Quel mécanisme de l'ambition pour rattraper le retard pris dans l'action climatique ?

Le dernier round des négociations avant la COP21 s'achève demain à Bonn.<br />© UNFCCC

Alors que s’achève demain à Bonn le dernier round de négociations avant la COP21 et que les pays s’entendent à dire que le texte sur la table manque d’ambition, le WWF présente les bases d’un mécanisme de l’ambition capable de rattraper le retard pris dans l’action climatique sans attendre l’entrée en vigueur en 2020 de l’accord de Paris.

Pour avoir une chance de maintenir la hausse de la température mondiale bien en-dessous de 2°C, le pic des émissions de gaz à effet de serre doit être atteint d’ici à 2020 (5ème rapport d’évaluation du GIEC – 2014). Malheureusement, sur la base des intentions de contribution déposées par environ 150 pays avant la COP21, l’Agence Internationale de l’Energie affirme qu’aucun pic ne pourra être atteint avant 2030. Ce retard pris dans l’action, estimé à 8-10 milliards de tonnes d’émissions de CO2 par an d’ici 2020 (Emissions Gap Report, PNUE 2014), doit être rattrapé sans attendre pour éviter les pires impacts du changement climatique.

 

Articulé autour de périodes de 5 ans, ce mécanisme devrait permettre à la fois d’examiner et de revoir à la hausse les engagements des pays et de limiter le risque de les voir se fixer des objectifs nationaux de lutte contre le changement climatique de leur côté, en dehors d’un cadre international prenant en compte les enjeux liés à l’équité et la science.

 

Le texte actuellement sur la table avance des options qui pourraient être renforcées pour construire les rouages d’un véritable mécanisme de l’ambition tout au long de ces périodes de 5 ans (cf. infographie ci-dessous).
 

Le WWF a identifié trois leviers pour accélérer et rattraper le retard pris dans l’action :

  • un renforcement de la coopération entre les pays : les pays développés, qui portent au niveau mondial une forte responsabilité dans le dérèglement climatique en cours, doivent démontrer qu’ils accélèrent la mise en œuvre et l’amplification de leurs objectifs. Il s’agit aussi d’identifier des opportunités de collaboration entre les pays pour aider les pays en voie de développement, financièrement et technologiquement, à atteindre les objectifs les plus ambitieux.
 
  • une consolidation du processus d’examen technique pour évaluer les potentiels d’atténuation et d’adaptation des pays et les traduire par une mise en œuvre d’initiatives et d’actions concrètes sur le terrain, notamment dans les secteurs des énergies renouvelables, des économies d’énergie ou de la lutte contre la déforestation.
 
  • un agenda de l’action pérenne et de haut niveau : le Lima Paris Action Agenda a mis en évidence l’importance des actions de court terme et encourage la coopération entre les acteurs non-étatiques et les gouvernements. Sur ce modèle, deux « champions », figures politiques de haut-niveau nommées par les Présidences de la COP, pourraient animer la mobilisation au plus haut niveau de tous les acteurs et la mise en œuvre des initiatives.

Dernier round de négociations avant la COP21 : une semaine pour relever l'ambition

Dernier round de négociations à Bonn (Allemagne) avant la COP21.<br />© WWF / Richard Stonehouse

Le dernier round de négociations s’est ouvert aujourd’hui à Bonn (Allemagne) avant la COP21, rencontre historique qui s’ouvrira dans six semaines, et au cours de laquelle devra être adopté un nouvel accord international sur le climat.

 

Selon Tasneem Essop, cheffe de la délégation du WWF sur les négociations climatiques, « Paris devra réussir à construire un lien entre l’ambition climatique et les derniers résultats de la science pour limiter le dérèglement climatique. A Bonn, nous aurons ainsi besoin d’aboutir un projet d’accord qui permette de lever les blocages politiques sur cette question. »

 

Ce projet d’accord devra comprendre : 

  • Des engagements clairs pour que le financement climatique soit relevé autour de cycles réguliers à partir de l’objectif plancher de 100 milliards de dollars dès 2020 ;
  • La bonne prise en compte des enjeux liés à l’équité dans l’ensemble du nouvel accord ;
  • Un mécanisme robuste pour le suivi et la revue à la hausse des objectifs ;
  • Une décision et un mécanisme international permanent dédiés aux enjeux liés aux pertes et dommages dus aux impacts du changement climatique ;
  • L’adoption formelle d’un objectif international solide pour l’adaptation pour mener davantage d’actions dans ce domaine et soutenir les pays qui font déjà face aux impacts inéluctables du changement climatique.

 

Selon Pierre Cannet, responsable du programme Climat et Energie au WWF France, « Sous un format pourtant plus simple à l’emploi pour les négociateurs, le projet d’accord des co-présidents est aujourd’hui sous le feu de critiques car celui-ci manque cruellement d’ambition. Mais la tension peut être diminuée cette semaine si le projet est considérablement renforcé, notamment par l’intégration d’un véritable mécanisme de l’ambition autour de périodes de cinq ans. Cette mécanique pourrait être mise en mouvement par quatre rouages qui doivent, dès cette semaine, être poussés dans les discussions : 

  • renforcer l’expertise dans des secteurs clefs, comme les renouvelables, et la traduire par des programmes concrets de terrains ;
  • obtenir davantage de leadership politique inspiré par plus d’initiatives sectorielles ;
  • amplifier la collaboration notamment financière entre les différents niveaux d’acteurs ;
  • accélérer la mise en œuvre des engagements avant 2020.

Ce mécanisme contribuerait à la revue à la hausse des engagements avant 2020 pour un accord de Paris ambitieux qui permette de limiter la hausse du thermomètre mondial bien en-dessous de la barre des 2°C voire 1,5°C. »

 

Selon les experts, pour parvenir à cet objectif de limitation de la hausse de la température mondiale, les émissions mondiales doivent atteindre un pic avant 2020. Les actions à mettre en place avant 2020 doivent constituer un socle solide à l’ambition, d’autant plus que les engagements des pays présentés à travers leurs intentions de contributions (iNDCs) ne sont pas à la hauteur pour l’après-2020.

 

« Le projet de texte dont nous disposons actuellement contient un grand nombre de bons éléments pour l’action avant 2020. « Si nous voulons rattraper le retard pris dans l’action, nous devons maintenant passer à la mise en œuvre en augmentant les efforts via le développement des énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et la protection des forêts et des terres. » souligne Tasneem Essop.

 

« Alors que la mobilisation rejointe par la société civile, les entreprises ou encore les groupes religieux ne cesse de se renforcer à l’extérieur des négociations, les progrès au sein même des négociations sont encore trop lents et doivent maintenant passer à la vitesse supérieure. » ajoute Samantha Smith, directrice de l’initiative mondiale Energie et Climat au WWF.