette question. »

 

Ce projet d’accord devra comprendre : 

  • Des engagements clairs pour que le financement climatique soit relevé autour de cycles réguliers à partir de l’objectif plancher de 100 milliards de dollars dès 2020 ;
  • La bonne prise en compte des enjeux liés à l’équité dans l’ensemble du nouvel accord ;
  • Un mécanisme robuste pour le suivi et la revue à la hausse des objectifs ;
  • Une décision et un mécanisme international permanent dédiés aux enjeux liés aux pertes et dommages dus aux impacts du changement climatique ;
  • L’adoption formelle d’un objectif international solide pour l’adaptation pour mener davantage d’actions dans ce domaine et soutenir les pays qui font déjà face aux impacts inéluctables du changement climatique.

 

Selon Pierre Cannet, responsable du programme Climat et Energie au WWF France, « Sous un format pourtant plus simple à l’emploi pour les négociateurs, le projet d’accord des co-présidents est aujourd’hui sous le feu de critiques car celui-ci manque cruellement d’ambition. Mais la tension peut être diminuée cette semaine si le projet est considérablement renforcé, notamment par l’intégration d’un véritable mécanisme de l’ambition autour de périodes de cinq ans. Cette mécanique pourrait être mise en mouvement par quatre rouages qui doivent, dès cette semaine, être poussés dans les discussions : 

  • renforcer l’expertise dans des secteurs clefs, comme les renouvelables, et la traduire par des programmes concrets de terrains ;
  • obtenir davantage de leadership politique inspiré par plus d’initiatives sectorielles ;
  • amplifier la collaboration notamment financière entre les différents niveaux d’acteurs ;
  • accélérer la mise en œuvre des engagements avant 2020.

Ce mécanisme contribuerait à la revue à la hausse des engagements avant 2020 pour un accord de Paris ambitieux qui permette de limiter la hausse du thermomètre mondial bien en-dessous de la barre des 2°C voire 1,5°C. »

 

Selon les experts, pour parvenir à cet objectif de limitation de la hausse de la température mondiale, les émissions mondiales doivent atteindre un pic avant 2020. Les actions à mettre en place avant 2020 doivent constituer un socle solide à l’ambition, d’autant plus que les engagements des pays présentés à travers leurs intentions de contributions (iNDCs) ne sont pas à la hauteur pour l’après-2020.

 

« Le projet de texte dont nous disposons actuellement contient un grand nombre de bons éléments pour l’action avant 2020. « Si nous voulons rattraper le retard pris dans l’action, nous devons maintenant passer à la mise en œuvre en augmentant les efforts via le développement des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la protection des forêts et des terres. » souligne Tasneem Essop.

 

« Alors que la mobilisation rejointe par la société civile, les entreprises ou encore les groupes religieux ne cesse de se renforcer à l’extérieur des négociations, les progrès au sein même des négociations sont encore trop lents et doivent maintenant passer à la vitesse supérieure. » ajoute Samantha Smith, directrice de l’initiative mondiale Energie et Climat au WWF.